Principes de la musique et méthode de transposition, 4e édition/p1/4
IV.
ÉTUDE DES TONALITÉ.
GÉNÉRATION ET ENCHAÎNEMENT DES TONS. —
PROGRESSION DES ALTÉRATIONS CONSTITUTIVES.
TONALITÉ. — FORMATION DE LA GAMME DIATONIQUE.
119. Nous avons fait remarquer de quelle manière les sons doivent être espacés pour constituer notre gamme ; nous allons maintenant étudier le principe en vertu duquel elle est formée. | |
Ce principe constitutif se nomme tonalité. | La tonalité. |
Il réside dans les affinités qui résultent de la parenté des sons. | |
120. Cette parenté des sons ressort de la nature même du son considéré dans le phénomène de sa production. Voici en quoi consiste ce phénomène[1]. | |
Or, tout corps sonore mis en vibration produit, outre un son principal (le seul qui, en raison de sa prédominance, soit apprécié par une oreille peu exercée), d’autres sons beaucoup plus faibles. |
Le son est, comme nous le savons, le résultat des vibrations d’un corps sonore.Phénomène de la résonnance des corps sonores. |
Ces sons, très-délicats, qui prennent naissance avec le son principal qu’ils accompagnent et avec lequel ils viennent, pour ainsi dire, se confondre, se nomment sons harmoniques ou concomitants (accompagnants). | Sons harmoniques. |
Les sons harmoniques sont à la 12e juste et à la 17e majeure au-dessus du son principal. |
Intervalles qui, par le rapprochement des sons, deviendraient tierce majeure et quinte juste. |
Quand, imitant la nature, l’art marie avec un son quelconque deux autres sons qui en répètent les harmoniques, il en résulte un ensemble qui fait sur notre oreille une impression complétement satisfaisante, et auquel on donne le nom d’accord parfait. | Accord parfait. |
[2], et, à eux seuls, ils ne pouvaient constituer une échelle musicale. Il fallut donc leur adjoindre de nouveaux sons qui, tout en étendant le système, ne vinssent pas en rompre l’harmonie. | Voici déjà trois sons ayant entre eux les affinités les plus directes, les rapports les plus parfaits. Mais, si agréable que soit l’émission simultanée ou successive de ces trois sons, leur unique reproduction eût fait naître une réelle monotonieFormation de la gamme diatonique. |
Supposons, par exemple, la note ut prise comme son primordial ; cet ut fera résonner ses harmoniques mi et sol. | Pour remplir ces conditions, les nouveaux sons devaient nécessairement se rattacher aux premiers ; et c’est en effet ce qui a lieu pour notre gamme, ainsi qu’on va le voir.
Or, le sol, quinte juste de notre ut, et produit par lui, étant pris, à son tour, comme son générateur, sera accompagné des harmoniques si et ré. |
Ce qui nous fait UT, mi, SOL, si, ré. |
Mais si le son ut produit sol, sa quinte (sa 12e) supérieure, on peut le considérer lui-même comme engendré par un son placé une quinte (une 12e) au-dessous de lui, c’est-à-dire par fa, dont les harmoniques sont la et ut. On a ainsi la formule suivante : |
donnant les notes FA, la, UT, mi, SOL, si, ré. Ces notes rapprochées le plus possible les unes des autres, forment une succession conjointe qui n’est autre que notre gamme d’ut. |
Des deux harmoniques, on a pris la quinte, et non la tierce, pour nouveau son générateur, parce que la tierce aurait fourni des harmoniques dont l’adjonction eût fait sortir du genre diatonique (le plus simple des trois genres, celui dont nous nous occupons ici) : par exemple mi, tierce du son ut, eût donné par la résonnance sol ♯, et nous avions sol naturel dans la résonnance de cet ut primordial. | |
La gamme d’ut est donc le produit des trois sons fa, ut, sol, puisque ces trois sons, avec leurs harmoniques, forment exclusivement l’ensemble des sons qui constituent le ton d’ut[3]. |
121. Chaque gamme ou ton a, ainsi que la gamme d’ut, ses trois sons générateurs présentant toujours entre eux les rapports que nous venons d’observer ; | Notes tonales. |
c’est-à-dire : le son primordial (celui qui donne son nom à la gamme), sa quinte supérieure, et sa quinte inférieure[4]. Ces trois sons générateurs du ton sont appelés notes tonales. |
|
122. Là gamme, prise dans l’étendue d’une octave, peut se diviser en deux moitiés exactement semblables. | Division de la gamme en deux tétracordes. |
On remarquera que ces tétracordes commencent l’un et l’autre par une note tonale : |
Chacune de ces deux demi-gammes, étant formée de quatre sons, est nommée tétracorde (du grec tétra, quatre ; chordê, corde).
1er tétracorde. |
2e tétracorde. | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
UT Note tonale. |
ré | mi | fa | SOL Note tonale. |
la | si | ut |
123. Chaque degré d’une gamme diatonique est désigné soit par son numéro d’ordre, soit par un nom qualifiant la fonction qu’il y remplit. | Fonctions des divers degrés de la gamme ; noms qu’ils reçoivent. |
nomme tonique. La cinquième note de la gamme, celle par laquelle commence le second tétracorde, est appelée dominante, en raison du rôle important qu’elle joue dans le ton. Les autres degrés tirent leur nom de leur situation par rapport à ces deux points principaux. | Ainsi, la note sur laquelle la gamme est établie, la première note du ton (la note initiale du 1er tétracorde), se
1er degré. TONIQUE. |
2e degré. Sus-tonique. |
3e degré. Médiante. |
4e degré. Sous-dominante. |
5e degré. DOMINANTE. |
6e degré. Sus-dominante. |
7e degré. Note sensible * ou sous-tonique. |
NOTA. — Le septième degré, placé à un demi-ton de la tonique, a, dans son mouvement mélodique, une tendance prononcée à se porter vers cette dernière qu’il fait ainsi
pressentir. Voilà pourquoi on l’appelle note sensible, ou, simplement sensible.
On verra (§ 163) dans quelle circonstance cette qualification de note sensible n’est pas applicable au septième degré.
RÉSUMÉ.
A. Les sons qui constituent un ton ou gamme diatonique sont au nombre de sept.
B. Ce système de sons est fourni par trois sons principaux (la 1re note du ton, sa 5te supérieure et sa 5te inférieure), à chacun desquels s’adjoignent naturellement deux autres sons, à la tierce et à la quinte juste supérieures.
Cela fait trois triades ou groupes de trois sons, donnant ensemble un total de 7 sons différents.
C. L’agrégation formée par chacune de ces triades est ce que l’on nomme accord parfait.
D. Le principe et le modèle d’une telle agrégation sont donnés par la nature elle-même, dans le phénomène de la résonnance des corps sonores.
E. Les trois triades qui constituent un ton ou gamme diatonique, naissent l’une de l’autre par progression de quintes justes : c’est-à-dire que la quinte de l’une devient la base de la suivante.
F. Tout autre son que les sept fournis par les trois triades constitutives, serait en rapport chromatique avec l’un ou l’autre de ceux-ci, et, en conséquence, ne pourrait concourir avec ces derniers à la formation d’une même gamme diatonique.
G. Les trois sons principaux, bases de ces triades, sont appelés notes tonales, parce qu’ils engendrent le ton.
H. Les notes tonales occupent, dans la gamme, le premier, le quatrième et le cinquième degré.
I. La gamme diatonique, prise dans l’étendue d’une octave, se partage en deux moitiés semblables.
J. On appelle tétracorde chacune de ces deux demi-gammes.
K. Chaque degré de la gamme, outre son numéro d’ordre, reçoit un nom marquant la fonction qu’il y remplit :
Le 1er degré se nomme TONIQUE;
Le 2e — sus-tonique;
Le 3e degré se nomme médiante ;
Le 4e — sous-dominante ;
Le 5e — DOMINANTE ;
Le 6e — sus-dominante ;
Le 7e — note sensible ou sous-tonique.
L. Les deux points principaux de la gamme sont la tonique et la dominante.
La tonique est la note initiale du 1er tétracorde ;
La dominante est la note initiale du 2e tétracorde.
EXERCICES.
De combien de sons une gamme diatonique est-elle formée ? — A.
Expliquez la formation du système diatonique ? — B.
Comment nomme-t-on une agrégation de trois sons formant
entre eux une tierce majeure et une quinte juste ? — C.
Où trouve-t-on le principe et le modèle de l’accord parfait ? — D.
Quel rapport ont entre elles les trois triades (ou accords
parfaits) constituant une gamme diatonique ? — E.
Pourquoi une gamme diatonique ne se compose-t-elle que des
sept sons fournis par les trois triades ? — F.
Comment nomme-t-on les trois sons principaux, bases des
trois triades constitutives d’un ton ? — G.
Quel rang occupent les notes tonales parmi les divers degrés
de la gamme ? — H.
Comment partage-t-on la gamme diatonique, prise dans
l’étendue d’une octave ? — I.
Comment nomme-t-on chaque moitié de la gamme ? — J.
Comment désigne-t-on chacun des degrés de la gamme ? — K.
Quels sont, dans la gamme, les degrés principaux ? — L.
Quelles sont les notes tonales du ton de … ?
Les trois notes * * * étant données comme notes tonales,
quel serait le ton ?
Quelle est la tonique dans le ton de … ?
Quelle est la dominante dans le ton de … ?
Quelle est la note sensible dans le ton de … ?
Quelle est la médiante dans le ton de … ?
Questions analogues pour les autres degrés.
Quel serait le ton dont la dominante (ou tel autre degré)
serait telle note ?
ORDRE DE GÉNÉRATION ET ENCHAÎNEMENT DES TONS. —
PROGRESSION DES ALTÉRATIONS CONSTITUTIVES.
124. Nous venons de voir que la gamme d’ut était exclusivement composée des notes fournies par les trois triades : |
ré. | ||||
si. | ||||
sol. | . | . .SOL. | ||
mi. | ||||
ut. | . | . .UT. | ||
la. | ||||
FA. |
s’engendrant de quinte en quinte justes. Or, si l’on prolonge, soit en montant, soit en descendant, cette progression de quintes justes, on voit apparaître de nouveaux sons étrangers à la gamme d’ut, et amenant de nouveaux tons. |
Ainsi, le ton d’ut a pour voisins, d’un côté, le ton de sol, et, de l’autre, le ton de fa ; et l’on voit que, sur trois triades constitutives, chacun de ces tons en emprunte deux au ton voisin. | |
125. On comprend dès lors qu’un ton porte en lui le germe de deux autres tons, dont l’un est une quinte plus haut, et l’autre une quinte plus bas. | Les divers tons s’enchaînent par quintes justes. |
126. Si donc on poursuit la progression, on voit naître successivement les uns des autres tous les tons s’échelonnant de quinte en quinte. | |
127. Naturellement les tons qui prennent des dièses suivent la progression ascendante ; et ceux qui prennent des bémols suivent la progression inverse. Le ton d’ut, dont toutes les notes sont naturelles, forme la souche de ces deux familles de tons, le point central de ces générations successives. Ceci est rendu sensible dans le tableau suivant, où sont présentés les éléments constitutifs des divers tons s’enchaînant les uns aux autres, suivant l’ordre de leur génération. |
constituer les différents tons. | Ce tableau démontre donc que la progression par quintes justes est non-seulement le principe générateur du système diatonique, mais encore l’ordre dans lequel ce système se transpose pour
128. On y voit les dièses et les bémols constitutifs naître et se propager en vertu de cette progression. (Examiner à cet égard le tableau précédent.) | Ordre de génération des dièses, des bémols, etc. |
129. Cet ordre de génération des altérations constitutives peut encore être démontré de la manière suivante, dans laquelle on retrouve d’ailleurs le principe fondamental que nous venons d’exposer. On remarque que toutes les notes naturelles, disposées par quintes, en partant de fa pour arriver jusqu’à si, forment une progression de quintes justes. Exemple : |
Fa | ut | sol | ré | la | mi | si | ||||||
5te juste | 5te juste | 5te juste | 5te juste | 5te juste | 5te juste |
Mais ici s’arrête la progression, et elle ne pourrait revenir sur elle-même, car la dernière note si produirait, avec la première note fa, l’intervalle de quinte diminuée. Exemple : |
Or, si la progression de quintes justes doit dépasser le si, en montant, ou le fa, en descendant, elle amènera inévitablement, dans le premier cas, un fa ♯ (et le ton de sol) et, dans le second, un si ♭ (et le ton de fa), altérations nécessaires pour maintenir l’intervalle de quinte juste entre les notes si et fa. |
Voilà pourquoi le premier des dièses constitutifs est toujours sur fa, et le premier des bémols sur si. | |
130. Ces deux altérations deviennent la racine de toutes les autres, car en poursuivant la progression, on verra se produire successivement, d’un côté, tous les dièses, puis les doubles dièses ; et de l’autre, tous les bémols, puis les doubles bémols. |
(C’est ce que l’on vient de voir, présenté sous une autre forme, dans le tableau de la génération des tons.) | |
131. Les dièses constitutifs (ainsi que les tons qui les prennent) se produisent donc de quinte en quinte justes, suivant l’ordre ascendant, | Progression des dièses. |
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 |
fa ♯, | ut ♯, | sol ♯, | ré ♯, | la ♯, | mi ♯, | si ♯, |
132. Les bémols constitutifs (ainsi que les tons qui les prennent) suivent la marche inverse : de quinte en quinte justes, dans l’ordre descendant, | Progression des bémols. |
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 |
si ♭, | mi ♭, | la ♭, | ré ♭, | sol ♭, | ut ♭, | fa ♭, |
c’est la progression des dièses prise en sens contraire. |
133. L’armure de la clef étant donnée, on connaîtra facilement le ton du morceau. À cet effet, il suffit de remarquer : 1° Que le dernier des dièses qui arment la clef est toujours sur la note sensible ; la tonique cherchée est donc la note placée un degré au-dessus. EXEMPLES : Dièse unique sur fa, tonique sol. Dernier dièse sur ut, tonique ré, etc. 2° Que le dernier des bémols dont la clef est armée affecte toujours la sous-dominante; il faut donc chercher la tonique quatre degrés au-dessous de ce dernier bémol[5]. EXEMPLES : Bémol unique sur si, tonique fa. Dernier bémol sur mi, tonique si ♭, etc. |
Comment on reconnaît le ton par l’armure de la clef. |
134. Réciproquement, le ton étant proposé, il est facile de trouver quelle doit être, pour ce ton, l’armure de la clef. Ainsi, on demande quelle doit être l’armure de la clef pour le ton de la ? Nous savons que sol ♯, note sensible de la, est le dernier des dièses qui doivent armer la clef pour le ton de la. Or, le sol dièse occupant le troisième rang dans la progression des dièses, l’armure de la clef se composera des trois dièses, fa, ut, sol. |
Comment on connaît quelle doit être l’armure pour un ton proposé. |
Autre exemple : on veut savoir quelle est l’armure de la clef pour le ton de ré ♭ ? |
|
Le dernier des bémols est sur le quatrième degré, qui, dans le ton de ré, est sol. Or, le sol ♭ arrivant le cinquième dans l’ordre de progression des bémols, l’armure de la clef se composera des cinq bémols si, mi, la, ré, sol. | Ici la note sensible étant ut naturel, il n’y aura pas de dièses à la clef, mais des bémols.
135. D’ailleurs on a vu, au tableau de la génération des tons, que d’autant de quintes un ton est élevé au-dessus du ton naturel, autant il prend de dièses ; et que d’autant de quintes il lui est inférieur, autant il prend de bémols (page 104). | Autre moyen. |
Ainsi, le ton de si, étant cinq quintes au-dessus du ton d’ut | Pour savoir quelle doit être l’armure, il n’y a donc qu’à compter le nombre de ces quintes ; ce sera celui des dièses , si le ton naît de la progression ascendante ; et celui des bémols, si le ton résulte de la progression descendante.
Progression ascendante. | |
, prend 5 dièses ; |
et le ton de la ♭, étant quatre quintes au-dessous
Progression descendante. | |
, exige 4 bémols. |
136. Résumons. Les tableaux précédents nous montrent: 1° un ton modèle, le ton d’ut, ne prenant aucune altération constitutive ; 2° sept tons avec des dièses, depuis un jusqu’à sept, à partir du ton de sol jusqu’au ton d’ut dièse ; 3° sept tons avec des bémols, depuis un jusqu’à sept, à partir du ton de fa jusqu’au ton d’ut bémol ; en tout, quinze tons. | Nombre des tons. |
On comprend qu’arrivé à ce terme de sept dièses ou de sept bémols, où chacune des sept notes est altérée de la même manière, on retrouve une gamme d’ut, mais d’ut altéré : ut ♯, ut ♭. |
137. On pourrait prendre le ton d’ut ♯, ou le ton d’ut ♭, comme point de départ de nouvelles séries de gammes, dans lesquelles devraient intervenir soit les doubles dièses, soit les doubles bémols, lesquels joueraient, à l’égard des notes simplement diésées ou bémolisées, le rôle que celles-ci remplissaient dans les gammes précédentes, par rapport aux notes naturelles. | Tons dans lesquels les altérations constitutives dépassent les sept dièses ou les sept bémols. |
[6]. | Ces nouvelles gammes, plus élevées ou plus graves d’un demi-ton que leurs homonymes de l’ordre précédent, et prenant en conséquence les unes sept dièses, les autres sept bémols de plus que celles-ci, se présenteraient naturellement dans le même ordre : d’un côté, les tons de sol ♯, ré ♯, la ♯ et la suite de la série ; de l’autre, les tons de fa ♭, si ♭♭, mi ♭♭, etc.|
138. Mais ces tons reculés ne forment jamais le ton principal d’un morceau (on a vu, § 65, qu’on n’armait pas la clef de doubles dièses ni de doubles bémols) ; ils ne peuvent apparaître qu’amenés passagèrement par quelques modulations, et encore cela n’arrive-t-il que rarement, le compositeur préférant substituer à ces tons compliqués leurs tons synonymes, dont nous allons parler, et dont l’aspect est beaucoup plus simple. Cependant, au point de vue de la théorie, il est indispensable de mentionner ces tons insolites, puisqu’ils surviennent quelquefois, et que d’ailleurs l’analyse de la modulation les fait découvrir sous le déguisement que l’enharmonie peut leur prêter. | |
139. En admettant, comme on le fait dans la pratique, le système du tempérament, on peut réduire à 12 le nombre des tons réellement différents. | Simplification du système. |
Cette simplification se fait au moyen des rapports enharmoniques. | |
C’est ainsi qu’au lieu du ton de sol ♯, avec huit dièses (un double et six simples), on peut prendre le ton de la ♭, avec quatre bémols. | Tons synonymes ou enharmoniques. |
Notes enharmoniques. | Ton de sol ♯ | |||||||
sol ♯ | la ♯ | si ♯ | ut ♯ | ré ♯ | mi ♯ | fa | ||
┋ | ┋ | ┋ | ┋ | ┋ | ┋ | ┋ | ||
la ♭ | si ♭ | ut | ré ♭ | mi ♭ | fa | sol | ||
Ton de la ♭ |
Les tons enharmoniques susceptibles d’être écrits[7] sont indiqués dans le tableau suivant. |
On appelle tons enharmoniques les tons entre lesquels une telle coïncidence existe.
140. On a dû voir, dans le tableau précédent, que les tons enharmoniques se trouvent à douze quintes l’un de l’autre, en les prenant dans la même colonne. | Nombre des altérations par lesquelles diffèrent les tons enharmoniques. |
Or on sait que, sur l’échelle de la génération des tons, monter d’une quinte, c’est ajouter un dièse ou retrancher un bémol ; qu’au contraire, descendre d’une quinte, c’est ajouter un bémol ou retrancher un dièse (§ 127) ; donc les tons enharmoniques, étant éloignés de douze quintes, auront entre eux une différence de douze altérations. | |
141. Il suit de là que les altérations constitutives d’un ton, additionnées avec les altérations inverses du ton enharmonique, produisent toujours le nombre douze. Ainsi, le ton de fa ♯, qui prend six dièses, a pour enharmonique le ton de sol ♭, qui a six bémols (somme totale, 12) ; le ton de ré ♭, qui prend cinq bémols, a pour enharmonique le ton d’ut ♯, qui prend sept dièses (total, 12). (Voyez, dans le tableau précédent, les altérations constitutives des tons enharmoniques placés en regard.) | On connaît l’un par l’autre les tons enharmoniques. |
La figure suivante montre clairement l’enchaînement des tons et leurs rapports enharmoniques. | Cette importante remarque dispense d’apprendre le tableau des tons enharmoniques, puisque, les altérations constitutives d’un ton étant données, on connaît par elles les altérations constitutives du ton enharmonique.|
NOTA. — Dans cette figure, chaque ton est simplement indiqué par sa tonique, et l’accolade marque les tons enharmoniques |
RÉSUMÉ.
A. Les tons s’engendrent et s’enchaînent suivant une progression de quintes justes.
B. La progression est ascendante, c’est-à-dire établie selon l’ordre ascendant des notes, pour les tons qui prennent des dièses ; elle suit la marche inverse pour ceux qui prennent des bémols.
C. En partant du ton d’ut, les tons avec des dièses sont, dans l’ordre de leur génération, ceux de sol, de ré, de la, de mi, de si, de fa ♯, d’ut ♯.
D. En partant du ton d’ut, les tons avec des bémols sont ceux de fa, de si ♭, de mi ♭, de la ♭, de ré ♭, de sol ♭, d’ut ♭.
E. Le ton d’ut, qui n’a aucune altération, est le type et la souche des autres tons ; il occupe le milieu, forme le point de jonction entre les tons avec dièses et ceux avec bémols.
F. Ainsi que les tons qui les réclament, les dièses constitutifs se produisent de quinte en quinte, en montant, et les bémols constitutifs de quinte en quinte en descendant.
G. La série des dièses est fa ♯, ut ♯, sol ♯, ré ♯, la ♯, mi ♯, si ♯.
H. Celle des bémols est si ♭, mi ♭, la ♭, ré ♭, sol ♭, ut ♭, fa ♭.
I. Prises en sens inverse, ces deux séries sont identiques.
Série des dièses. | 7e | si | 1er | Série des bémols. | ||
6e | mi | 2e | ||||
5e | la | 3e | ||||
4e | ré | 4e | ||||
3e | sol | 5e | ||||
2e | ut | 6e | ||||
1er | fa | 7e |
J. Le premier des dièses est sur fa, et le premier des bémols sur si, parce que l’une ou l’autre de ces altérations (selon le point de départ) est nécessaire pour rendre juste la quinte existant entre les notes si et fa ; tandis que toutes les autres notes forment entre elles l’intervalle de quinte juste sans le secours d’aucune altération.
K. Partant de ce fa ♯ ou de ce si ♭, la progression de quintes justes amènera successivement tous les autres dièses et tous les autres bémols, puis les doubles dièses et les doubles bémols.
L. On connaît le ton par ses altérations constitutives.
Quand ce sont des dièses, la tonique (sauf une exception dont nous parlerons au § 169) est un degré (un demi-ton diatonique) au-dessus du dernier dièse de l’armure.
Quand ce sont des bémols, la tonique (sauf l’exception signalée ci-dessus) est quatre degrés au-dessous du dernier bémol de l’armure.
M. On reconnaîtra promptement quelles doivent être les altérations constitutives pour un ton donné, en se rappelant :
1° Que les tons qui, dans l’ordre de leur génération (la progression de quintes justes), sont au-dessus du ton naturel, prennent des dièses, et que ceux qui sont au-dessous prennent des bémols.
2° Que le nombre des dièses constitutifs égale le nombre de quintes justes dont le ton est élevé au-dessus du ton naturel.
Et que le nombre des bémols
constitutifs égale le nombre de quintes justes dont le ton est abaissé au-dessous du ton naturel.
Enfin une indication bien claire peut encore être fournie par la situation
connue du dernier dièse ou du dernier bémol par rapport à la tonique :
Si le ton prend des dièses, le dernier portera sur la septième note de la gamme (sauf l’exception indiquée au § 169).
Si le ton prend des bémols, le dernier portera sur la quatrième note de la gamme (sauf l’exception § 169).
Or, le dernier dièse ou le dernier bémol étant connu, on sait, par le rang qu’il occupe dans l’ordre de succession de ces altérations, combien on en a.
N. On appelle tons enharmoniques les tons dont les degrés correspondants sont formés de notes synonymes.
O. Les tons enharmoniques se trouvent à une distance de douze quintes justes dans l’ordre de leur génération, et ils diffèrent en conséquence par douze altérations constitutives.
P. Les altérations constitutives d’un ton étant données, il suffit, pour connaître celles du ton enharmonique, d’ajouter aux premières ce qu’il faut pour faire douze. Le nombre ajouté sera celui des altérations, en signes contraires, que réclame le ton enharmonique. Ainsi le ton qui prend trois dièses aura pour enharmonique celui qui prend neuf bémols ; le ton qui prend quatre bémols aura pour enharmonique celui qui réclame huit dièses.
Q. Au moyen de l’enharmonie, douze tons suffisent à exprimer tous les autres, quels qu’ils soient.
EXERCICES.
Dans quel ordre s’engendrent et s’enchaînent les différents
tons ? — A.
Les tons qui prennent des dièses et ceux qui prennent des bémols
progressent-ils de la même manière ? — B.
Nommez dans l’ordre de leur génération les tons avec des dièses,
en partant du ton d’UT. — C.
Nommez dons l’ordre de leur génération les tons avec
des bémols, en partant du ton d’UT. — D.
Quel est le rôle et quelle est la situation du ton d’UT par rapport
aux autres tons ? — E.
Dans quel ordre se produisent les dièses et les bémols
constitutifs ? — F.
Quelle est la série des dièses ? — G.
Quelle est celle des bémols ? — H.
Quelle remarque peut-on faire sur ces deux séries comparées
l’une à l’autre ? — I.
Pourquoi le premier des dièses est-il toujours sur FA et le premier
des bémols sur SI ? — J.
Comment s’engendrent les autres altérations ? — K.
Les altérations constitutives étant données, comment font-elles
tout de suite connaître le ton ? — L.
Un ton étant donné, comment peut-on connaître facilement
les altérations constitutives qu’il réclame ? — M.
Qu’est-ce que les tons synonymes ou enharmoniques ? — N.
Par combien d’altérations constitutives les tons enharmoniques
diffèrent-ils l’un de l’autre ? — O.
Les altérations constitutives d’un ton étant données,
comment connaît-on celles du ton enharmonique ? — P.
Avec le secours de l’enharmonie, à combien peut être limité
le nombre des tons réellement différents ? — Q.
Quels sont, dans l’ordre de leur génération, les tons voisins de
tel ton ?
Quel est le premier des dièses constitutifs ? Quel est le 2e,
etc., etc., le 7e ?
Quel est le premier des bémols constitutifs ? Quel est le 2e,
etc., etc., le 7e ?
Quel est le dernier dièse (ou bémol), quand il y en a tel nombre ?
Combien y a-t-il de dièses (ou de bémols) constitutifs,
quand le dernier est sur telle note ?
Sur quelle note se pose le premier double dièse ? le dernier ?
Sur quelle note se pose le premier double bémol ? le dernier ?
Quel serait le ton avec tel nombre de dièses ?
Quel serait le ton avec tel nombre de bémols ?
Quelles seraient les altérations constitutives pour tel ton ?
Indiquez les tons enharmoniques de tel ton ?
Quelles seraient les altérations constitutives dans le ton
enharmonique de celui qui prend tel nombre de dièses ?
de celui qui prend tel nombre de bémols ?
EXERCICES PRATIQUES
- ↑ Nous ne présentons ici que les points saillants du phénomène de la résonnance. D’ailleurs est-il besoin de faire observer que nous ne prétendons pas voir dans le système de sons qui constituent notre gamme une conséquence forcée, inévitable du phénomène de la résonnance. Nous avons voulu seulement, dans cette étude, rechercher la raison d’être de notre tonalité, mettre en lumière les rapports qu’ont entre eux les sons dont elle est formée, parenté d’où résulte la supériorité de cette famille de sons sur toute autre combinaison que l’imagination pourrait créer, et qui met la base même de la musique à l’abri des caprices journaliers de la fantaisie.
- ↑ Du grec monos, un seul ; tonos, ton.
- ↑ Observons d’ailleurs qu’on n’aurait pu augmenter le nombre des notes de la gamme sans sortir du genre diatonique, puisqu’une triade de plus, d’un côté ou de l’autre, produirait des sons en rapport chromatique avec ceux déjà existants.EXEMPLE :
La gamme diatonique est donc nécessairement limitée à sept notes fournies par trois triades s’échelonnant par quintes justes.
La progression de quintes justes est le principe générateur de la tonalité, ainsi que des intervalles, en un mot de tout notre système musical. La note F placée à la fin du volume, sur la mesure des demi-tons, offre de ceci une démonstration rigoureuse. - ↑ Quand on étudiera l’harmonie, on verra que tel est le principe des relations existant entre les accords appartenant à un même ton, et des rapports qui, dans la modulation, relient l’un à l’autre les divers tons ; c’est-à-dire le fondement même de l’harmonie. (Voyez notre Cours complet d’harmonie, 1re partie, chap. II et VII.)
Il devait en être ainsi, puisque l’harmonie ressort, comme tout le système musical moderne, des lois de la tonalité. - ↑ Il y a à ces deux règles une exception signalée au § 169.
- ↑ Il y a un moyen bien simple de connaître quel serait le ton avec un nombre donné très-grand d’altérations constitutives. C’est de voir combien de fois 7 est contenu dans ce nombre donné ; l’excédant formerait l’armure de la clef pour le ton simple, et le nombre de fois 7 représenterait le nombre de demi-tons chromatiques dont la tonique cherchée serait distante de ce ton simple.
Veut-on savoir, par exemple, en quel ton on serait avec 10 dièses ?
10 contenant une fois 7 plus 3, on serait un demi-ton chromatique au-dessus du ton qui prend 3 dièses (le ton de la), c’est-à-dire en la ♯.
Ou quel serait le ton avec 16 bémols ?
16 contenant deux fois 7 plus 2, on serait en conséquence deux demi-tons chromatiques au-dessous du ton qui prend deux bémols (le ton de si ♭), c’est-à-dire en si triple bémol. Il est inutile d’ajouter que de semblables tons n’existent pas dans la pratique. - ↑ Il y a 7 notes naturelles, 7 notes diésées, 7 bémolisées, 7 doublement diésées, 7 doublement bémolisées, ce qui fait un total de 35 notes. Chacune de ces notes étant prise pour tonique, cela donnerait 35 tons. Mais de ce nombre il faudra exclure tous les tons dans lesquels interviendraient les triples dièses ou les triples bémols, puisque de semblables altérations ne sont pas admises dans la pratique, et qu’il n’y a pas de signes graphiques pour les représenter. Cela restreint à 29 le nombre des tons susceptibles d’être écrits. (Voyez le tableau.)
Or, au moyen de l’enharmonie, on pourra limiter à 12 le nombre des tons réellement différents, car, d’après le système du tempérament, toutes les notes possibles, dans l’étendue d’une octave, sont exprimées au moyen de 12 sons seulement (§79).