Prostitués/VII/Jacques Fréhel

(p. 155-171).


VII


Repos


Je me sens accablé de lassitude. Écœuré par la besogne faite, je regarde avec découragement la besogne à faire. Dieu ! qu’ils sont nombreux les vendeurs de paroles fardées, les ignobles marchands de sourires. Et quelle nostalgie me soulève vers la propreté, la sincérité, l’art loyal. Décidément, je m’accorde une heure de repos. Je vais, scaphandrier épuisé, remonter à l’air libre. Je vais, avant de redescendre aux fanges du port, respirer largement du courage.

Les écrivains auxquels je demande l’indispensable réconfort sont bien différents les uns des autres. Je ne suis pas le critique d’une école. Même, si je ne me trompe, ceux que j’aime sont tous assez nobles et assez forts pour mépriser les écoles. Je dédaigne celui qui, dans la forêt de l’art, suit les chemins déjà frayés. Je m’écarte, après quelques brocards, des troupes timides ou grossièrement conquérantes. Au contraire j’accorde, selon sa puissance, sympathie ou admiration à quiconque sort des voies battues et cueille des fleurs que nul passant ne piétina.

Les esthétiques de ceux que j’aime sont très différentes. Qu’ont-ils donc de commun qui me les fasse aimer les uns et les autres ? Consciemment ou non, ils professent une même morale artistique.

Les critiques ont dit tant de sottises sur les rapports de l’art avec la morale qu’une précision est ici nécessaire. À l’idéaliste que j’aime je ne reprocherai jamais de m’entourer d’illusions et de me préparer de proches déceptions. Tel autre, pour un effet d’art ou dans un élan sincère, poussera le réalisme jusqu’à la brutalité, et il ne me choquera point.

Celui-là seul me choquera qui cherchera à me plaire ou à plaire à d’autres.

Tous ceux que j’aime savent que le génie artistique n’a aucun rapport avec le banal métier oratoire ; que le flatteur « vit aux dépens de celui qui l’écoute » mais ne dit aucune parole intéressante pour des oreilles sages ; que le talent de revendre des idées mille fois vendues est méprisable. Ils savent que, si le succès extérieur s’achète par la seule monnaie des concessions, nul, sauf l’intransigeant, ne sera créateur. L’artiste doit être l’holocauste de son œuvre. Il sert son génie au lieu d’abaisser son esprit à servir ses besoins matériels et les fantaisies de sa sensibilité ou de sa vanité. On ne risque d’être artiste que lorsque, obéissant aux parties nobles et originales de soi-même, on s’est délivré des servitudes sociales. Et le seul libérateur s’appelle Renoncement. Nous méprisons quiconque sacrifie aux faux dieux, argent, réputation, gloire ; quiconque, pour agréer au public, dispensateur de ces biens apparents, consent à déformer son rêve et à banaliser sa pensée. Seul l’isolement est fécond et, pour réaliser selon son âme, il faut, au risque même de la famine, s’enfermer, pendant qu’on pense et qu’on écrit, dans la tour d’ivoire. Ceux que j’aime sont des stoïciens d’art.

J’ai dit, au Massacre des Amazones, mon admiration pour les pages frémissantes et passionnées de Déçue, un des plus beaux livres de femme, et des plus sincères, et des plus émouvants que je connaisse. J’ai loué avec enthousiasme le jaillissement spontané et intarissable des images, la puissance nerveuse du rythme. J’ai dit aussi, avec trop de sévérité peut-être, les inquiétudes que m’inspiraient quelques gaucheries particulières et un métier généralement insuffisant.

Depuis, Jacques Fréhel a publié trois livres : Vaine pâture, le Cabaret des larmes, les Ailes brisées.

Le premier est « une minutieuse étude provinciale, où se débattent, mêlées à de plus nobles, de petites passions et de petites âmes. » Mais tous ces animaux bourgeois qui s’alimentent d’une « vaine pâture », argent ou vanité, nous les connaissons déjà, nous les avons rencontrés mille fois, et souvent dessinés d’un trait plus net, animés d’un mouvement plus vivant. Ici, ce n’est pas dans l’étude de mœurs, que Jacques Fréhel est intéressante.

Elle est intéressante d’abord par l’accent de mépris hautain ou de révolte indignée dont elle parle de ces grotesques et de ces ignobles. Elle est intéressante quand, oubliant de s’appliquer à bien exprimer ces natures basses, elle manifeste inconsciemment les noblesses sans raideur d’une âme devenue stoïcienne tout en demeurant, par je ne sais quel miracle, passionnée et tendre, gracieusement féminine. Mais, si le stoïcien est sans peine un satirique hautain ou véhément, il ne deviendra qu’après bien des efforts un poète comique ou un consciencieux réaliste. Il ne s’intéresse pas facilement au détail des êtres vils ; il est trop naturellement moraliste pour être dès l’abord un attentif psychologue.

Mme  Jacques Fréhel, inégale encore à l’effort de composer un livre harmonieux et encore impuissante à faire vivre les personnages qui lui répugnent, est admirable dans la peinture de quelques êtres nobles, qu’elle fait passer malheureusement sur les marges de l’intrigue.

Aucun mot ne serait excessif pour louer la beauté souple et grande de deux de ses figures féminines : Moniqua, exquisement mélancolique, douce et bienfaisante ; Lazarine écrasée par les brutalités de son mari, intimidée, muette, mais d’une si profonde et si précieuse vie intérieure. Car ces êtres touchants, presque aériens, délicats, frêles comme des ombres, marchent pourtant devant nous en une grâce onduleuse et, par un don singulier, ce sont uniquement les natures poétiques que l’auteur réussit à créer vivantes.

Vaine pâture est de 1899. Pendant trois ans Mme  Jacques Fréhel se tait. Sans doute elle a senti son insuffisance actuelle devant l’œuvre objective et qu’un labeur probe doit la guérir de son infirmité. Elle a compris le devoir que lui imposent ses dons merveilleux et qu’elle serait coupable envers son génie si elle ne le complétait de talent. Quand elle sort de son généreux silence, c’est pour nous apporter, à un an de distance, deux livres qui sont enfin des beautés achevées. Vaine pâture, roman manqué mais tout pénétré de parfums doux et amers de poème, me frappait d’un étonnement qui espère, d’une attente de joie. La richesse chaotique et passionnée de Bretonne, la gaucherie puissante et douloureuse de Déçue me soulevaient d’espérances et de regrets, d’inquiétudes et d’irritations, de craintes et d’exigeances. Voici, enfin, que j’éprouve, à deux reprises, l’admiration heureuse qui n’hésite plus.

L’artiste aujourd’hui est maître de son outil ; il a su le rendre docile tout en le gardant farouchement personnel. Jacques Fréhel n’est pas allée vers les harmonies apparentes, soumissions et diminutions. Elle ne s’est pas pliée au métier académique ou à telle autre mode banale. Elle est arrivée, de plus en plus riche, à l’harmonie de sa nature propre, à la science d’elle-même, à l’art d’elle-même.

Son style est d’une beauté poétiquement féminine, à la fois large et précise. Ah ! la grâce flottante des draperies et le sourire lumineux des images. Geste toujours ému et émouvant, il dresse des pensées d’une noblesse hautaine, des sentiments d’un étrange et fiévreux stoïcisme. Sur le roc abrupt de l’individualisme, Jacques Fréhel apporte, lumière chaude et ardente couleur, je ne sais quelle grâce sauvagement fleurie. L’austérité puissante de cette bretonne est, telle une lande de son pays, toute brodée de l’or épineux des ajoncs, de l’améthyste tremblante des bruyères. Dans ses livres inégaux d’autrefois ce qu’elle faisait entendre, parole ou balbutiement, chant ou sanglot, était noble et douloureux comme l’aspiration. Aujourd’hui les harmoniques qui volent autour de ses notes les plus mélancoliques gazouillent, naïve et inconsciente de sa cause, la joie d’un complet et original épanouissement.

L’architecture des Ailes brisées est, comme l’écriture, harmonieuse et inattendue. Elle choquera les écoliers qu’on décore du nom de critiques parce qu’ils savent sur l’art de composer les raides naïvetés scolaires et que, hardiment, ils affirment leur inintelligence hargneuse en généralisations de bons élèves. Entre deux fragments de mémoires nobles et douloureux, l’auteur a placé, d’une audace heureuse, le journal d’une perversité qui s’éveille. C’est, enveloppée au baiser d’un fleuve de poésie, une île de réalité perfide. De la vie moderne, grossière sous son élégance apparente, ricane en s’efforçant au plaisir superficiel ; mais tout autour, joie et douleur, profondeur et poésie et noblesse farouche, la vie des imagiers bretons sourit, pleure, chante.

Facile et naturelle, cette poésie sort sans bouillonnement d’une source généreuse. La réalité où se brisent ses flots chanteurs est dressée avec quelque effort peut-être, mais avec un effort triomphant. Jacques Fréhel est un poète né qui a su devenir un romancier. Artiste enfin complet, elle peut non seulement se dire tout entière, mais encore, sans risque de tomber, sortir de son âme, créer par art des êtres qui lui sont étrangers et les agiter en gestes naturels qui lui déplaisent.

Voix de musique et de lumière dans un désert noble, la voici arrivée, inconnue de tous et consciente d’elle-même, à l’harmonieuse possession de son être et à la gloire du complet épanouissement.

Car le romancier s’est formé sans nuire au poète et, si tous deux ont collaboré presque également aux Ailes brisées, le poète triomphe aux contes du Cabaret des larmes.

N’est-ce pas la Bretagne elle-même, ce cabaret des larmes, voisin de l’église et du cimetière, voisin de la mer surtout et que pénètre « sa large lamentation » ? De « tristes buveurs » s’y attablent et dans l’exil d’une « tristesse morose » s’évadent de la prison Aujourd’hui. L’un apporte « dans ses grands cheveux l’odeur parfumée des haies ». L’autre a sur ses habits les senteurs dorées de la lande. Celui-ci arrive de l’église, imprégné d’encens. La plupart tirent de leur poche et versent sur le comptoir un à un des sous qui sentent la mer.

Tous ils s’abandonnent à ce délicieux et déchirant « mal de rêver qui est le génie des Bretons ». Tous, de « leurs grands yeux bretons, malades d’idéal et de passion voilée », ils regardent, dans le verre plein, le paysage d’hier et l’émotion qui s’y attache.

Ils aiment l’Océan « comme l’aiment les goélands et le grand cygne sauvage ». Souvent leur pensée se réfugie, douleur farouche et qui se cache, dans « le pan maternel de la robe glauque de la mer ». C’est à la mer aussi que sourient leurs joies et ils comparent l’étrangeté de ses trésors vivants aux richesses sauvages de leurs âmes. Si, au mystère de leur cœur grandit un amour secret, ils sentent sa force douce éclore en eux « comme un lis de mer s’épanouit au fond des eaux tièdes de l’Océan ».

Ils s’égaient un instant à regarder « les eaux dansantes » des petits ruisseaux s’échapper, enfants joueurs, de la fontaine maternelle. Mais ils s’émeuvent longuement devant telle rivière « immobile et pâle », et dont la tristesse miroitante leur semble « pareille à une femme morte couronnée, par la lune, d’un diadème de perles. » Ils frissonnent en songeant que sur ses bords leur pauvre âme déçue se sentit prise à « l’embûche formidable de la nuit » et de l’amour.

Ou bien leur souvenir traverse un jour torride : sous les lumières farouches du soleil et d’une violente passion, ils revoient une lande épineuse et odorante. « Le genêt rajeuni balançait ses branches fleuries semblables à des rayons qui lanceraient des parfums ; et le soleil avait tant de force qu’on entendait déjà au midi, dans le pré, chanter le grillon noir dont la carapace est sculptée de signes étranges… »

Mais ils se sont égarés en quelque ancien chemin abandonné, creux comme un lit de torrent, et « où les racines des vieux chênes mettaient à la hauteur du front des passants le geste menaçant de leurs griffes tortueuses, de leurs serres noires ouvertes… » Arrivés, un peu effrayés, à la forêt, ils se sont enfoncés en quelqu’une de ces « cavernes glauques que formaient les trouées de verdure où s’entassait la fraîcheur ». Leur cœur de fièvre ne leur permet pas un long repos. Bientôt ils fuient le taillis et, parmi la clairière où vit « dans une virginale paix un peuple de digitales », leur corps s’allonge « au milieu des fleurs empoisonnées, comme une herbe fauchée ». On ne sait quel pressentiment hagard les redresse. Ils se sont éloignés inquiets ; à un carrefour ils ont vu « passer des lumières que personne ne portait ; et des cloches tintaient en avant, comme celles que l’on fait sonner devant les cercueils ». Celui qui eut une telle vision est perdu. Il a rencontré son présage de mort, son intersigne, et toutes choses lui deviennent des menaces. « Qu’est ceci qui traîne à terre ? Un grand rameau couvert de lichen blanc qui semble un spectre, et là une coulée de marguerites fleuries et si pressées qu’elles simulent un linceul déroulé. » Avant que le condamné ait pu regagner sa maison, le soir est venu, et les « miasmes fantômes, semences ailées de la mort qui montent dans l’humidité nocturne ». « Par delà le mystère des ombrages », il entend « l’appel perfide des ruisseaux. » Et voici que son tâtonnement épeuré a « pénétré dans les régions inviolables où repose, majestueux et néfaste, le souvenir des âges perdus. »

Le décor passionné que dessine Jacques Fréhel n’est pas toujours un paysage. Elle nous ouvre parfois un intérieur qu’ennoblissent des « meubles sculptés en chêne luisant, donnant aux choses un air d’église. » D’ordinaire le spectacle qui dans l’un ou l’autre cadre s’agite, c’est un être isolé, une âme de profondeur et d’émotion. D’autres fois s’y développe un mouvement nombreux et rythmique. C’est, se déroulant parmi une campagne à chaque détour variée, la théorie attristée d’un pèlerinage, « de grandes figures noires barbouillées de larmes et de poussière, qui s’en allaient, dans l’éclat du jour, avec les yeux clignotants ». Ou bien c’est une noce. Les richesses barbares des costumes font les gestes éclatants de couleur. Et « le son grave des bombardes » s’harmonise avec « le perçant appel du biniou ».

Et voici, parmi les paysans et les marins, des êtres d’exception. Tout à l’heure « sur le tertre des chapelles vêtues de lierre », des bardes amis composaient ensemble des chants naïfs et surchargés d’images inattendues, « toiles de ciel et de verdure où chacun tissait sa fleur. » Maintenant, dans la maison, au fond de la cheminée, assis parmi le caprice des lueurs, un mendiant, un peu sorcier, un peu poète, un peu philosophe, « trace des cercles dans les cendres du bout de son bâton » . Et « ses paroles saccadées volent sur ses lèvres flétries : il dit que la terre use le fer ; que l’anneau diminue au doigt qui le porte ; que le sel, la pluie et les pas usent le rocher… Il proclame la dispersion des atomes » et, sous les apparences de la mort, devine la vie souterraine qui se redressera plus tard au baiser de nouveaux soleils. Il chante « la Métamorphose couronnée de fleurs odorantes comme une femme des îles lointaines ».

C’est tout le pays d’Armor, ce livre. Et c’est autre chose encore. C’est le don généreux, et que peu apercevront, d’une âme « pleine de feu, de douceur et de barbarie. » Cette Bretonne est intéressante passionnément. Elle est, inconnue comme il convient et réservée à la joie des rares qui sont dignes de la beauté originale, le plus admirable des écrivains féminins d’aujourd’hui. Elle est un talent de moins en moins inégal, et dont la marche ne s’embarrasse plus que rarement, et dont la marche ne devient plus jamais une chute. Et elle est, l’étonnante barbare, un génie créateur de rêves et trouveur d’images. Sa phrase peut s’encombrer encore quelquefois épineuse comme l’ajonc : des fleurs d’or toujours y éclatent, des parfums en émanent, et le vent d’un rythme noble remue en sourires ou en émotions les senteurs et les corolles.

Je sais le danger de transporter hors de la lande natale ces grappes sauvages. Je devrais conseiller seulement d’aller respirer sur place tant de joie odorante. Je ne puis résister au plaisir égoïste de briser quelques thyrses et de les porter dépaysés et tristes, effeuillés et qui se fanent, en mes mains sacrilèges :

Ces gens avaient perdu, l’une après l’autre, leurs espérances et, « comme dans une cathédrale, quand on a éteint tous les cierges, la nuit noyait leur pensée. » — Entendez, résonnement fait de souvenir, la voix tue du rossignol : « Les dernières notes de son chant étaient tombées, rebondissantes en écho, comme des perles jetées de très haut dans un bassin de fabuleux cristal. » — Un être lucide jusqu’ici devient fou. Il sent, en une terreur d’enfer, sa raison « s’enfuir trébuchante comme une femme malade qui voit son lit en feu. » Il a trop cherché, le pauvre dément, la joie qui n’existe pas, « le baiser qui pense ». Il croit maintenant apercevoir les lèvres qui le donneraient. Ses paroles de flamme caressent l’impossible beauté. Il lui voit, parmi d’autres noblesses étranges, des « mains de séraphin, toujours levées en haut comme des colombes enchaînées mais qui aspirent à l’azur ». Sa folie fut d’abord un grand feu, mouvement et couleur qui montent. Elle n’est plus bientôt que le chaos noir et noyé d’un lendemain d’incendie. Le dément s’assied dans son inconscience dont je ne sais quelle vague lueur lui permet de souffrir encore, « abandonné comme un colombier en ruines par les souvenirs vagabonds ».

Je détache, entre cent, un petit tableau étonnant de richesse et de perfection. Dans la lumière d’une chapelle abandonnée « entra une vieille femme bretonne qui pleurait. Elle était si petite et si courbée par l’âge et les labeurs que le bas portail d’ogive se dressait bien au-dessus d’elle, couronné de l’or des giroflées. — Elle pleurait : sa joue était comme une muraille lavée par la pluie ; sa bouche, à cause des sanglots infinis, faisait une grimace triste qui ressemblait au sourire d’un mort blafard et ironique ; son cou était comme une grosse corde amollie et détressée ; son petit buste court tenait dans un maigre corsage, aussi étroit que celui d’une fille de dix ans. Ses mains étaient dures comme un métal et éloquemment ciselées par le travail. Sa capeline de laine blanche bordée de noir, sa capeline de deuil barrait diagonalement son front coupé de sillons comme un champ nouvellement labouré ».

Elles ne font pas songer, ces nobles images, parmi le sourire de la complicité banale : « Voilà ce que j’aurais dit moi-même ! ». Elles se dressent, beautés étonnantes, barbares, étrangères aux modes du jour, blessantes au médiocre qui lit. On ne saurait les pardonner à quelqu’un qu’on risque de rencontrer. On admire de telles richesses seulement quand l’auteur disparu n’est plus à notre pauvreté une insulte vivante. Jacques Fréhel passera noblement inconnue et méconnue. Mais, si Demain est juste, il l’assoira dans le temple à côté de Chateaubriant et de Lamennais et saluera en elle la grande gloire féminine de la Bretagne.

Elle est d’âme assez grande et assez fière pour aimer l’incertain d’une telle destinée ; pour diriger ses yeux vers cette aurore hésitante, le sourire de la gloire posthume ; pour laisser rarement l’ironie d’un regard qui descend très bas tomber sur l’injustice contemporaine, bouche stupide obstinément fermée.