Proverbes dramatiques/Le Prince Wourstberg

Explication du Proverbe :

Proverbes dramatiquesLejaytome V (p. 63-98).


LE PRINCE
WOURTSBERG.

SOIXANTE-TROISIEME PROVERBE.


PERSONNAGES.


LE PRINCE WOURTSBERG, Souverain. Habit vert brodé en Brandebourgs en or, cordon jaune bordé de rouge, plaque d’argent sur l’habit, chapeau & épée, coëffé en aile de pigeon, grand toupet.
LA PRINCESSE GUDULE, robes riches,
LA PRINCESSE ULRIQUE,
beaucoup de choses dans leurs coiffures en argent, en diamans & fleurs, contenances gênées, avec des éventails.
LE GRAND CHAMBELLAN, Habit brun & veste jaune brodés en argent, grande perruque brune, gants, canne, chapeau, & l’ordre du Prince.
LE BARON SCHLOFF, habit à paremens magnifiques, coëffure comme le Prince, chapeau, épée, & l’ordre du Prince.
M. BRILLANTSON, Chanteur François, habit & veste gris-de-fer, galonné d’un petit galon d’argent, chapeau & épée.
FRÉDERIC, Valet-de-chambre du Prince. Habit vert galonné en or avec des revers, boutons plats, petite perruque ronde.
LES MUSICIENS du Prince, en uniforme vert, paremens jaunes, petit galon d’argent.


La Scène est dans le palais du Prince, dans un sallon.

Scène premiere.

M. BRILLANTSON, FRÉDÉRIC.
FRÉDÉRIC.

Entre-vous ici, Monsieur le François ?

M. BRILLANTSON.

Est-ce ici que demeure Monsieur le Baron Schloff ?

FRÉDÉRIC.

Oui, il va venir tout présentement à cette chambre.

M. BRILLANTSON.

Je demande si c’est ici son logement

FRÉDÉRIC.

Logement ?

M. BRILLANTSON.

Oui, si c’est où il se couche, où il s’habille ?

FRÉDÉRIC.

Ah, vous voulez dire son quartier.

M. BRILLANTSON.

Son quartier ?

FRÉDÉRIC.

Oui, ce n’est pas à le droite du Château, il faut marcher encore plus.

M. BRILLANTSON.

Eh-bien, je vais aller chez lui.

FRÉDÉRIC.

Non, il faut attendre ici, il viendra parler à vous. Tenez, je entends je crois.

M. BRILLANTSON.

Je vais…

FRÉDÉRIC.

Non, reste vous-la, il m’a dit : je vais regarder. Il regarde à la porte. C’est point encore.

M. BRILLANTSON.

Comment appellez-vous cet endroit-ci ?

FRÉDÉRIC.

Endroit-ci ?

M. BRILLANTSON.

Oui, cette chambre ?

FRÉDÉRIC.

C’est le quartier du Prince, il dort encore plus là-bas, dans les autres.

M. BRILLANTSON.

J’entends.

FRÉDÉRIC.

Tenez, je crois que voilà, Monsieur Baron. Oui, c’est lui véritablement. Je suis plus bon présentement, j’ai marche sur la princesse.

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Scène II.

Le BARON, BRILLANTSON.
Le BARON.

Eh bonjour, Monsieur Brillantson, je suis fort content de vous voir dans cette pays.

M. BRILLANTSON.

Je craignois bien que vous ne fussiez pas de retour de vos voyages.

Le BARON.

Pardonne-moi, je suis retourné il y a plus que cinq mois. Paris il est toujours joli ? je suis été fort charmé de ma derniere voyage ; c’est un Ville qu’il est fort agréable, fort charmant ! Pourquoi-donc vous, il quitte la France ?

M. BRILLANTSON.

C’est que je suis bien-aise de voir un peu l’Allemagne, on m’a dit qu’il falloit tout connoître.

Le BARON.

Cette Pays il est bon. Et Mademoiselle Persil, comment il est à présent ?

M. BRILLANTSON.

Elle danse toujours à l’Opéra.

Le BARON.

Oui, mais je dis son santé ?

M. BRILLANTSON.

Est-ce que vous l’avez connue ?

Le BARON.

Oh, tiaplement !

M. BRILLANTSON.

Je ne sçavois pas.

Le BARON.

Il m’a coûté encore plus avec cela de l’argent beaucoup ; mais j’ai aime encore grandement. Son mère il boit fortement, mais il aime encore beaucoup l’argent bien plus fort.

M. BRILLANTSON.

C’est une vilaine femme, mais Mademoiselle Persil, est une fille charmante !

Le BARON.

Oh, je sçai fort bien, c’est là j’ai fait avec vous mon connoissance, vous avez oublié ?

M. BRILLANTSON.

Ah, c’est vrai. Eh bien, c’est elle qui est cause que j’ai été obligé de sortir de France.

Le BARON.

Tiaple ! je sçavois pas.

M. BRILLANTSON.

Il y a huit jours ; c’est un malheur qui m’est arrivé, à quoi je ne m’attendois pas ; c’est Monsieur le Comte de Rondeville, qui est son amant à présent, il étoit allé à Versailles pour trois jours, elle m’a dit de venir souper avec elle, il nous a surpris ; il est entré l’épée à la main ; en voulant l’éviter, je l’ai poussé contre une porte qui l’a blessé, il est tombé sans connoissance, on m’a dit qu’il étoit fort malade, & on m’a conseillé de me sauver : j’ai pensé que vous pourriez me rendre service, soit ici où ailleurs, & je suis venu vous trouver, Monsieur le Baron.

Le BARON.

Voulez-vous rester avec le Prince ? il donnera à vous de l’argent, pour chanter à son Concert.

M. BRILLANTSON.

Je ne demande pas mieux.

Le BARON.

Il a un pon musique.

M. BRILLANTSON.

Je le sçais : si par votre moyen, je pouvois lui être présenté…

Le BARON.

Je serai fort content ; mais il faut parler avec Monsieur la Chambellan, & je dirai ; il vient ici, a ce moment. Je vais montrer vous à lui, & je dirai comme vous il chante fort pon.

M. BRILLANTSON.

Je vous en serai très-obligé.

Le BARON.

Il faut que je dise encore, ayant que le Chambellan il vient.

M. BRILLANTSON.

Qu’est-ce que c’est ?

Le BARON.

C’est que quand il parle, il faut toujours vous dire à lui, votre Excellence.

M. BRILLANTSON.

Je le dirai.

Le BARON.

Et au Prince, votre Altesse…

M. BRILLANTSON.

Cela n’est pas bien difficile, parlent-ils François ?

Le BARON.

Il parle pas beaucoup la Chambellan ; mais il entend le langue.

M. BRILLANTSON.

Et le Prince ?

Le BARON.

Il parle fort pon, comme moi je parle.

M. BRILLANTSON.

Et vous parlez bien.

Le BARON.

Plus que quand je suis été à Paris. Voilà Monsieur la Chambellan. Laisse-moi dire à lui, & éloigne-vous ; la respect ici il est fort en recommandation.

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Scène III.

Le CHAMBELLAN, Le BARON, M. BRILLANTSON, se tenant loin.
Le BARON.
Entrez, Monsieur le Chambellan. Je n’ai pas encore eu l’honneur de vous voir aujourd’hui : comment vous êtes-vous trouvé du vin d’hier ?
[1] Herein, Herr Chambellan. Ich hab die ehre nicht gehabt sie heute zu sehen, wie haben sie sich nach dem gestrigen wein befunden ?
Le CHAMBELLAN.
Fort mal, Baron ; le vin m’a fait mal à la tête & au ventre ; je n’ai pas dormi de toute la nuit.
Gar nicht gut, Baron ; der wein hat mit kopff und bauch wehe gemacht, ich habe die gantze nacht nicht geschlaffen.
Le BARON.
Que ne buviez-vous aussi du vin de Champagne ? Il étoit en vérité excellent, & il passe tout de suite.
Sie haben auch keinen Champagnier wein trinken wollen ? Er war warhaftig recht gut, und ist gleich passirt.
Le CHAMBELLAN.
Oui ; mais je le crains à cause de la goutte. Quel est cet homme-là, n’est-ce pas un François ?
Ja ; aber ich furcht ihn wegen dem podagra. Wer ist dieser mensch, ist er nicht ein Franzose ?
Le BARON.
Oui, & c’est un fort galant homme.
Ja ; es ist ein sehr galanter mensch.
Le CHAMBELLAN.
Est-il Gentilhomme ?
Ist es ein Edel-mann ?
Le BARON, présentant M. Brillantson.
Non, Monsieur le Chambellan ; c’est un Virtuose, c’est un Musicien que j’ai connu à Paris, dans mon dernier voyage en France.
Nein, mein Herr Chambellan ; es ist ein Virtuose, ein groser Musicant, den ich in meiner letzen reize nach Franckreich hab kennen lernen.
Le CHAMBELLAN.
Ah ! fort bien, fort bien.
Ah ! gut, gut.
Le BARON.
Je voulois vous demander si vous voudriez avoir la bonté de le présenter au Prince.
Ich hab sie fragen wollen ob sie ihn an ihre hoheit dem Herrn Prince presentiren wolten.
Le CHAMBELLAN.
Si vous le connoissez, je le veux de tout mon cœur. Quel est son talent ? Joue-t-il du violon, du clavecin, de la flûte, ou du basson ?
Wenn sie ihn kennen, so will ich es von herzen gerne. Was ist sein talent ? Spielt er die violin, die floete, das clavier oder den ragott ?
Le BARON.
Non ; mais il a une très-belle voix, & il chante fort bien.
Nein ; er hat eine schone stimme, und singt sehr gut.
Le CHAMBELLAN.
Ah ! c’est fort bien, j’en suis ravi ; je le présenterai au Prince : a-t-il une voix de dessus ; est-il comme les Italiens ?
Ah ! das ist sehr gut, das freuet mich ungemein ; ich werde ihm dem Printzen presentiren : hat er eine discant stimme ; wie die Italianer ?
Le BARON.
Point du tout.
Nein, nein, es sehlt ihm nichts. (à M. Brillantson.)


Il demande si vous êtes Italien ; vous m’entendre pon ?

M. BRILLANTSON, riant.

Il me fait bien de l’honneur.

Le BARON.

Il ne save pas qu’il n’y a point en France.

M. BRILLANTSON.

Assurez-le bien que nous ne suivons pas cet usage-là.

Le CHAMBELLAN.
Eh bien, je n’entends pas.
Nun, nun, ich versteh mich nicht darauf.
Le BARON.
Ce n’est pas l’usage en France ; & vous voyez bien qu’il a de la barbe.
Es ist die mode nicht in Frankreich ; und sie sehen, ja wohl dass er einen bart hat.
Le CHAMBELLAN.

Barbe y a ; je vous fais ma compliment.

M. BRILLANTSON.

Je vous remercie bien mon Excellence. (au Baron.) Qu’est-ce qu’il a dit ?

Le BARON.

Il vous fait compliment sur ce que vous avez de la barbe.

Le CHAMBELLAN.
Comment vous appellez-vous ?
Wie heiset ihr ?
Le BARON.

Il demande votre nom.

M. BRILLANTSON.

Brillantson, mon Excellence.

Le CHAMBELLAN.

Brillantson ?

M. BRILLANTSON.

Oui, mon Excellence.

Le CHAMBELLAN.
Monsieur le Baron, a-t-il été à quelques Spectacles en France ?
Mein Herr Baron, ist er in einigen Spedackeln in Frankreich gewesen ?
Le BARON.
Non, point du tout.
Nein, gantz und gar nicht


(à M. Brillantson.) Il demande si vous chantiez à quelque Spectacle à Paris.

Le CHAMBELLAN.

Hé bien, Baron ; wie ?

M. BRILLANTSON.

Dites-lui que j’allois être reçu à la Comédie Italienne, quand je suis parti de Paris.

Le BARON.

J’entends le Prince.

M. BRILLANTSON.

Où faut-il que je me place ?

Le BARON.

Là-bas.

M. BRILLANTSON.

Ici ?

Le BARON.

Oui, fort bien.

Le CHAMBELLAN.
Où va donc notre chanteur ?
Wo geht dann der singer hin ?
Le BARON.
C’est le Prince qui arrive.
Der Prince kommt eben herein.
Le CHAMBELLAN.
Ah ! fort bien, fort bien.
Ah ! gut, gut.
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Scène IV.

Le PRINCE, Le CHAMBELLAN, Le BARON, M. BRILLANTSON.
Le PRINCE.
Ah ! bon jour, Baron Schloff. Chambellan, vous n’avez pas voulu venir à la promenade ?
Ah ! bon jour, Baron Schloff. Chambellan, ihr habt nicht auf die promenade kommen wollen ?
Le CHAMBELLAN.
Je demande pardon à votre Altesse ; mais je suis encore malade du souper d’hier : j’espere que cela ira mieux demain.
Ihre Hoheiht werzeihen mir, ich bin noch kranck von dem gestrigen nacht essen : aber ich hoffe es wird morgen besser gehen.
Le PRINCE.
Vous n’êtes plus bon à rien, Chambellan, si vous ne supportez pas mieux le vin que cela. Vous ne chassez plus : je ne vous conseille pas de vous marier non plus.
Ihr taugt nichts mehr, Chambellan, wann ihr nicht mehr trincken konnt. So jagt ihr auch nicht mehr : und ich rathe euch das ihr auch nicht mehr heurathet.
Le CHAMBELLAN.
Il plaît à votre Altesse de badiner.
Ihre Hoheit belieben zu fexiren.
Le PRINCE.

Baron Schloff.

Le BARON.

Votre Altesse.

Le PRINCE.

Je dis que la Chambellan, il n’est plus pon pour la plaisir, qu’il faut pas qu’il cherche non plus la mariage, il seroit aussi malade pour cela. (Il rit.)

Le BARON.

Je crois au contraire, votre Altesse, que Monsieur le Chambellan, il trouveroit mieux de son santé.

Le PRINCE.
Le Baron a fort bonne opinion de vous, Chambellan.
Der Baron denckt sehr gut von euch, Chambellan.
Le CHAMBELLAN.
Mon Prince, je crois qu’il dit vrai.
Ihre Hoheit, ich glaub er sage wahr.
Le PRINCE.
Je ne le crois pas. Qui est cet homme-là ? Est-ce un François ?
Ich glaub es nicht. Wer ist dieser mensch ? Ist er ein Franzose ?
Le BARON.
Oui, votre Altesse. Parlez donc, Monsieur le Chambellan.
Oui, votre Altesse. Reden sie doch, Herr Chambellan.
Le CHAMBELLAN.
Tout-à-l’heure. C’est un Musicien François que le Baron a connu en France, & qui desireroit avoir l’honneur d’entrer au service de votre Altesse.
Gleich im augenblik. Es ist ein Franzosicher Musicant den der Baron in Franckreich gekennt hat, und welcher die ehre haben mochte bey ihro Hoheit in diensten au sein.
Le PRINCE.

Ah ! fort bien, je prendrai avec grand plaisir. Baron Schloff.

Le BARON.

Votre Altesse ?

Le PRINCE.

Faites venir plus proche cette Franzouse.

Le BARON, à M. Brillantson.

Allons, approchez-vous du Prince.

Le PRINCE.

Il a un pon fisache.

M. BRILLANTSON.

Je me porte fort bien, mon Altesse.

Le PRINCE, riant.

Ah ! ah ! ah ! je dis pas cela. Baron Schoff,

comment dit-on phisionomie en François ? wie heiset phisionnomie auf Frantzosich ?
Le BARON.

Phisionomie, votre Altesse.

Le PRINCE.

Ja, ja ; phisionomie pon, je veux dire.

M. BRILLANTSON.

Vous avez bien de la bonté, mon Altesse.

Le PRINCE.
Chambellan, j’ai douze chevaux Danois, qui arrivent avec dix Anglois.
Chambellan, ich hab zwolff Danische pferde die an kommen mit noch zehn Englischen.
Le CHAMBELLAN.
Pour la chasse ?
Vor die jagt ?
Le PRINCE.
Oui, oui.
Ja, ja.
Le CHAMBELLAN.
Bon, bon.
Gut, gut.
Le PRINCE.

Baron Schloff.

Le BARON.

Votre Altesse ?

Le PRINCE.

Quel est le talent de ce François pour le musique ?

Le BARON.

Il chante fort pon.

Le PRINCE.

Est-ce un voix gross ?

Le BARON.

Non. (A M. Brillantson.) Dites au Prince comme il est votre voix.

M. BRILLANTSON.

C’est une haute-contre, mon Altesse.

Le PRINCE.

Haute-contre ? je save pas.

Le BARON, à M. Brillantson.

C’est comme à l’Opéra, l’Amoureux il est ordinairement ?

M. BRILLANTSON.

Oui, Monsieur le Baron.

Le PRINCE.

Ah ! je dis présentement. Il y a un Chanteur que je voyois à Paris, dans ma voyage.

M. BRILLANTSON.

Le Gros ?

Le PRINCE.

Le Gros, quoi ?

M. BRILLANTSON.

C’est le Gros qu’il s’appelle.

Le PRINCE.

Qu’il s’appelle ?

Le BARON.

Oui, c’est le nom du Chanteur, le Gros.

Le PRINCE.

Ah ! je comprenois pas, le Gros. (Il rit avec le Baron excessivement.)

M. BRILLANTSON.

C’est son nom, mon Altesse.

Le PRINCE.

Non, non, je savois encore autrement la nom.

M. BRILLANTSON.

Ah ! c’est Geliote.

Le PRINCE.

Juliote, ja. C’est un Chanteur, qu’il n’y a point en Italie.

M. BRILLANTSON.

Non, mon Altesse.

Le PRINCE, au baron.

Je voudrois entendre cette Chanteur, si il peut dire à ce moment.

Le BARON.

Monsieur Brillantson, le Prince, il voudroit entendre vous chanter, à ce moment.

M. BRILLANTSON.

Il n’a qu’à ordonner.

Le PRINCE.

C’est pon. Il faut dire au Princesse Gudule, & au Princesse Ulrique.

Le BARON.

Je vais aller.

Le PRINCE.

Non, non, envoye-vous Fréderic, & dites aussi à mon musique pour l’accompagnement de venir avec.

Le BARON.

Fréderic, entende-vous ?

FRÉDÉRIC.

Fort pon. Je vais dire au musique, il est là : tout de suite il va entrer.

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Scène V.

Le PRINCE, Le CHAMBELLAN, Le BARON, M. BRILLANTSON.
Le PRINCE.

Baron Schloff ?

Le BARON.

Votre Altesse.

Le PRINCE.

Vous avez connu cette garçon à Paris ?

Le BARON.

Oui, votre Altesse.

Le PRINCE.

C’est fort pon. Herr Chambellan ?

Le CHAMBELLAN.
Qu’ordonne votre Altesse ?
Was besehlen ihro Hoheit ?
Le PRINCE.
Aimez-vous la musique ?
Liebet ihr die musique ?
Le CHAMBELLAN.
C’est selon ce qu’elle est ; il faut savoir le genre.
Nach dem sie ist, es ist zu wissen welche.
Le BARON.

Monsieur le Chambellan, il se plaira fort avec ce Musicien.

Le PRINCE.

Je crois aussi. Ah ! voilà le Princesse, je crois. Non, c’est le mousique. Baron Schloff, dites au Frantzouse qu’il parle avec mon musique.

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Scène VI.

Le PRINCE, Le CHAMBELLAN, Le BARON, M. BRILLANTSON, Les MUSICIENS.
Le BARON.

Placez les Musiciens du Prince, & dites à eux ce que voulez chanter.

M. BRILLANTSON.

Je vais leur dire. (Il leur parle tout bas, & ils se placent.)

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Scène VII.

Le PRINCE, La Princesse GUDULE, La Princesse ULRIQUE, Le BARON, Le CHAMBELLAN, FRÉDERIC, Les MUSICIENS.
Le PRINCE.

Princesse Gudule, marche-là, & vous Princesse Ulrique, porte vous ici. (Il les fait asseoir, & il s’assied entr’elles deux.)


La Princesse GUDULE.
Quel est ce Musicien ?
Wer ist dieser Musicant ?
Le PRINCE.
C’est un François.
Er ist ein Franzose.
La Princesse ULRIQUE.
Ah ! bon, un François.
Ah ! gut, ein Franzose.
Le PRINCE.

Baron Schloff.

Le BARON.

Votre Altesse.

Le PRINCE.

Dites au Musicien de chanter.

Le BARON.
Je dis à ce moment. (Il va lui parler bas.)
La Princesse ULRIQUE.
Princesse, il paroît que le Baron connoît beaucoup ce Musicien.
Princesse, es scheint der Baron kenne diesen Musicanten wohl.
La Princesse GUDULE.
Oui ; il ne faut pas parler quand il chantera.
Ja ; aber man muss nicht reden wann er singt.
Le PRINCE.
Oui, oui.
Ja, ja.
La Princesse ULRIQUE.
Il n’arrive donc que d’aujourd’hui ?
Er komt dann heute erst an ?
Le PRINCE.
Oui, oui.
Ja, ja.
La Princesse ULRIQUE.
C’est donc un bon chanteur François ?
Er ist dann ein guter Franzosicher singer ?
Le PRINCE.
Attendez, attendez : Paix.
Warthet, warthet : stil.
M. BRILLANTSON, chante.

Fatal amour, cruel vainqueur !
Quel trait as-tu choisi, pour me percer le cœur ?

Le PRINCE.

Baron Schloff ?

Le BARON.

Altesse. (Il se met derrière le fauteuil du Prince.)

Le PRINCE.

Dites à cette Mousicien qu’il marche plus vîte avec le chant.

Le BARON.
Oui, oui.
Ja, ja.
M. BRILLANTSON.

Je tremblois de t’avoir pour maître ;
J’ai crains d’être sensible ; il falloit m’en punir :
Mais devois-je le devenir
Pour un objet qui ne peut l’être ?

Le PRINCE.

Baron Schloff, dites donc qu’il marche plus vite.

Le BARON.

Je vais dire.

La Princesse GUDULE.
Une autre, une autre.
Ein anders, ein anders.
Le PRINCE.
Une autre ?
Ein anders ?
La Princesse ULRIQUE.
Oui, une autre ; ceci n’est pas bon.
Ja, ein anders ; dieses ist nicht gut.


La Princesse GUDULE.
Non, pas bon.
Nein, nicht gut.
Le PRINCE.

Baron Schloff, dites qu’il chante une autre.

Le BARON.

Je dirai aussi. (Il va parler à M. Brillantson.) Le Prince, il demande une autre chanson.

M. BRILLANTSON.

Eh bien, je vais chanter l’objet qui regne.

Le PRINCE.

Baron Schloff, qu’est-ce qu’il va chanter ?

M. BRILLANTSON.

L’objet qui regne dans mon ame, mon Altesse.

Le PRINCE.

De qui c’est-il ? De Phildor ?

M. BRILLANTSON.

Non, mon Altesse ; c’est de Rameau.

Le PRINCE.

Rameau ? j’aime mieux Phildor.

M. BRILLANTSON.

Je chanterai aussi un morceau de Philidor, si mon Altesse le desire.

La Princesse GUDULE.
Que dit le Musicien François ?
Was sagt des Franzosiche singer ?
Le PRINCE.
Il veut chanter un air de Rameau.
Er will ein aria vom Rameau singen.
La Princesse GUDULE.
Ah ! oui, oui ; c’est bon.
Ah ! ja, ja ; gut.
La Princesse ULRIQUE.
Bon, bon.
Gut, gut.
Le PRINCE.
Attendez, attendez ; paix.
Warthet, warthet, stil.
M. BRILLANTSON, chante.

L’objet qui regne dans mon ame…

Le PRINCE.

Baron Schloff.

M. BRILLANTSON.

Des mortels & des Dieux doit être le vainqueur.

Le PRINCE.

Baron Schloff.

M. BRILLANTSON.

Chaque instant il m’enflâme…

Le PRINCE.

Baron Schloff.

M. BRILLANTSON.

D’une nouvelle ardeur,
Il m’enflâ.... me.

Le PRINCE.

Baron Schloff, Baron Schloff, Baron Schloff, Baron Schloff.

Le BARON.
Quoi, votre Altesse ?
Was, Altesse ?
Le BARON.
Venez ici.
Com ihr.


Dites qu’il chante un autre. Plus vîte.

La Princesse GUDULE.
Une autre d’un Opéra-Comique.
Ein anders aus einer Opera-Comique.
Le PRINCE.
Oui, oui.
Ja, ja.
La Princesse ULRIQUE.

Opéra-Comique.

Si jamais je prends un époux…

Le PRINCE.
Qui est l’Auteur de cet Opéra-Comique ?
Wer ist der Autor von dieser Opera Comique ?
La Princesse ULRIQUE.
C’est Gretry ; c’est du Huron.
Der Gretry ; aus dem Huron.
Le PRINCE.
Bon, bon. Baron Schloff.
Gut, gut. Baron Schloff.
Le BARON.
Quoi, votre Altesse ?
Was, Altesse ?
Le PRINCE.

Demandez-lui s’il fait, (à la Princesse Ulrique.) Comment avez-vous dit ?

La Princesse ULRIQUE.

Si jamais je prends un époux : Herr Franzose.

M. BRILLANTSON.

Princesse ?

La Princesse ULRIQUE, chante mal.

Si jamais je prends un époux…

M. BRILLANTSON.

Oui, Princesse, je vais le chanter tout-à-l’heure.

La Princesse GUDULE.
Voilà une charmante chanson, Ulrique.
Das ist ein charmantes liedchen, Ulrique.
Le PRINCE.
Paix, paix.
Stil, stil.
M. BRILLANTSON, chante.

Si jamais je prends un époux,
Je veux que l’amour me le donne.

Le PRINCE.

Plus vîte.

M. BRILLANTSON.

Qu’à la fête il vienne avec nous,
Et que sa main nous y couronne.

Le PRINCE.

Baron Schloff, reste-vous là ? Je trouve point qu’il marche assez vîte sur le chanson.

Le BARON.

Je dirai.

La Princesse GUDULE.
Bonne chanson.
Ein gutes lied.
Le PRINCE.

Oui, oui, brave compositeur.

M. BRILLANTSON.

Un choix contraire à nos désirs,
Devient une source de larmes.

Le PRINCE.

Marche, marche donc.

M. BRILLANTSON.

La liberté seule a des charmes,
Elle est la source des plaisirs.

Le PRINCE.

Baron Schloff, vous voyez bien qu’il ne marche pas. Dites encore plus.

Le BARON.

Je dirai. (Il va parler à M. Brillantson.)

M. BRILLANTSON.

Mais c’est le mouvement.

Le BARON.

Faites toujours, puisque le Prince il veut.

M. BRILLANTSON.

Allons. (Il chante plus vîte.)

Si jamais je prends un époux,
Je veux que l’Amour me le donne.

Le PRINCE.

Bravo.

La Princesse GUDULE.

Ja, ja.

M. BRILLANTSON.

Qu’à la fête il vienne avec nous,
Et que sa main nous y couronne.

La Princesse GUDULE.

Bravo.

La Princesse ULRIQUE.

Bravo.

Le PRINCE.

Nein, nein. Ecoute-moi ; & si vous voulez chanter comme je dis, je prendre vous pour mon service.

M. BRILLANTSON.

J’apprendrai de mon Altesse ; il n’a qu’à dire.

Le PRINCE.

Ecoute un peu, Princesse Ulrique, Princesse Gudule. Baron Schloff com ihr.

Il chante mal & vîte.

Si jamais je prends un époux,
Je veux que l’Amour me le donne ;
Qu’à la fête il vienne avec nous,
Et que sa main nous y couronne.

M. BRILLANTSON.

Fort bien, fort bien, mon Altesse.

Le PRINCE.
Paix, paix.
Stil, stil.
(Il chante, & il fait un point d’orgue.)

Et que sa main nous y couron… ne.

La Princesse GUDULE.

Bravo.

La Princesse ÜLRIQUE.

Bravo.

Le PRINCE.

Voilà comme je veux que la chant il soit mené, voyez, voye-vous ?

M. BRILLANTSON.

Oui, mon Altesse ; c’est fort bien. Je ferai des points d’orgue.

Le PRINCE.

Ja, toujours. Eh, Baron Schloff ?

Le BARON.

Admirablement, votre Altesse.

Le PRINCE.

Si cette Musicien, il veut bien, je montre à lui comme je veux ; & s’il fait, je donne cinq cens ducats tous les ans.

M. BRILLANTSON.

Je ne demande pas mieux que de faire ce que mon Altesse voudra.

Le PRINCE.

Je vous montre tous les airs de chant comme je voudrai ; & puis la point d’orgue que je veux toujours, dans tous les chansons ; voye-vous ?

M. BRILLANTSON.

J’apprendrai avec grand plaisir de mon Altesse.

Le PRINCE.

Eh bien, pour lors, je serai content. Allons, Chambellan, marchons sur le souper. Princesses Gudule, Ulrique, marche toujours avec la Chambellan. (Elles s’en vont.) Baron Schloff, je crois qu’il ira bien comme cela ; mais il fait pas encore comme je veux.

Le BARON.

Il fera sûrement.

LE PRINCE.

Allons, marchons, le faim & le soif, ils me font un grand invitation à souper. (Ils sortent tous.)


Fin du soixante-troisieme Proverbe.
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63. C’est Gros-Jean qui remontre à son Curé.



  1. Tout ce qui est en Allemand peut se dire, en contrefaisant cette langue, sans rien exprimer.