Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres/116
Séance du 26 Juin 1857.
M. le sous-préfet assiste à la séance.
Le président donne lecture de la lettre suivante :
- » Monsieur le Président,
» Le moyen le plus propre à féconder les travaux de l’esprit, c’est de les mettre en lumière. Pour les hommes laborieux qui leur ont voué leur vie, il n’existe pas de plus puissant encouragement et de récompense mieux assurée, que le bienfait d’une publicité étendue, se produisant sous une forme à la fois éclairée et bienfaisante ; consacrant leurs noms en même temps qu’elle vulgarise leurs écrits ; gage de l’utilité et de la gloire que le pays à son tour peut retirer de leurs veilles.
» Le gouvernement de l’Empereur l’a compris. Sous l’inspiration de sa sollicitude pour l’avenir des lettres, des sciences et des arts, il a cru devoir faire appel aux corps savants, ses premiers auxiliaires dans la protection que réclame ce grand intérêt national. C’est pour donner à leur concours toute son efficacité, sans entraver en aucune sorte leur indépendance, que M. le ministre de l’instruction publique les invite à lui adresser, outre leurs recueils périodiques, les résultats de recherches nouvelles ayant pour objet d’élucider, à l’aide de l’histoire, de la philologie, des données sur les origines de la législation, des études archéologiques et topographiques, les nombreuses variétés d’antiquités provinciales, institutions, coutumes, littérature, monuments.
» Ces documents qui d’ordinaire s’accumulent sans fruit dans les archives académiques ne seront plus exposés désormais au stérile et injurieux oubli qui les attend. Leurs auteurs trouveront dans la Revue des Sociétés savantes, publiée sous les auspices du ministère spécialement appelé à diriger le mouvement des esprits, une tribune toujours ouverte, où ce mouvement se réfléchira pour s’étendre et se concentrera pour s’accroître ; foyer d’émulation vivifié chaque mois par des appréciations impartiales, des résumés consciencieux, et la révélation à la France et à l’Europe de celles de ces œuvres unies par un lien commun, sur lesquelles devra principalement s’arrêter l’attention publique.
» Il vous appartient, Monsieur le président, de seconder cette pensée venue de haut, en y associant la compagnie qui vous a placé à sa tête. Il serait désirable que chacun de ses membres se renfermât autant que possible dans l’étude approfondie de la contrée qu’il habite, qu’il en interrogeât curieusement le passé, qu’il en sondât sous les rapports agricoles et industriels la situation présente ; signalant les réformes que cette situation appelle, les perfectionnements qu’elle comporte ; s’attachant en un mot, dans cette exploration attentive des localités, à tout ce qui peut jeter un jour utile sur leurs besoins, leurs vœux et leurs ressources.
» C’est ainsi que, de toutes les parties de la France, aboutiront comme à un centre lumineux, ces renseignements puisés aux sources les plus élevées, qui présenteront au gouvernement la statistique complète du développement intellectuel de nos provinces, lui indiqueront les moyens les plus sûrs de fortifier et d’élever notre niveau scientifique et littéraire, et le mettront sur la voie du véritable progrès, au double point de vue de l’amélioration morale et du bien-être matériel des populations.
» Telle est, Monsieur le président, l’œuvre de bien public qui se recommande d’elle-même au zèle de votre compagnie. Tout ce qui est fait pour honorer et grandir la France, intéresse au plus haut degré les corps savants ; concourir à ce résultat, c’est de leur part ajouter à leur patrimoine.
» Veuillez, Monsieur le président, agréer l’hommage de ma haute considération.
» Le conseiller honoraire à la cour de cassation, recteur de l’Académie, | |
» J. Rocher. » |
La Société s’efforcera de répondre, autant qu’il dépendra d’elle, à l’appel de M. le recteur. Elle comprend que la voie qui lui est indiquée d’une manière si précise et si large à la fois, doit conduire à d’importants résultats. En s’y engageant avec courage, en s’y maintenant avec persévérance, elle peut espérer d’utiles découvertes et d’intéressantes études sur toutes les parties du passé. Le rôle des sociétés locales est nettement tracé. Sans doute elles ne doivent pas s’enfermer exclusivement dans des bornes étroites, qui ne laisseraient aucune liberté à l’initiative du travail individuel, mais il est bon qu’elles ne négligent rien de ce qui peut contribuer, à faire connaître la ville et la contrée où s’exerce leur action.
C’est là leur premier devoir. Les résultats déjà obtenus sur plusieurs points montrent combien il est fécond. Lorsque les travaux obtiendront une plus grande publicité, lorsque les recherches pourront être concentrées, qu’elles se rattacheront par un lien commun, qu’elles se dirigeront vers un même but, l’influence des sociétés devra s’accroître et leur importance grandir.
On peut alors attendre d’elles des services, dont la langue, l’histoire, l’archéologie, la littérature, la philosophie, les diverses branches de la science, l’industrie et les arts retireront une incontestable utilité. Elles ne seront plus seulement un centre où les hommes studieux seront heureux de se réunir pour échanger leurs idées, se communiquer leurs travaux et puiser dans ce commerce intime que rendent si facile et si doux les préoccupations intellectuelles, des encouragements et des forces ; elles deviendront un levier puissant qui ne laissera debout aucun préjugé, qui ébranlera toutes les préventions, et montrera dans tout leur jour, d’importantes vérités, trop souvent méconnues par l’ignorance, ou obscurcies par de mesquines passions.
On est heureux de voir présager aux Sociétés savantes de pareilles destinées. On doit être jaloux de conquérir le droit d’avoir, dans une pareille mission, sa place et sa part. La Société littéraire et scientifique de Castres ne négligera rien pour profiter des avantages qui lui sont offerts, et maintenir ses travaux dans une voie à la fois utile et féconde.
M. Serville annonce que la pierre contenant l’inscription signalée par M. V. Canet dans la séance précédente, est à la disposition de la Société. Il propose de la faire placer, dans le mur de clôture du jardin dépendant du palais de justice. Elle serait ainsi conservée, comme dernier souvenir d’un monument considérable, non loin de l’endroit où elle avait été placée, il y a 169 ans. Elle se trouverait en vue et à l’abri de toute mutilation.
La Société adopte cette proposition. Elle charge M. Grasset de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa prompte et complète exécution.
M. A. Plazolles, adresse à la Société deux pièces de vers.
La première est un sonnet à la Vierge. Si ce genre n’a pas aujourd’hui la vogue dont il a joui pendant une partie du xviie siècle, il n’est pourtant pas dédaigné. C’est un petit tableau dont le cadre est tracé, dont les dimensions sont déterminées rigoureusement, et où l’imagination se trouve prémunie contre des écarts toujours dangereux. La pensée devient plus concise, le sentiment s’élance avec plus de vivacité ou de grandeur. Mais ces avantages créent des devoirs, et la perfection devient presque une nécessité. Ce n’est pourtant pas une raison de répéter avec Boileau :
Chaque genre littéraire a son mérite propre, et ce mérite est toujours en rapport avec les difficultés qui se présentent à l’écrivain. Un sonnet qui met en relief une grande pensée, un noble sentiment, exprimés en beau vers, a droit à une attention sympathique, parce qu’il ne peut pas être le produit d’une inspiration passagère. Il demande des qualités sérieuses ; il exige l’habitude, l’emploi facile de ce langage dont la poésie a le privilège de revêtir ses inspirations, et que le hasard n’apprend jamais, Le sonnet de M. Plazolles est le développement d’un sentiment pieux. L’âme s’y révèle avec une douce effusion de foi, d’espérance et de gratitude. Le style a cette élégante simplicité qui donne aux compositions les plus légères tant de grâce et de charme. Peut-être n’est-il pas assez serré, et la pensée perd-elle quelque chose de sa netteté, dans un trop facile développement.
La seconde pièce est un fragment d’épitre. On demande à M. Plazolles pourquoi il fait des vers. Les poètes ont toujours d’excellentes réponses pour une pareille question qu’ils trouvent au moins indiscrète. On sait de quelle manière une des imaginations les plus riches du xixe siècle, a peint ce besoin de chanter qui s’élève avec tant de force en celui que la nature a enrichi de ses dons. M. Plazolles ne donne pas une raison aussi haute. Il fait des vers, parce que c’est un agréable délassement, parce qu’il trouve un plaisir véritable et toujours nouveau, à joindre entre elles des pensées, à donner une expression à ses sentiments, à revêtir d’une forme cadencée, harmonieuse, les caprices de son imagination ou les émotions de son âme.
La Société a remarqué plusieurs passages pleins de verve et d’heureuses inspirations. Elle s’est arrêtée, avec plaisir sur des idées neuves rendues dans un langage qui en augmente l’éclat et l’intérêt. Elle charge le bureau de transmettre à M. Plazolles ses félicitations et ses remerciements.
M. Lalagade, médecin à Albi, écrit à la Société pour lui faire hommage de deux brochures dont l’une porte pour titre : Études sur la revaccination ; et l’autre : Nouveau procédé de conservation du virus-vaccin.
L’examen de ces deux ouvrages est confié à M. Bénazech, docteur en médecine.
M. V. Canet fait un rapport au nom de la commission chargée d’examiner la question des prix à décerner. La Société décide conformément aux conclusions énoncées :
1° Qu’elle distribuera quatre prix en 1858.
2° Que le programme sera adopté dans une séance suivante.
3° Qu’elle pourra modifier, tous les ans, le nombre, la valeur et la nature de ses prix, ainsi que les conditions du concours.