Premières poésies (Évanturel)/Les amoureux

Augustin Côté et Cie (p. 29-30).



LES AMOUREUX



CET amour réchauffé s’anime aux feux de l’âtre,

Ils s’étaient rencontrés au sortir du théâtre,
Comme ceci : l’instant de se dire au revoir.
Et depuis, le dimanche et le mercredi soir,
— Ces jours sont de rigueur, qu’il vente ou bien qu’il pleuve —
Bien ganté, l’avocat va passer chez la veuve
Quelques heures au moins, très-régulièrement.


— S’aiment-ils ?
S’aiment-ils ? — Oui, sans doute, ils s’aiment tendrement.

Si bien que, quand il sonne à son heure ordinaire,
C’est la veuve — elle a fait la langue à sa portière —
Qui rayonnante accourt et s’empresse d’ouvrir.
— Tiens, c’est vous ! La santé ?
Tiens, c’est vous ! La san— Mais la vôtre ?
Tiens, c’est vous ! La san — Mais la vô— À ravir !

Et lui, le vieux garçon, timide et respectable,
S’assoit un peu loin d’elle, en extase, à la table
Où la veuve savoure un bol de chocolat.
Et la soirée ainsi se passe, et l’avocat
Songe à son union qu’il dit être prochaine.

Songe-t-il, cependant, qu’ils ont la cinquantaine ?