Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres/1/10

Séance du 3 Avril 1857.


Présidence de M. A. COMBES.


M. le sous-préfet de Castres écrit à la Société, qu’en réponse à la demande qu’elle a adressée à M. le ministre de l’instruction publique, Son Excellence fait connaître, à la date du 13 mars, qu’Elle est disposée à seconder les intentions des fondateurs ; mais Elle désirerait qu’il fût inscrit dans les statuts, que l’inspecteur d’académie, en résidence à Albi est, de droit, membre de la Société. Ce fonctionnaire représenterait, dans le sein de la compagnie, l’autorité du ministre de l’instruction publique.

La Société décide, à l’unanimité, qu’une addition sera faite à l’article 11 du règlement général. Cet article sera désormais ainsi conçu :

« MM. le sous-préfet de l’arrondissement, le président du tribunal de première instance, le maire de Castres et l’inspecteur d’Académie, en résidence à Albi, sont, de droit, membres de la Société. »


M. V. Canet lit la première partie d’un travail sur la traduction en vers, par M. le comte Gabriel de Nattes, des œuvres lyriques d’Horace.

Les traductions sont des œuvres importantes, mais difficiles. Il ne suffit pas, en effet, de donner une idée d’un livre, et de faire connaître ce qu’il renferme : il faut qu’il revive dans toute sa vérité et sa fraîcheur primitives, qu’il ne perde aucun des caractères qui font sa gloire et constituent sa physionomie particulière. Or, le travail et la bonne volonté ne suffisent pas pour doter une langue de ce qui contribue à l’illustration d’une autre. Il doit y avoir entre le traducteur et l’auteur, une communication intime, un rapport constant. Il faut qu’ils se confondent dans les mêmes pensées, et vivent des mêmes sentiments. Si le génie de l’un s’élève, s’il se plaît dans des combinaisons ou des inspirations fécondes par la grandeur ou par la grâce, s’il se plie aux nuances les plus tranchées, comme aux plus délicates, il faut que son interprète ait assez de force et de souplesse pour le suivre, assez de goût pour l’apprécier, une connaissance assez profonde de la langue dont il se sert, pour lui emprunter toutes ses ressources et les mettre à la disposition d’une création étrangère. C’est parce qu’il est difficile de réunir toutes ces conditions, qu’il y a si peu de traductions vraiment estimables, et dignes d’une attention sérieuse.

Mais la difficulté augmente quand il s’agit d’un poète. Un historien, un philosophe, un orateur même, peuvent se retrouver, sinon complètement, du moins sans différences essentielles, dans une version tentée par un esprit cultivé, par une imagination riche et brillante. Quand la pensée a été comprise, la forme se calque d’elle-même et sans trop d’efforts sur la phrase originale. Mais la poésie, quelque puissante que soit son action, comme accent de l’âme, comme grande et puissante création, doit son éclat et son charme à quelque chose d’insaisissable dont l’expression ne porte pas toujours la trace. Comment traduire ce qui pénètre d’admiration, mais échappe à l’analyse ?

Cependant, malgré les difficultés, les tentatives ont été nombreuses dans tous les temps et chez tous les peuples. C’est que la traduction répond à un besoin des intelligences. Si « le vrai sage est celui qui agrandit sa sagesse de toute celle qu’il recueille en autrui »[1], une littérature s’enrichit en s’appropriant, pour le fond ou pour la forme, tout ce que l’esprit humain a produit. La langue sort de cette lutte pleine de vivacité et de naturel, de force et d’élégance. Elle y gagne, en raison des résistances et des difficultés qu’elle a rencontrées. Le génie trouve des appuis ; le talent des modèles. Le goût s’épure, car il peut comparer ; et la comparaison est la voie qui mène à la perfection.

Les peuples, dès les premiers actes de leur vie, trouvent dans la traduction, le moyen d’arriver à une certaine perfection de forme qui est la preuve d’une admiration raisonnée pour les chefs-d’œuvre, et le premier fruit du sentiment de l’art. Dans leurs époques de grandeur, ils s’appuient sur les créations du génie pour arriver à une rivalité souvent dangereuse pour elles : à leurs périodes de faiblesse et de décadence, ils vont s’y retremper, pour y puiser ce qu’ils ne trouvent plus en eux-mêmes : quelque principe de vie et quelques espérances d’avenir.

Notre langue et notre génie doivent beaucoup aux traductions, parce qu’on les a comprises de bonne heure d’une manière sérieuse, et comme une lutte corps à corps avec un adversaire redoutable. Les poètes ont été l’objet d’une attention particulière. On les a traduits en prose ; plus souvent on a essayé de donner aux inspirations qu’on leur empruntait, cette forme qui est, par excellence, la langue poétique. Mais, a-t-on toujours réussi ? Si le vers contraint la pensée pour la faire jaillir avec plus de force, s’il resserre l’image, afin de la rendre plus éclatante, on comprend tout ce que l’inspiration y gagne, mais on doit sentir aussi tout ce que la traduction y perd.

Il y a entre ce qui se passe en nous et la forme que nous lui donnons, un rapport intime, une liaison étroite. C’est l’âme et le corps. Le corps manifeste, il reflète avec vérité jusqu’aux moindres nuances, jusque dans les plus petits détails, jusque dans les plus insaisissables délicatesses, tout ce qui s’est agité dans l’esprit, tout ce qui a laissé dans le cœur sa trace et son empreinte. Cette forme se présente d’elle-même : on ne se crée pas un style, on ne l’apprend pas, on le porte avec soi : la patience, cette compagne du génie qui ne se confond pas avec lui, qui n’est pas lui, quoiqu’en dise Buffon, peut sans doute éclairer, fortifier, embellir ; elle peut corriger les imperfections, faire disparaître les inégalités : elle ne donnera jamais ce qui constitue la beauté essentielle, ce qui fait le charme intime du style.

Or, dans une traduction, le poète ne s’appartient plus : il pense, il sent, il parle d’après un autre. Dès lors, sa liberté disparaît ; et, avec la liberté, s’échappe cette inspiration fugitive, cet éclair qu’il faut saisir au moment où il illumine l’âme, et que la réflexion est impuissante à fixer. Voilà pourquoi on n’aborde qu’avec peine une traduction en vers : on risque toujours, en effet, de ne trouver devant soi ni un poète ni un traducteur.

La poésie lyrique est plus particulièrement intraduisible. Là, l’inspiration n’a point de règle : l’élan n’est pas comprimé. Tout lien apparent est dédaigné, dans la marche rapide de la pensée, dans l’expression spontanée du sentiment ; mais il y a comme un courant intérieur qu’il faut suivre et qui échappe. Le poète lyrique aime les images ; c’est la vie de ses compositions. Or, qu’est-ce qu’une image ? où réside-t-elle ? quelle est la forme qui la rend sensible, quel est le mot qui la renferme ? Ce sont autant de mystères ; et s’il est difficile de les pénétrer, il est plus difficile encore de se les approprier, et de transmettre aux autres l’émotion que l’on a soi-même éprouvée.

Horace a été bien souvent traduit. Les tentatives ont été nombreuses dès les premiers jours de la Renaissance. Sous Louis XIV, les études de détail n’ont pas manqué ; et, dans le siècle suivant, pendant que les natures d’élite cherchaient dans un commerce intime avec le poète inspiré qui faisait les charmes de la cour d’Auguste, des modèles de grandeur et de grâce, les esprits habitués à cette énervante délicatesse qui prépare la corruption, se plaisaient à reproduire les tableaux dans lesquels se jouait l’épicurien de bon goût. De nos jours, depuis P. Daru jusqu’à M. le comte Gabriel de Nattes, on ne compte pas moins de huit traductions en vers. Y a-t-il progrès de l’une à l’autre ? On ne pouvait pas l’espérer. Il n’en est pas des œuvres de l’art comme des combinaisons de la science. Ici, un progrès en amène un autre ; un résultat obtenu contient en germe des applications nombreuses ; et, ce que le génie a découvert, l’esprit vulgaire se l’assimile par le travail et le féconde par la réflexion. L’art, au contraire, vit d’inspiration et de spontanéité : il est nécessairement inégal dans ses productions, et se montre rebelle à la loi du progrès qui domine les œuvres d’intelligence et de raisonnement.

Le siècle d’Auguste revit tout entier dans les odes d’Horace. Cette époque glorieuse du génie latin s’y montre avec tous ses caractères de grandeur, de bon goût, de facile aisance, de douceur dans les mœurs, d’élévation dans les idées, et, — il faut bien le dire aussi, — d’indifférence religieuse, d’affaiblissement national, au milieu d’une espèce de restauration solennelle du culte de Rome et des Dieux. La vie est pour Horace une chose sérieuse ; car, à toutes ces folies, à ces égarements de la passion, vient toujours se mêler quelque chose qui ramène à la réalité, et, par la réalité, à une philosophie doucement grave, agréablement austère. La brièveté de la vie, l’incertitude du lendemain, la modération des désirs, l’égalité d’âme, la résignation, — si le mot n’est pas trop chrétien, — la condamnation d’une vie insolemment splendide et d’une richesse scandaleuse, occupent une large place, dans ses diverses œuvres, et se représentent à tout moment, sous toutes les formes.

Mais, au milieu même de sa gloire, il y a toujours pour l’antiquité païenne un côté faible, un point vulnérable. Que sont toutes ces vertus, et jusqu’où vont-elles ? À quel sacrifice peuvent-elles préparer ? Quel bien pouvons-nous en attendre pour l’humanité ? On peut être un homme d’un commerce facile, de mœurs élégantes, d’un esprit délicat, mais on n’a ni cette sûreté de conduite, ni cette gravité morale, ni ce respect pour soi-même, qui est la première manifestation de la dignité, et la première condition de la grandeur.

Or, tout cela manque à Horace. Dans une société corrompue, et qui marchait à la dissolution, malgré les efforts multipliés que faisait un pouvoir habile pour la constituer solidement par des lois, il ne se jeta pas au devant du courant, il le suivit, en se jouant avec grâce dans des banalités philosophiques. Il semble même qu’il ait honte de la place qu’il a donnée à la sagesse dans ses odes. Il ne se croit pas permis de rester réservé, au milieu d’un peuple que le luxe dévorait, et qui cherchait dans les plaisirs, un aliment à cette activité qui ne pouvait plus s’appliquer à de grandes choses.

Sans doute, le mérite et l’éclat de ces traits nombreux que la mémoire n’oublie pas, n’en sont pas affaiblis. Ces passages sont relus avec plaisir, ils sont rappelés ou cités avec bonheur. Cette partie d’Horace a droit à nos respects ; mais elle n’est pas pour nous tout Horace ; et si le goût littéraire le plus délicat n’a rien à reprendre dans ces compositions si variées de caractère, de ton et de forme, si l’imagination y est toujours riche et féconde, si l’expression apporte avec elle l’empreinte d’une grâce ineffaçable, et de cette netteté qui est « le vernis des maîtres » ; si de piquantes observations, de graves conseils, d’austères leçons, viennent doucement reposer l’âme et lui donner comme un avant-goût de prudence et de vertu ; la sagesse n’a-t-elle pas le droit de s’indigner ; n’a-t-elle pas le devoir de protester hautement, lorsqu’elle reconnaît que la facilité de mœurs cache la négation de tout principe, que la politesse supprime tout ressort dans les âmes, que l’amour du bien devient une convention de bon goût, et que la vertu si souvent, si hautement invoquée, n’est, après tout, que la modération dans les plaisirs et une mesure dans les vices ?


M. Nayral lit la troisième partie de ses études sur les œuvres mêlées de prose et de vers.

Les époques parcourues jusqu’à ce moment sont les plus riches en productions de ce genre. On le comprend facilement, si l’on considère les conditions sociales au milieu desquelles étaient jetées ces compositions légères, richesse superflue, à côté d’une opulence réelle. Quelque grande que soit l’indépendance du génie, quelque liberté que réclame le caprice de l’esprit, il n’est pas possible de se soustraire à l’influence exercée par la société. Il faut toujours tenir compte des désirs, des tendances, des aspirations qui sont la manifestation ordinaire et la plus vraie de la vie intime d’un peuple. Or, au xviiie siècle, comme dans l’époque qui l’avait précédé, la vie publique était moins extérieure, les événements littéraires étaient plus nombreux et plus importants. On se passionnait pour un homme ou pour une œuvre. Les antipathies littéraires avaient l’ardeur et l’entraînement que nous avons vu plus tard excités par des divisions politiques. Seulement, les conséquences étaient moins graves, et la lutte moins sanglante. La cour et la ville pouvaient être divisées en deux camps par les sonnets de Job et d’Uranie, sans que la tranquillité publique fut troublée, et sans que l’on fut réduit à se mettre en peine sur l’existence du lendemain.

Les moindres productions avaient alors de l’importance. L’auteur se faisait de son œuvre une idée exagérée, sans doute, mais qui répondait de sa bonne foi et de son travail : le lecteur, dont l’attention était moins partagée, s’arrêtait sur tout ce qui s’offrait à sa curiosité, sans paraître soupçonner qu’il fut possible de dédaigner ce que l’esprit avait conçu. Ces dispositions étaient favorables, il est facile de s’en rendre compte. On faisait, sans doute, un événement des plus futiles productions ; mais on accueillait les créations capitales avec ce respect empressé qui est le premier hommage adressé au génie. L’œuvre imprimée ou manuscrite passait de main en main : elle était l’objet de toutes les réflexions, le sujet de tous les entretiens. N’était-ce pas assez pour exciter une émulation salutaire ?

Il n’en est plus de même de nos jours, et c’est ce qui explique l’infériorité des œuvres dont M. Nayral doit s’occuper. L’esprit français, on aime à le croire, n’a rien perdu de ses ressources. Il a toujours sa fraîcheur, sa vivacité et sa grâce. Tout a changé autour de lui, excepté lui-même. Pourquoi serait-il devenu stérile dans un genre où il excellait ? Pourquoi aurait-il dédaigné ce qui lui a valu de si charmantes inspirations ? C’est qu’il n’a plus son public, et que, sûr d’être peu écouté, ou, ce qui est plus triste encore, ayant à craindre d’être méconnu, au milieu des préoccupations passionnées ou égoïstes de notre époque, il aime mieux se taire.

Ce n’est pas que les voyages en prose ou en vers nous manquent : mais ils sont pour la plupart signés de noms inconnus ; et, après avoir eu le courage de les lire, on comprend que le vide et l’obscurité qui se font autour d’eux ne sont que de la justice.

Il faut pourtant citer quelques ouvrages, afin de ne pas rester incomplet dans cette revue.

L’abbé de Laporte, ce compilateur dont les œuvres sont si volumineuses, a publié un Voyage au séjour des ombres. On y trouve de piquantes anecdotes, des mots, heureux, des épigrammes qui en rendent la lecture très-amusante. On s’est beaucoup occupé, pendant un moment, d’un voyage en deux volumes du chevalier de la Tremblaye. Il porte pour titre : Sur quelques contrées de l’Europe. Il y a de la force et de l’élégance dans le style. La Quête au blé, du P. Venance, est un charmant voyage connu de tous les amateurs de ces productions fines et délicates. Cet opuscule a été réimprimé par M. de Labouïsse-Rochefort, dans l’édition qu’il a publiée au bénéfice de la mère du malheureux poète, victime de la révolution. Le Voyage à Sorèze, par Lalanne, ne manque pas d’intérêt. Les promenades, les observations, les réflexions abondent dans les premières années du xixe siècle. Il est difficile de faire un choix parmi des productions dont plusieurs se recommandent par un certain mérite de forme, mais qui n’ont rien, en général de ces qualités à la fois brillantes et solides, par lesquelles vivent les œuvres d’imagination et de goût. Un auteur dont la réputation très-grande un moment, est réduite aujourd’hui à sa juste valeur, Pigault-Lebrun a publié en 1827, un Voyage dans le Midi de la France.

Les romans ne suffisaient plus à l’activité de cet esprit infatigable. Ce n’était pas assez d’avoir épuisé les combinaisons les plus étranges, les conceptions les plus bizarres, les tableaux les plus obscènes, d’avoir imaginé les caractères les plus extraordinaires pour les jeter dans les aventures d’une réalité grotesque et d’une trivialité repoussante : après avoir vécu dans le domaine de la plus libre fantaisie, il voulut aborder l’histoire, et doter la France d’un monument élevé par le patriotisme. On comprend ce que peut être l’histoire écrite par Pigault-Lebrun. L’opinion publique qui n’est pas toujours aussi bien inspirée, fit promptement justice de l’Histoire de France à l’usage des gens du monde. Elle avait paru pourtant à un moment où toutes les passions religieuses et politiques étaient surexcitées. C’est qu’il ne suffit pas de donner un aliment aux haines, de flatter les préjugés, il faut encore, surtout quand on est arrivé à une certaine célébrité, ne pas s’exposer au ridicule. Le ridicule tue d’autant plus sûrement en France, qu’il atteint ceux qui s’en sont fait un arme contre leurs adversaires. C’est ce qui arriva.

Le voyage de Pigault-Lebrun vaut mieux que ce qu’il eut le courage d’appeler une histoire. Il se recommande par des traits vifs, par de la finesse dans les aperçus, et une verve intarissable dans le récit. On y trouve des observations neuves, des anecdotes curieuses, des particularités historiques retracées avec une gaîté inépuisable. Pourquoi ne peut-on pas en retrancher certains tableaux qui semblent détachés de ses plus mauvais romans ? L’obscénité dénature toujours l’esprit, et l’impiété flétrit les plus heureuses inspirations.

M. Albert Montémont a écrit un Voyage aux Alpes et en Italie. Il est sous forme de lettres, et peut sans désavantage être comparé à celui de Dupaty. À la même époque, qui correspond à celle des impressions, genre de littérature à la portée de toutes les imaginations un peu éprises d’elles-mêmes, paraissent des productions qui se ressemblent pour le fond et pour la forme, au moins autant que pour le titre. Une nomenclature est toujours fastidieuse, quand elle porte sur des objets qui ne se détachent l’un de l’autre par aucun trait essentiel. M. Nayral passe rapidement. Il signale pourtant le Voyage de Castres à Montpellier, adressé à Mme Balard par M. Fournès, de Labruguière, et le Voyage de Castres à Tonneins, par M. Albert. Ces productions locales qui, à ce seul titre réclameraient l’attention, et que recommandent des mérites réels, sont peu connues.

M. Nayral consacre une mention spéciale à M. de Labouïsse-Rochefort. La Promenade à Longchamp, les Voyages à Saint-Maur, Trianon, Montrauge, Saint-Léger, Charenton, et Rennes-les-Bains, sont appréciés, avec la douce affection de l’ami, mais aussi, avec l’impartialité du critique qui ne veut rien perdre de ses droits, ni manquer à aucun de ses devoirs. M. de Labouïsse a beaucoup écrit ; il y a peu de genres qu’il n’ait abordés, peu de matières qu’il n’ait essayé d’enrichir. C’était une de ces natures trop expansives pour rester, en littérature comme dans la conduite, fidèle à cette juste mesure que l’esprit réduit à lui-même n’indique pas toujours, que le bon sens seul trace et limite. Il n’était pas poète, et il a fait trop de vers. Biographe curieux, observateur fin et délié, narrateur spirituel, il eut dû se borner à ces études où il excellait. Il eut eu plus de lecteurs et plus d’amis.

M. Nayral ne tardera pas à prendre place lui-même dans cette galerie qu’il vient de parcourir. On connaît quelques fragments de son Voyage à Royan et à Rochefort. Il termine aujourd’hui ce qu’il n’avait qu’ébauché. Ceux de ses confrères qui ont reçu ses premières confidences l’encouragent et le pressent. La publication annoncée lui donnera sa place parmi les écrivains qu’il vient d’apprécier, comme quelques lectures la lui ont déjà acquise dans l’opinion de ses amis.

  1. De Ravignan.