Promenade d’un Français en Suède et en Norvège/07


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Pays des mines. — Digression. — Vedevôg. — Vesterôs. — Ekolsund. — Gustave III.


Jusqu’alors le froid avait été modéré, mais on commençait à en sentir la rigueur ; courir le pays pendant ce temps, est un supplice presqu’aussi grand que de rôtir. Les anciens Scandinaves et Goths d’odin avaient bien quelque raison d’avoir fait leur enfer à la glace, ainsi que les peuples du Sud l’ont fait brûlant. Le jour que je partis d’Örebro donc (le 20 janvier), il faisait un froid d’enfer, au point que le nez et les oreilles étaient comme insensibles, et que ce n’était qu’avec beaucoup de précaution que j’osais me moucher, dans la crainte de voir rester le nez dans le mouchoir.

Pendant que je me dégelais au Gästgifwaregórd[1], du mieux que je pouvais, un voyageur m’adressa la parole ; je ne lui répondis rien, attendu que j’étais gelé, ou plutôt que je craignais de faire rire les paysans, qui sont toujours nombreux dans ces chambres, et communément assez moqueurs. » Vous voyez bien qu’il ne comprend pas, dirent-ils : je vais me faire entendre, dit l’autre, et versant une rasade de bière forte, il me la présenta. Comme ici les paroles étaient inutiles, je l’avalai aussi bien qu’aucun Suédois aurait pu le faire. Je m’aperçus alors de la vérité de ce dont on m’avait prévenu ; lorsqu’on est saisi du froid, un verre de bière forte remet les humeurs en mouvement, tandis qu’un verre d’eau de vie les resserre encore davantage.J’ai rapporté cette histoire comme un avis aux voyageurs gelés.

J’arrivai enfin chez le capitaine Heykenskiöld à Yxegôrd. Cette partie de la Suède est réputée être un pays de mines dans un royaume ou presque toutes les provinces en sont pleines : cela veut dire, qu’il y en a plus qu’ailleurs. J’en visitai une ou deux, au-delà de Nora[2], petite ville assez jolie et dont toutes les rues sont tirées au cordeau à angles carrés. Malheureusement pour y arriver il fallait traverser un lac sur le bord duquel la ville est située. La bise était froide et ma curiosité me valut une joue gelée. J’en fus quitte, suivant l’usage, pour me frotter avec de la neige, et cela s’est dissipé trois ou quatre jours après, Le thermomètre de Celsius avait descendu jusqu’à 35 degrés au-dessous de Zéro ; quatre de plus le vif argent aurait gelé[3].

Le capitaine Hykenskiöld voulut bien m’ensager a rester chez lui pendant ces grands froids. Mes affaires, grâces à Dieu, ne me fatiguent guères, j'élais bien traité, la bibliothèque était bien fournie et ainsi de jour en jour je suis resté trois semaines chez lui : c’est ainsi que je fais mes promenades. Eh ! pourquoi me presserais-je ? J'ai tout le temps ; chi va piano va sano, dit l’Italien. Mais ce n’est pas voyager, dira-t-on. Eh ! qui vous dit que je voyage ? mais au fait distinguons. Lorsqu’on a un chez soi et que l’ennui et l’inquiétude, plus que le désir de s’instruire, le font quitter, pour aller visiter des contrées lointaines, cela s’appelle voyager. On parcourt avec vitesse et dans le même esprit, les pays qu’on visite ; on dépense beaucoup d’argent, on va très-vite et l’on s’ennuie beaucoup. Bientôt la même inquiétude et le même ennui qui ont fait quitter la maison, y font revenir en hâte. On balbutie quelques mots estropiés de la langue des différens peuples, et les voisins vous regardent comme un prodige.

Plein de la course qu’on vient de faire, on écrit son journal, jour par jour, heure par heure, mille par mille ; comment on eut des draps sales ici, comment les chemins étaient cahoteux, comment les chevaux étaient fatigués, et beaucoup d’autres choses presqu’aussi admirables. On copie en outre le bavardage des gens qui ont passé devant, les listes des concierges, l’almanach royal et le livre de poste. On joint à tout ce fatras, quelques apostrophes sentimentales, comme quoi on s’est attendri, et on a pensé à sa fille en voyant un veau faire des cabrioles, comme quoi le chant mélodieux du coucou a fait venir des idées délicieuses et songer à sa fidèle épouse. Comme quoi la lune dansait à travers les arbres, et que les sylphes, les gnômes et les commis de la douane. — Mais mon Dieu ! me voilà comme ces messieurs, je ne sais plus ce que je dis. Tant y a que l’on se fait imprimer pour se désennuyer, sans faire la réflexion salutaire, que cette récréation innocente pourrait fort bien produire un effet tout-à-fait différent, sur le lecteur tant bénévole fût-il. On appelle cela être auteur d’un voyage ou tour pittoresque, ce qui ne laisse pas de donner une certaine considération à un homme dans sa coterie.

Au rebours, quand on a perdu ses pénates et son pays, il faut tâcher de s’arranger de manière, à être chez soi par-tout où l’on se trouve. Quand on est bien, ou même passablement, il est inutile de se presser de partir : on sort enfin pour prendre l’air, on va et on vient encore... chez-soi : c’est ce qu’on appelle se promener.

Comme on reste du temps dans ses différens domiciles, on s’instruit malgré soi de l’état du pays, on vit avec les hommes, on apprend à les connaître, on cherche à se rendre utile, en apprenant aux uns les usages de ceux-ci, et à ceux-là les coutumes des autres. On s’est aperçu que ces récits amusaient et étaient souvent utiles ; on rêve à cela, et lorsqu’on se trouve enfin, encore chez soi, tout seul dans une grande ville (souvent assez délaissé) : pour s’amuser, on broie du noir, on barbouille les promenades qu’on a faites, on dit ce qu’on croit pouvoir être utile : on rit quelquefois avec le public, comme avec un ami : le public au fait. est bon homme, il rit aussi, achète la promenade et cela va le mieux du monde.

C’est ainsi que sans prétention, et sans viser à la considération de sa coterie, (attendu qu’on n’en a point) le temps se passe : que l’on vit pas très-désagréablement, au milieu de distractions assez puissantes, pour faire presqu’oublier, que l’on est dans une situation, que beaucoup de gens regardent, comme le comble de l’infortune.

Mais me voilà bien loin de mon propos ; c’est encore la promenade, je me suis égaré dans un sentier de traverse. Je vais revenir dans le grand chemin, et j’y resterai, jusqu’à ce que la fantaisie me prenne, de me jeter à droite ou à gauche.

Ce que j’ai dit ici, pourra peut-être scandaliser messieurs les auteurs pittoresques. Ah ! mon Dieu ! qu’ils se rassurent, je les respecte infiniment et les dérange le moins que je peux. Tout ce que j’ai voulu dire, c’est que je n’ai pas plus de rapport à eux, qu’un homme qui s’amuse à courir la bague sur un cheval de bois, n’en a avec celui qui court la poste à franc-étrier.

La sécheresse ayant été très-grande l’été dernier, on avait récolté très-peu de foin, et l’on était embarrassé comment nourrir les bestiaux. Le capitaine Heykenskiöld d’après d’anciens erremens, a fait donner à ses vaches le bout des branches de sapin, et je les ai vues en manger sans que cela leur fît le moindre tort.

La manière de préparer ces branches, est de les mettre par couches légères dans un baquet ; entre chaque couche, on jette une pincée de farine d’avoine avec le son, et on l’arrose avec un peu d’eau salée. Les vaches s'accoutument aisément à se nourrir de la sorte, et je ne me suis pas aperçu que cela fit le moindre tort au lait. Une dame très-économe, avait imaginé de prendre du crottin de cheval et en le mêlant avec un peu de paille, saupoudré de farine, d’avoine et de sel, les vaches l’avaient mangé. S’il faut en croire les voyageurs, il est certains cantons en Arabie, où l’on dit que les hommes se régalent avec de la bouze de vache. Avec une botte de foin dans ces pays-là, il y aurait de quoi nourrir toute une famille.

Les habitans des campagnes en Suède, ont des préjugés qui semblent très-singuliers. Si un cheval vient à mourir, ils se croiraient souillés de l’écorcher, même de le toucher. Dans les pays plus rapprochés de la Laponie, il y a un Lapon dans chaque paroisse, qui est payé pour faire cette besogne et plusieurs autres qui répugnent aux habitans. Ils croient aussi aux sorciers : entre Yxegôrd et la petite ville de Linde, il y a un gros rocher près du chemin, qui tient si bien tout seul, que je ne crois pas qu’on pût le jeter bas. Cependant les paysans craignent sa chûte, et mettent en passant de petits bâtons pour le supporter, et rompre le charme qui le porterait à tomber sur les passans.

Je fus reçu à Vedevôg, par M.Âkerren, c’est la principale manufacture d’acier en Suède : elle emploie 300 ouvriers. On y fabrique comme à Carron-work en Écosse, les ustensiles de cuisine et de plus des couteaux, des ciseaux et des serrures. Il y a aussi un ouvrier qui est un élève de Johanson à Eskilstuna, et qui fait les mêmes ouvrages que lui, mais pas aussi bien, à ce qu’il m'a semblé.

Il faisait un froid horrible, et il durait depuis un mois, j’avais cru beaucoup faire de mettre deux redingotes, cela me semblait assez ; mais je gelais tous ceux que je voyais. M. Âkerfen ne voulut absolument pas me laisser partir sans m'être couvert d’une troisième redingote de cuir, qui me donnait presque l’air d’une grosse botte forte : je partis ainsi équipé.

Depuis mon dernier passage à Arboga, le feu avait pris dans cette ville. Le froid était si violent que les pompes ne pouvaient jouer ; l’eau gelait dans les tuyaux ; mais par toute la Suède, il règne une activité singulière, à la moindre apparence d’incendie : on fit des feux sur la place, on chauffa l’eau pour le service des pompes et on éteignit le feu. Une personne qui me parlait de l’incendie, et qui avait été réveillée en sur saut par la flamme, me dit avoir été presque aussi effrayée, que les puissances belligérantes, à l’approche des républicains.

Le vent avait accumulé la neige, sur le chemin a la hauteur de cinq a six pieds, dans quelques endroits. Comme à mon ordinaire, j’étais étendu dans le traîneau, et couvert de foin ; je dormais presque, lorsque le conducteur maladroit, versa et m’enterra dans un tas de neige. Après avoir fait la moitié de la route, il causa avec un paysan et bientôt tout effrayé, il me proposa de me déposer dans un village voisin, assurant qu’il ne lui serait pas possible d’arriver à Köping à cause de la hauteur de la neige. Je persistai à poursuivre mon chemin et ce ne fut pas sans peine que je pus l’y décider. Il y avait réellement du danger à voyager alors : deux ou trois fois le cheval enfonça de manière à disparaître tout-à-fait : je versai quelquefois aussi ; mais après tout, cela valait encore mieux que de rester dans un village isolé.

La petite ville de Köping et le château de Kongsöre, sont situés à l’extrémité du lac Mälarn, la plus éloignée de Stockholm : de chacun de ces deux endroits, il peut y avoir douze milles jusqu’à la capitale. Je ne prétends pas dire ce qu’est la ville de Köping ; j’y suis arrivé à moitié gelé, et de nuit. Si je voulais cependant consulter le livre de géographie du canton, j'y trouverais sans doute de bien belles choses ; mais courant d’abord au plus pressé, je voulus visiter une bouteille de vin d’Espagne dont j’avais pris grand soin le long de la route. Le vin était gelé ; après l’avoir remué quelque temps auprès du feu,il sortit épais comme une glace à la crême. J’en remplis un verre et l'arrangeai en glace par dessus les bords : je puis assurer les confiseurs.que c’était excellent. Dans la bouteille d’eau de vie, il y avait quelques glaçons, mais la liqueur n’était pas entièrement gelée.

À peine pourra-t-on croire que dans les auberges, comme dans les maisons particulières en Suède, il y ait rarement plus d'une couverture de toile de coton sur le lit, même dans les plus grands froids ; il est vrai que les appartemens sont très-chauds ; mais le matin, il fait un froid terrible. La chambre où j’étais, n’avait pas été échauffée de l’hiver, autant eût valu coucher dans une glacière : j’avais mis sur moi toute ma garde-robe, même le coffre ; malgré cela, pendant la nuit, me sentant un violent mal de tête, je mis la main sur l’endroit : la peau du sommet de la tête était comme un glaçon, roide et sans élasticité : je pris vite mon parti et m’enfonçai sous la couverture jusqu’au matin. Cet hiver disent les Suédois, était plus rigoureux qu’à l’ordinaire. A présent qu’il est passé, je ne suis pas fâché d’en avoir éprouvé la rigueur, mais cependant je Suis dégoûté des voyages d’hiver en Suède.

Le lendemain, je n’eus pas d’autre mal-encontre que les tas de neige de la veille accumulés jusqu’à la hauteur de sept à huit pieds, près des barrières sur le chemin. Il fallait les monter et les descendre perpétuellement ; le pauvre cheval entreprenait cette rude besogne avec une complaisance étonnante : plusieurs fois il s’enfonça dans la neige presque tout entier : il fallait alors l’aider, avec des bâtons, et il se tirait d’affaire.

Tant que la neige, ou le vent continuent : on ne fraye pas le chemin, mais quand ils ont cessé les paroisses sont obligées d’envoyer des travailleurs pour l’ouvrir, et c’est généralement le lundi qu’ils y viennent. Les règlemens de police dans l’intérieur de la Suède, pour la Sureté et la confection des chemins, sont réellement admirables, et les gouverneurs (les provinces tiennent la main à leur exécution avec la plus grande exactitude. La manière seule de donner les chevaux de postes aux voyageurs, demande un changement total, sur-tout dans les environs de Stockholm. La forme actuelle doit être extrêmement nuisible à l’agriculture, et aux mœurs des paysans qui sont obligés de venir avec leurs chevaux, attendre à chaque Gastifwaregôrd que les voyageurs arrivent. Le nombre dans lequel ils s’y trouvent, et l'oisiveté totale dans laquelle ils y sont, ne sont que trop capables de les corrompre : le voyageur, sur-tout quand il est seul et étranger, ne s’aperçoit que trop combien ils le sont.

Quoiqu’il m’ait semblé très-difficile d’établir une autre manière d’avoir des chevaux dans l’intérieur du royaume, vu sa grande étendue et son peu de population ; je crois qu’il ne serait pas impraticable, de mettre en régie tous les environs de Stockholm, jusqu’à la première ville, éloignée seulement de sept a dix milles. La quantité de voyageurs donnerait l’assurance aux entrepreneurs d’être employés, et de voir leurs frais remboursés. Si la dépense de tenir toujours des chevaux à l’écurie était trop onéreuse, au prix qu’est à présent la poste en Suède, il n’est pas de voyageur, qui ne préférât payer un tiers en sus du prix ordinaire, au désagrément d’être insulté et maltraité par les postillons.

Vesterôs est la capitale de la Vestmanland, c’est une ancienne ville, assez considérable quoique peu habitée ; il y a encore ici un château royal plus grand que celui d’Örebro, mais dans le même genre. Je fus reçu avec bonté par le gouverneur et par l’évêque le docteur Bentzelstierna. Ce dernier était un homme âgé de près de 80 ans ; il avait une particularité assez remarquable dans sa famille, C’est que son grand-père et ses trois oncles ont été archevêques d’UpSal les uns après les autres.

Comme le froid continuait toujours, et que de plus j'étais bien aise de rester quelques jours à Vesterôs, j’eusse été fort mal sans doute à la poste, et je dois remercier le docteur Tengmalm, d’avoir bien voulu me recevoir chez lui. Je suis resté huit jours dans cette ville et y ai passé mon temps avec beaucoup d’agrément : rien n’est aimable, je me plais à le répéter comme l'hospitalité que l’on rencontre ordinairement parmi les gens bien élevés, dans les provinces de Suède.

On voit dans la cathédrale le tombeau du pauvre Eric XIV, que son frère Jean III détrôna et fit languir 8 ans en prison à Gripsholm, un an à Vesterôs, et enfin emprisonna au château de Örbybus. Les fers qui lui étaient destinés et que l’on montre à Vesterôs, sont si lourds qu’à peine peut-on les porter. Il fut enterré dans le cimetière ordinaire en 1625. On a dernièrement déterré ses os, et on les a placés dans un sarcophage de marbre, derrière le chœur de la cathédrale : la couronne et le sceptre que l'on a placés dessus, ont été pris à Upsal au tombeau de ce même frère barbare Jean III. Il est extraordinaire que ce soit 164 ans après sa mort, qu’on l’ait fait restituer ce qu’il avait usurpé. Les historiens suivant l’usage, se sont plu à noircir la mémoire de ce malheureux Eric XIV ; il parait que c’était un prince plus faible que méchant, mais il était battu.... Que n’a-t-on pas dit du plus malheureux Louis XVI !

On est ici à portée des mines fameuses de Salha et de Falhun, dignes, à tous égards de la curiosité du voyageur ; mais j’en ai réservé la visite au printemps. Le tour du lac Mälarn que je faisais alors, n’était que pour me donner une légère idée du pays, et quel était ce grand lac, qui fournit à si bon marché aux plaisirs sobres et salubres, de la table des grands seigneurs de la capitale.

Près de Vesterôs, à Stronsholm, vient aboutir le canal de ce nom, qui commence dans la Dalécarlie, à douze milles de là. On a profité des lacs et des endroits de la rivière qui se sont trouvés être navigables, et cependant on a été obligé d’ y construire vingt écluses.

À l’instant de mon départ le froid n’était pas très-violent, mais bientôt je fus bien aise de retrouver la grande botte dans laquelle, j’avais déjà voyagé. Quand il fait si froid, présentât-on l’objet le plus attrayant, à peine voudrait-on dégeler les cils de ses yeux pour le regarder : c’est à la lettre réellement, je sentais le froid pénétrer mes yeux et m’y faire mal, je les fermais alors, et si je les tenais cinq ou six minutes dans cette situation, les cils se collaient et je ne pouvais les détacher qu’en appliquant la main dessus.

Enköping est une très petite ville toujours située sur le Mälarn ; je descendis à la poste. Dans la chambre où se tiennent les postillons, je fus témoin de la scène la plus originale ; quatre ou cinq grands gaillards dormaient sur les bancs, trois jouaient, d’autres fumaient, et deux paysans se battaient à coups de poings, au milieu de la chambre. Plein de cette belle idée anglaise, « que l’on ne doit pas empêcher les gens de se battre quand ils en ont envie », je n’assis fort tranquillement et les regardai faire, ainsi que tous les autres. Au bout de quelques instans cependant, l’un d’eux reçut un coup de poing qui lui ensanglanta la figure, et lui fit mesurer le plancher. Comme son adversaire voulait continuer à le battre, cela me sembla trop fort : je le pris par le collet et lui fis faire une pirouette. L’autre se releva et voulait encore se battre. Comme le cheval était prêt, je leur souhaitai bien du plaisir et je me remis en route.

C’est à Lislena, la poste avant d’arriver à Ekolsund, qu’est située la maison appelée Ting-hus, où se tient le tribunal inférieur du distrigt (l’Härad). Le juge et les procureurs du roi y ont des chambres et de bons lits. Dans l’intervalle de la session, on y loge les voyageurs ; mais on attend qu’ils le demandent, ce qui doit être très-désavantageux pour un étranger qui ne sait pas que cet usage existe. En général toutes les fois qu’on voit une maison, communément en pierre, bâtie près du Gästivaregórd, on peut s'informer si ce n’est pas le Ting-hus. Dans la salle d’audience, il y a deux grands coffres, à trois cadenats, où sont les papiers. Les clefs en sont, comme je l’ai dit page 107, une entre les mains du juge, et les autres, dans celles des deux plus anciens paysans propriétaires.


  1. L'auberge, la maison de poste, cour de l’hôtellier ; ce mot est terrible à une oreille étrangère, et son pluriel encore pis, Gästgifwaregôrdarnas. On aurait de la peine à faire entrer cela dans un vers.
  2. Il y a tant de livres sur les mines de Suède, que je ne crois pas devoir ’amuser à en copier une partie. Si on veut connaître ce qu’il y a de plus complet sur ce sujet, on doit lire le Guide du voyageur aux mines et carrières de Suède par Gustave d’Engeström. Il ne contient guères qu’une centaine de pages et on le dit très-exact. Maints pittoresques ont fait parade de minéralogie aux dépens de cet auteur. Nous croyons que l’auteur du Voyage des deux Français dans le Nord, aurait dû le citer.
  3. Quatre degrés du thermomètre de Rhéaumur en font cinq de Celsius ; le point de congélation du vif argent est de 39 à quarante chez Celsius et au-dessus de 52 chez Rhéaumur.