Prières et questions/Édition Garnier

PRIÈRES ET QUESTIONS (1773 - 1776)
Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 29 (p. 441-442).


PRIÈRES ET QUESTIONS
adressées à m. turgot, controleur général[1].




I. — Les détachements de l’armée des fermiers généraux, ayant eu ordre de décamper le 1er de janvier 1776, ont parcouru tout le pays de Gex, du 1er de janvier au 6 du mois, sont entrés à force ouverte dans les maisons des habitants, les ont attaqués sur les grands chemins, en ont conduit plusieurs en prison les fers aux mains, et les ont rançonnés comme en pays ennemi. On demande si, ces vexations étant attestées par les curés de chaque paroisse, et les procès-verbaux étant présentés, monseigneur le contrôleur général permettra que l’argent extorqué par les commis de la ferme soit rendu par les états aux parties lésées, et retenu sur les trente mille livres qui doivent être payées à la ferme.

II. — La république de Genève est prête à fournir mille minots de sel au pays de Gex, en cas que monseigneur le contrôleur général veuille bien signer que le roi ne désapprouve point ce secours passager que Genève consent de nous donner.

III. — Les états du pays de Gex demandent à acheter deux mille minots par année des fermiers généraux, au même prix que le Valais achète son sel. La ferme ne peut craindre que ces deux mille minots soient reversés en fraude dans les pays voisins sujets à la gabelle, puisqu’il nous en faut environ quatre ou cinq mille minots, tant pour la consommation journalière des ménages, que pour la salaison des fromages et des porcs, pour donner à tous les bestiaux, et même pour améliorer nos terres trop glaiseuses.

IV. — Monseigneur le contrôleur général aimerait-il mieux nous permettre de faire acheter du sel à Peccais au même prix que la ferme l’achète du roi, et de le faire venir nous-mêmes à nos frais ?

V. — Dans la répartition que nous ferons pour l’imposition de l’indemnité des trente mille livres à la ferme générale, et pour l’heureuse abolition des corvées, sera-t-il permis d’y comprendre les locataires, cabaretiers, qui sont en assez grand nombre, et les autres locataires qui font commerce de bijouterie et de montres, quoiqu’ils n’aient pas de fonds territoriaux ?

VI. — La ferme générale ne retirant plus à Versoi, frontière de France, le petit droit de transit pour les marchandises venant de Genève, de Suisse et d’Allemagne, et n’allant point en France, sera-t-il permis au pays de Gex de percevoir à son profit ce petit droit, qui n’est payé que par des étrangers ?

VII. — La tannerie étant presque entièrement tombée en France, et le pays de Gex ne possédant plus que trois tanneurs ; Henri IV ayant exempté ce pays de l’impôt sur la marque des cuirs ; monseigneur le contrôleur général aura-t-il la bonté de maintenir cette exemption ?

VIII. — La liberté du commerce des blés étant établie dans tout le royaume, les commis du pays de Gex, retirés tous sur la frontière de cette petite province par delà le fort de l’Écluse, se sont avisés d’arrêter tous les blés qui venaient du Bugey et de la Franche-Comté à Gex. Le maire et subdélégué de Gex leur a écrit que l’intention du ministère était que tous les grains passassent librement. Monseigneur le contrôleur général est supplié de vouloir bien nous faire donner un ordre par écrit pour laisser passer au fort de l’Écluse, et par toutes nos autres frontières, notre blé, notre bois, et notre comestible, attendu que, le 11 du mois, ils ont rançonné tous les paysans qui apportaient du beurre, des œufs, et du bois. Le pays se flatte que monseigneur voudra bien lui faire justice.


fin des prières et questions

  1. Ces Prières et Questions, écrites sur un papier séparé, ont été adressées à Turgot le 13 janvier 1776, avec une lettre portant cette date ; et c’est à la suite de cette lettre que, dans les éditions de Kehl et autres, elles avaient été imprimées. (B.)