Imprimerie franciscaine missionnaire (p. 79-82).

PÈLERINAGE CATHOLIQUE
AU CIMETIÈRE D’ASAHIGAWA


C’est une pieuse coutume dans nos différents postes de la préfecture de Sapporo, comme aussi probablement dans les autres districts catholiques du Japon, de faire chaque année, durant le mois de novembre, un petit pèlerinage au cimetière de l’endroit. À Asahigawa on devance un peu la date et on fixe ce pèlerinage au dernier dimanche d’octobre. La raison principale est le mauvais état des chemins durant le mois de novembre.

Or, à cette époque, le missionnaire d’Asahigawa étant parti pour une tournée de mission dans son immense district, et moi, cette année-là, me trouvant encore en ce poste depuis mon arrivée au Japon, j’accompagnai seul les chrétiens. J’avais, le matin à la sainte messe, annoncé le départ pour une heure ; non pas toutefois un départ en groupe ; car les chrétiens de la ville étant encore trop peu nombreux, il serait ridicule d’organiser une procession régulière ; d’autant plus que la longueur du chemin (2 lieues environ) devait retenir chez eux la plupart des femmes et des enfants.

Je quittai donc l’église à peu près seul — nous étions quatre — et je ne pus m’empêcher de gémir intérieurement d’un si petit nombre. Toutefois je pensai pour me consoler un peu, qu’un jour le missionnaire catholique de cet endroit, notre arrière successeur, peut-être, pourra organiser en procession la sainte théorie d’un peuple plus nombreux. Tout de même, le long du chemin, d’autres chrétiens se joignirent à nous, de sorte que, au total, nous formâmes bientôt le nombre assez respectable, mais encore modeste de 17.

La température fut d’abord incertaine. De gros nuages avaient jusque là voyagé au-dessus de nos têtes, d’un air affairé et quelque peu sinistre, comme s’ils eussent tramé quelque manœuvre pour faire échec à notre pieux projet. Peu à peu, cependant, sans doute à cause d’une courte prière faite à l’église avant le départ, ils s’assagirent et s’esquivèrent presque totalement, laissant trouées libres aux blonds et doux rayons du soleil d’automne.

Le cimetière est situé tout à fait en dehors de la ville, dans les montagnes. Il faut donc faire une assez longue ascension avant d’y atteindre. Comme c’était en automne, on devine un peu le paysage : ces champs moissonnés, vides et déserts, puis cette verdure de la montagne, sans fraicheur, et sans vie, non pas toutefois sans variété ni réelle beauté, à cause des mille nuances de couleurs vertes, brunes et rouges, dont sont teintes les rares feuilles des arbres : le tout respirant une profonde mélancolie qui envahit l’âme et la fait rêver.

Enfin, nous aperçûmes les premières pierres tombales du cimetière, au milieu duquel la mission possède un petit lopin de terre pour ses morts. Les sépulcres païens sont à peu près sans ornements et sans art. Les plus grands, par conséquent les plus dispendieux, ne comportent qu’un bloc de pierre, portant l’inscription. Ce bloc, plus long que large, est placé sur un piédestal peu élevé et entouré de quelques lanternes de pierre. Les pauvres gens ne fichent en terre qu’un pieu, sur lequel est écrit le nom du défunt. Au pied du monument, on remarque assez souvent du riz dans un petit vase, avec des pots de fleurs de chaque côté : c’est l’offrande sacrifiée à l’âme du défunt que l’on croit passée au rang des dieux. Quant à l’entretien du cimetière, ils faut réellement admirer le soin et la piété que les païens y apportent. Il n’y a personne chargé officiellement de ce cimetière ; ce sont les parents des défunts qui viennent de temps en temps rendre ce digne honneur à leurs disparus. Ils nettoient proprement le morceau de terre qui leur appartient et placent de jolies fleurs sur les tombes. Les Japonais n’oublient pas leurs morts.

En cet endroit, c’est-à-dire aux abords du cimetière, il y a un petit temple bouddhiste, administré par des bonzesses qui, probablement, n’ont pas fait le vœu de virginité !… Un peu plus loin, se dresse un four crématoire, ce gouffre où l’on introduit les cadavres pour les faire brûler et en conserver les cendres dans des urnes.

Enfin, voici notre petit cimetière catholique, avec sa grande croix noire au milieu ; c’est là qu’aboutissent quatre petites allées couvertes de gravier et bordées d’une douzaine de croix tombales. Il y a encore autour de la grande croix, quatre bouquets de chrysanthèmes, qui complètent l’aspect assez joli de l’ensemble.

C’était là le terme de notre pèlerinage. Assemblés auprès de la croix, nous récitâmes le chapelet ainsi que d’autres prières pour nos chers défunts qui dorment là, tout près.

Puis, notre pieux devoir accompli, nous reprîmes tout doucement le chemin de la ville, l’âme remplie des plus graves pensées.