Prix-fait d’un tableau commandé au peintre Guy François pour la cathédrale du Puy
PRIX-FAIT D’UN TABLEAU
Commandé au peintre Guy François, pour la cathédrale du Puy.
Messieurs,
Le peintre Guy François est connu de la plupart d’entre vous ; aussi me bornerai-je à vous rappeler très-succinctement les principales phases de sa vie.
Né au Puy, dans la seconde moitié du XVIe siècle, d’Armand François, maître chaudronnier de cette ville, et de Magdeleine Delicques, François étudia, jeune encore, le dessin et alla se perfectionner dans cet art et celui de la peinture à Paris d’abord, à Rome ensuite, où, d’après Félibien (Histoire des peintres), il fut l’élève de Vouet qui avait déjà eu pour disciples Lesueur, Mignard et Lebrun, pour ne citer que les plus célèbres.
Ce fut auprès de cet illustre maître que François puisa ses principales qualités qui consistent surtout, selon la méthode du Carravage, dans la puissance des reliefs, la vigueur des contrastes, dans la production des grands effets d’ombres et de lumières, dans une manière large, hardie et expéditive.
Revenu dans sa ville natale, Guy François, que, suivant la mode du temps, était devenu, en italianisant son nom, Guido Francisco, a bientôt le monopole de la décoration de toutes nos églises du Velay. Sa réputation ne tarde pas à s’étendre dans les provinces voisines, aussi retrouve-t-on encore sa trace, non-seulement dans l’Auvergne, le Bourbonnais et le Forez, mais encore dans tout le Languedoc. Il fournit de copies des tableaux de Vouet, de Lebrun, de Lesueur, la plupart de nos monastères.
François peignait avec une grande célérité ; aussi, à sa mort, laissa-t-il une fortune relativement considérable.
Il s’était marié, en 1615, avec Valérie Bonnefont, fille d’un marchand du Puy. De cette union naquirent plusieurs enfants : l’un d’eux, Jean François, surnommé l’Illustre, alors que son père avait été appelé le Grand, continua les traditions artistiques paternelles et quelques-unes de ses œuvres sont parvenues jusqu’à nous.
Le prix-fait que je vais avoir l’honneur de vous lire nous apprend que Guy François peignit non-seulement à l’huile sur toile, mais encore à la détrempe sur des murailles préparées à cet effet. Ce renseignement vient à l’appui de l’assertion d’un de nos historiens, M. F. Mandet, qui attribue à notre peintre plusieurs des peintures murales dont on retrouve les débris dans nos manoirs en ruine et notamment les fresques décorant le petit oratoire du château de Bouzols.
Pactes et conventions passées d’entre nous, Jacques Pradier, chanoyne en l’esglize cathédralle Nostre-Dame du Puy, et Guy François, peintre de ladite ville.
Premièrement a esté convenu que moy dict François seray tenu, promets de faire audit sieur Pradier ung grand tableau pour mettre à l’entrée de l’esglise cathédrale Nostre-Dame du Puy du cousté du fort et a main droite, despuis la sime de l’arcade et voulte y estant, jusques au bout de trois grandz troux ou massoniaulx qu’il y a au dessoulz et de la largeur de ladite arcade on voulte, dans lequel tableau, je promets de faire et repprésanter en huyle le couronnement de la Vierge avec une court céleste et aux deux extremittés pourtrairre d’ung cousté ledit Sr Pradier avec St Jacques et de l’austre cousté St Jean avec feu Mons Me Jean Pradier son frère aussy chanoyne de lad. esglise et mettre leurs armes entre deux.
Comme aussy ledict François prometz de faire le quadre dudit tableau de boys de noyer et icelluy paindre en azur et dorer de deux gros filetz d’or le tout à mes fraitz et despans.
De plus, ledit François promets au dict sieur Pradier de paindre au dessoubz du dict tableau les douze apostres en destrampe on grisailhe sur la muraille avec leurs armes.
Et moy dict Pradier prometz audit sieur Francoys de faire grossoyer et blanchir ladite muraille à mes fraitz et despans et en oultre prometz de payer audict sieur François la somme de cinq cent livres, tant pour ledit tableau, quadre que apostres susdicts.
Et moy dict François prometz par-dessus ledict tableau et apostres donner audict Sr Pradier son pourtrait et ung petit tableau separé ensemble celuy de Damlle Catherine Dorvy sa belle sœur.
L’an mil six cent trente deux et le dixiesme jour du mois de septambre après midy par devant moy nore royal soubsigné et tesmoingtz soubz nommés et sons personnellement establis monsieur Me Jacques Pradier, chanoyne esglise cathédrale Nostre-Dame du Puy d’une part, et Sr Guy François, paintre de la ville du Puy d’aultre, lesquelles parties mutuelles stipulations intervenant ont promis rattifier et confirmer les susdicts pactes entre eulx passés et promis par ses présentes d’iceulx inviolablement observer à quelles fins et en déduction de la somme de cinq cent livres y contenues ledict Pradier a illec reellement payés audict Sr François la somme de deux cent livres en escus sol monnoye compté et nombré et par ledict Sr François recue et emboursée en présence de nous dict nore et tesmoingtz dont ledict est comptant et en acquitté et quitte ledict Sr Pradier avec promesses de ne la lui plus demander, et les trois cent livres restantz ledict Sr Pradier a promitz et prometz payés audict Sr François le 24e du mois de mars prochain, veille de l’annunciation Notre-Dame en l’année qu’on comptera mil six cent trente trois, auquel jour ledict François a promis et prometz devoir le tout fait et parachevé ledict tableau et rendu en estatz au lieu pourté par les susdicts pactes et ainsin les dictes parties respectivement, l’ont promis et juré.
Fait au Puy, maison dudict sieur Pradier, présants Volle, Bernard, Besson, praticien, soubsignés, lesdictes parties et moy, notaire royal soubsigné et recepvant.