Pourquoi la Vie/Texte entier

Librairie des sciences psychologiques (p. T-76).


Pourquoi la Vie ?

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SOLUTION RATIONNELLE
DU
PROBLÈME DE L’EXISTENCE
Ce que nous sommes.
D’où nous venons.
Où nous allons.
PAR
LÉON DENIS

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QUINZIÈME MILLE

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PARIS
LIBRAIRIE DES SCIENCES PSYCHOLOGIQUES
i, rue Chabanais, i

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1892




A CEUX QUI SOUFFRENT


C’est à vous, ô mes frères et sœurs en humanité, à vous tous que le fardeau de la vie a courbés, à vous que les âpres luttes, les soucis, les épreuves ont accablés, que je dédie ces pages. C’est à votre intention, affligés, déshérités de ce monde, que je les ai écrites. Humble pionnier de la vérité et du progrès, j’ai mis en elles le fruit de mes veilles, mes réflexions, mes espérances, tout ce qui m’a consolé, soutenu dans ma marche ici-bas.

Puissiez-vous y trouver quelques enseignements utiles, un peu de lumière pour éclairer votre chemin. Puisse cette œuvre modeste être pour votre esprit attristé ce qu’est l’ombre au travailleur brûlé du soleil, ce qu’est, dans le désert aride, la source limpide et fraîche, s’offrant aux regards du voyageur altéré !



I

DEVOIR ET LIBERTÉ


Quel homme, aux heures de silence et de recueillement, n’a jamais interrogé la nature et son propre cœur, leur demandant le secret des choses, le pourquoi de la vie, la raison d’être de l’univers ? Où est celui qui n’a jamais cherché à connaître ses destinées, à soulever le voile de la mort, à savoir si Dieu est une fiction ou une réalité ? Il n’est pas d’être humain, si insouciant soit-il, qui n’ait envisagé quelquefois ces redoutables problèmes. La difficulté de les résoudre, l’incohérence et la multiplicité des théories qu’ils ont fait naître, les déplorables conséquences qui découlent de la plupart des systèmes répandus, tout cet ensemble confus, en fatiguant l’esprit humain, l’a rejeté dans l’indifférence et le scepticisme.

Pourtant, l’homme a besoin de savoir ; il a besoin du rayon qui éclaire, de l’espoir qui console, de la certitude qui guide et qui soutient. Et il a aussi le moyen de connaître, la possibilité de voir la vérité se dégager des ténèbres et l’inonder de sa bienfaisante lumière. Pour cela, il doit se détacher des systèmes préconçus, descendre au fond de lui-même, écouter cette voix intérieure qui parle à tous, et que les sophismes ne peuvent tromper : la voix de la raison, la voix de la conscience.

Ainsi j’ai fait. Longtemps j’ai réfléchi ; j’ai médité sur les problèmes de la vie et de la mort ; avec persévérance j’ai sondé ces profonds abîmes. J’ai adressé à l’Éternelle Sagesse un ardent appel, et Elle m’a répondu, comme Elle répond à tout esprit animé de l’amour du bien. Des preuves évidentes, des faits d’observation directe sont venus confirmer les déductions de ma pensée, offrir à mes convictions une base solide, inébranlable. Après avoir douté, j’ai cru ; après avoir nié, j’ai vu. Et la paix, la confiance, la force morale sont descendues en moi. Ce sont ces biens que, dans la sincérité de mon cœur, désireux d’être utile à mes semblables, je viens offrir à ceux qui souffrent et qui désespèrent.

Jamais le besoin de lumière ne s’est fait sentir d’une manière plus impérieuse. Une immense transformation s’opère au sein des sociétés. Après avoir été soumis pendant une longue suite de siècles aux principes d’autorité, l’homme aspire de plus en plus à secouer toute entrave, à se diriger lui-même. En même temps que les institutions politiques et sociales se modifiaient, les croyances religieuses, la foi aux dogmes se sont affaiblies. C’est encore là une des conséquences de la liberté dans son application aux choses de la pensée et de la conscience. La liberté, dans tous les domaines, tend à se substituer à la contrainte et à l’autorité, à guider les nations vers des horizons nouveaux. Le droit de quelques-uns est devenu le droit de tous ; mais, pour que ce droit souverain soit conforme à la justice et porte ses fruits, il faut que la connaissance des lois morales en vienne régler l’exercice. Pour que la liberté soit féconde, pour qu’elle offre aux œuvres humaines une base sûre et durable, elle doit être complétée par la lumière, la sagesse, la vérité. La liberté, pour des hommes ignorants et vicieux, n’est-elle pas comme une arme puissante entre des mains d’enfant ? L’arme, dans ce cas, se retourne souvent contre celui qui la porte et le blesse.


II

LES PROBLÈMES DE L’EXISTENCE


Ce qu’il importe à l’homme de savoir par-dessus tout, c’est ce qu’il est, d’où il vient, où il va, quelles sont ses destinées. Les idées que nous nous faisons de l’univers et de ses lois, du rôle que chacun de nous doit jouer sur ce vaste théâtre, ces idées sont d’une importance capitale. C’est d’après elles que nous dirigeons nos actes. C’est en les consultant que nous assignons un but à notre vie et marchons vers ce but. Là est la base, le vrai mobile de toute civilisation. Tant vaut l’idéal, tant vaut l’homme. Pour les collectivités, comme pour l’individu, c’est la conception du monde et de la vie qui détermine les devoirs ; elle fixe la voie à suivre, les résolutions à adopter.

Mais, ainsi que nous l’avons dit, la difficulté de résoudre ces problèmes les fait trop souvent rejeter. L’opinion du grand nombre est vacillante, indécise ; les actes, les caractères s’en ressentent. C’est là le mal de l’époque, la cause du trouble auquel elle est en proie. On a l’instinct du progrès ; on veut marcher, mais pour aller où ? C’est à quoi l’on ne songe pas assez. L’homme ignorant de ses destinées est semblable à un voyageur qui parcourt machinalement une route, sans en connaître ni le point de départ, ni le point d’arrivée, et ne sait pas pourquoi il voyage ; qui, par suite, est toujours disposé à s’arrêter au moindre obstacle, et perd son temps sans souci du but à atteindre.

Le vide et l’obscurité des doctrines religieuses, les abus qu’elles ont engendrés jettent nombre d’esprits dans le matérialisme. On croit volontiers que tout finit à la mort, que l’homme n’a d’autre destinée que de s’évanouir dans le néant.

Nous démontrerons plus loin combien cette manière de voir est en opposition flagrante avec l’expérience et la raison. Disons dès maintenant qu’elle est destructive de toute notion de justice et de progrès.

Si la vie est circonscrite du berceau à la tombe, si les perspectives de l’immortalité ne viennent pas éclairer notre existence, l’homme n’a plus d’autre loi que celle de ses instincts, de ses appétits, de ses jouissances. Peu importe qu’il aime le bien, l’équité. S’il ne fait que paraître et disparaître en ce monde, s’il emporte avec lui dans l’oubli ses espérances et ses affections, il souffrira d’autant plus que ses aspirations seront plus pures, plus élevées : aimant la justice, soldat du droit, il se croit condamné à n’en voir presque jamais la réalisation ; passionné pour le progrès, sensible aux maux de ses semblables, il s’imagine qu’il s’éteindra avant d’avoir vu triompher ses principes.

Avec la perspective du néant, plus vous aurez pratiqué le dévouement et la justice, plus votre vie sera fertile en amertumes et en déceptions. L’égoïsme bien compris serait la suprême sagesse ; l’existence perdrait toute grandeur, toute dignité. Les plus nobles facultés, les plus généreuses tendances de l’esprit humain finiraient par se flétrir, par s’éteindre entièrement.

La négation de la vie future supprime aussi toute sanction morale. Avec elle, qu’ils soient bons ou mauvais, criminels ou sublimes, tous les actes aboutissent aux mêmes résultats. Il n’est pas de compensation aux existences misérables, à l’obscurité, à l’oppression, à la douleur ; il n’est plus de consolation dans l’épreuve, plus d’espérance pour les affligés. Aucune différence n’attend, dans l’avenir, l’égoïste qui a vécu pour lui seul et souvent aux dépens de ses semblables, et le martyr ou l’apôtre qui aura souffert, succombé en combattant pour l’émancipation et le progrès de la race humaine. La même ombre leur servira de linceul.

Si tout finit à la mort, l’être n’a donc aucune raison de se contraindre, de comprimer ses instincts, ses goûts. En dehors des lois terrestres, rien ne peut le retenir ! Le bien et le mal, le juste et l’injuste se confondent également et se mêlent dans le néant. Et le suicide sera toujours un moyen d’échapper aux rigueurs des lois humaines.

La croyance au néant, en même temps qu’elle ruine toute sanction morale, laisse irrésolu le problème de l’inégalité des existences, en ce qui touche la diversité des facultés, des aptitudes, des situations, des mérites. En effet, pourquoi aux uns tous les dons de l’esprit et du cœur, les faveurs de la fortune, alors que tant d’autres, n’ont en partage que pauvreté intellectuelle, vices et misère ? Pourquoi, dans une même famille, des parents, des frères, issus de la même chair et du même sang, diffèrent-ils essentiellement sur tant de points ? Autant de questions insolubles pour les matérialistes, ainsi que pour bien des croyants. Ces questions, nous allons les examiner brièvement à la lumière de la raison.


III

ESPRIT ET MATIÈRE


Il n’est pas d’effet sans cause ; rien ne procède de rien. Ce sont là des axiomes, c’est-à-dire des vérités incontestables. Or, comme on constate en chacun de nous l’existence de forces, de puissances qui ne peuvent être considérées comme matérielles, il y a nécessité, pour en expliquer la cause, de remonter à une autre source que la matière, à ce principe que nous nommons âme ou esprit.

Lorsque, descendant au fond de nous-mêmes nous voulons apprendre à nous connaître, à analyser nos facultés ; lorsque, écartant de notre âme l’écume qu’y accumule la vie, l’épaisse enveloppe dont les préjugés, les erreurs, les sophismes ont revêtu notre intelligence, nous pénétrons dans les replis les plus intimes de notre être, nous nous y trouvons face à face avec ces principes augustes sans lesquels il n’est pas de grandeur pour l’humanité : l’amour du bien, le sentiment de la justice et du progrès. Ces principes, qu’on retrouve à des degrés divers, aussi bien chez l’ignorant que chez l’homme de génie, ne peuvent provenir de la matière, qui est dépourvue de tels attributs. Et si la matière ne possède pas ces qualités, comment pourrait-elle former, seule, des êtres qui en sont doués ? Le sens du beau et du vrai, l’admiration que nous éprouvons pour les œuvres grandes et généreuses, ne sauraient avoir la même origine que la chair de nos membres ou le sang de nos veines. Ce sont plutôt là comme les reflets d’une haute et pure lumière qui brille en chacun de nous, de même que le soleil se reflète sur les eaux, que ces eaux soient troubles ou limpides.

En vain prétendrait-on que tout est matière. Eh quoi ! nous ressentons de puissants élans d’amour et de bonté ; nous aimons la vertu, le dévouement, l’héroïsme ; le sentiment de la beauté morale est gravé en nous ; l’harmonie des choses et des lois nous pénètre, nous ravit ; et rien de tout cela ne nous distinguerait de la matière ! Nous sentons, nous aimons, nous possédons la conscience, la volonté et la raison ; et nous procéderions d’une cause qui ne renferme ces qualités à aucun degré, d’une cause qui ne sent, n’aime ni ne connaît rien, qui est aveugle et muette ! Supérieurs à la force qui nous produit, nous serions plus parfaits et meilleurs qu’elle !

Une telle manière de voir ne supporte pas l’examen. L’homme participe de deux natures. Par son corps, par ses organes, il dérive de la matière ; par ses facultés intellectuelles et morales, il procède de l’esprit.

Disons plus exactement encore, au sujet du corps humain, que les organes composant cette admirable machine sont semblables à des rouages incapables d’agir sans un moteur, sans une volonté qui les mette en action. Ce moteur, c’est l’âme. Un troisième élément relie les deux autres, transmettant aux organes les ordres de la pensée. Cet élément est le périsprit, matière éthérée qui échappe à nos sens. Il enveloppe l’âme, l’accompagne après la mort, dans ses pérégrinations infinies, s’épurant, progressant avec elle, lui constituant une corporéité diaphane, vaporeuse. Nous reviendrons plus loin sur l’existence de ce périsprit.

L’esprit gît en la matière comme un prisonnier en sa cellule ; les sens sont les ouvertures par lesquelles il communique avec le monde extérieur. Mais, tandis que la matière décline tôt ou tard, périclite et se désagrège, l’esprit augmente en puissance, se fortifie par l’éducation et l’expérience. Ses aspirations grandissent, s’étendent par delà le tombeau ; son besoin de savoir, de connaître, de vivre est sans borne. Tout montre que l’être humain n’appartient que temporairement à la matière. Le corps n’est qu’un vêtement d’emprunt, une forme passagère, un instrument à l’aide duquel l’âme poursuit en ce monde son œuvre d’épuration et de progrès. La vie spirituelle est la vie normale, véritable, sans fin.


IV

HARMONIE DE L’UNIVERS


Étant donnée l’existence en nous d’un principe intelligent et raisonnable, l’enchaînement des causes et des effets nous fait remonter, pour en expliquer l’origine, jusqu’à la source d’où il découle. Cette source, dans leur pauvre et insuffisant langage, les hommes l’appellent Dieu.

Dieu est le centre vers lequel convergent et viennent aboutir toutes les puissances de l’univers. Il est le foyer d’où émane toute idée de justice, de solidarité et d’amour ; le but commun vers lequel tous les êtres s’acheminent, consciemment ou inconsciemment. C’est de nos rapports avec le grand Architecte des mondes que découlent l’harmonie universelle, la communauté, la fraternité. Pour être frères, en effet, il faut avoir un père commun, et ce père ne peut être que Dieu.

Dieu, dira-t-on, a été présenté sous des aspects si étranges, parfois si odieux par les hommes de secte, que l’esprit moderne s’est détourné de lui. Mais qu’importent les divagations des sectaires ! Prétendre que Dieu peut être amoindri par les propos des hommes équivaut à dire que le mont Blanc et l’Himalaya peuvent être souillés par le souffle d’un moucheron. La vérité plane radieuse, éblouissante, bien au-dessus des obscurités théologiques.

Pour l’entrevoir, cette vérité, la pensée doit se dégager des préceptes étroits, des pratiques vulgaires ; rejeter les formes grossières dont les religions ont enveloppé le suprême idéal. Elle doit étudier Dieu dans la majesté de ses œuvres.

À l’heure où tout repose dans nos cités, quand la nuit est transparente et que le silence se fait sur la terre assoupie ; alors, ô homme ! mon frère, élève tes regards et contemple l’infini des cieux.

Observe la marche rythmée des astres, évoluant dans les profondeurs. Ces feux innombrables sont des mondes auprès desquels la Terre n’est qu’un atome, des soleils prodigieux qu’entourent des cortèges de sphères et dont la course rapide se mesure à chaque minute par millions de lieues. Des distances effrayantes nous en séparent. C’est pourquoi ils nous paraissent comme de simples points lumineux. Mais dirige vers eux cet œil colossal de la science, le télescope. Yu distingueras leurs surfaces semblables à des océans de flamme. Tu chercheras en vain à les compter ; ils se multiplient jusque dans les régions les plus reculées ; ils se confondent dans l’éloignement, comme une poussière lumineuse. Vois aussi sur les mondes voisins de la Terre se dessiner les vallées et les montagnes, se creuser les mers, se mouvoir les nuages. Reconnais que les manifestations de la vie se produisent partout, et qu’un ordre admirable unit, sous des lois uniformes et par des destinées communes la Terre et ses sœurs, les planètes errant dans l’infini. Sache que tous ces mondes, habités par d’autres sociétés humaines, s’agitent, s’éloignent, se rapprochent ébranlés par des vitesses diverses, parcourant des orbes immenses ; que partout le mouvement, l’activité, la vie, se montrent en un spectacle grandiose. Observe notre globe lui-même, cette Terre, notre mère, laquelle semble nous dire : Votre chair est la mienne ; vous êtes mes enfants. Observe-là, cette grande nourrice de l’humanité ; vois l’harmonie de ses contours, ses continents, au sein desquels les nations ont germe et grandi, ses vastes océans toujours mobiles ; suis le renouvellement des saisons la revêtant tour à tour de vertes parures ou de blondes moissons ; contemple les végétaux, les êtres vivants qui la peuplent : oiseaux, insectes, plantes et fleurs ; chacune de ces choses est une ciselure merveilleuse, un bijou de l’écrin divin. Observe-toi toi-même ; vois le jeu admirable de tes organes, le mécanisme merveilleux et compliqué de tes sens. Quel génie humain pourrait imiter ces chefs-d’œuvre délicats : l’œil et l’oreille ?

Considère toutes ces choses et demande à ta raison, à ton jugement, si tant de beauté, de splendeur, d’harmonie, peuvent résulter du hasard, ou si ce n’est pas plutôt une cause intelligente qui préside à l’ordre du monde et à l’évolution de la vie. Et si tu m’objectes les fléaux, les catastrophes, tout ce qui vient troubler cet ordre admirable, je te répondrai : Scrute les problèmes de la nature ; ne t’arrête pas à la surface, descends au fond des choses et tu découvriras avec étonnement que des apparentes contradictions ne font que confirmer l’harmonie générale, qu’elles sont utiles au progrès des êtres, qui est l’unique but de l’existence.

Si Dieu a fait le monde, ripostent triomphalement certains matérialistes, qui donc a fait Dieu ? Cette objection n’a pas de sens. Dieu n’est pas un être s’ajoutant à la série des êtres. Il est l’Être universel, sans limites dans le temps et dans l’espace, par conséquent infini, éternel. Il ne peut y avoir aucun être au-dessus ni à côté de lui. Dieu est la source et le principe de toute vie. C’est par lui que se relient, s’unissent, s’harmonisent toutes les forces individuelles, sans lui isolées et divergentes. Abandonnées à elles-mêmes, n’étant pas régies par une loi, une volonté supérieure, ces forces n’auraient produit que confusion et chaos. L’existence d’un plan général, d’un but commun, auxquels participent toutes les puissances de l’univers prouve l’existence d’une cause, d’une intelligence suprême, qui est Dieu.


V

LES VIES SUCCESSIVES


Nous avons dit qu’afin d’éclairer son avenir, l’homme devait avant tout apprendre à se connaître. Pour marcher d’un pas assuré, il faut savoir où l’on va. C’est en conformant ses actes aux lois supérieures, que l’homme travaillera efficacement à son amélioration, à celle du milieu social. L’important est de discerner ces lois, de déterminer les devoirs qu’elles nous imposent, de prévoir les conséquences de nos actions.

Le jour où il sera pénétré de la grandeur de son rôle, l’être humain saura mieux se détacher de ce qui l’amoindrit et l’abaisse ; il saura se gouverner d’après la sagesse, préparer par ses efforts l’union féconde des hommes en une grande famille de frères.

Mais que nous sommes loin de cet état de choses ! Quoique l’humanité avance dans la voie du progrès, on peut dire cependant que l’immense majorité de ses membres marche à travers la vie comme au milieu d’une nuit obscure, s’ignorant elle-même, ne sachant rien du but réel de l’existence.

D’épaisses ténèbres voilent la raison humaine. Les rayons de la vérité n’arrivent à elle que pâles, affaiblis, impuissants à éclairer les routes sinueuses que suivent les innombrables légions en marche, impuissants à faire resplendir à leurs yeux le but idéal et lointain.

Ignorant de ses destins, flottant sans cesse du préjugé à l’erreur, l’homme maudit parfois la vie. Pliant sous son fardeau, il rejette sur ses semblables la cause des épreuves qu’il endure et qu’engendre trop souvent son imprévoyance. Révolté contre Dieu, qu’il accuse d’injustice, il arrive même quelquefois, dans sa folie et son désespoir, à déserter le combat salutaire, la lutte qui, seule, peut fortifier son âme, éclairer son jugement, le préparer à des travaux d’un ordre plus élevé.

Pourquoi en est-il ainsi ? Pourquoi l’homme descend-il faible et désarmé dans la grande arène où se livre sans trêve, sans relâche, l’éternelle et gigantesque bataille ? C’est que ce globe de la Terre n’est qu’un degré inférieur de l’échelle des mondes. Il n’y réside guère que des esprits enfants, c’est-à-dire des âmes nées depuis peu à la raison. La matière trône en souveraine sur notre monde. Elle nous courbe sous son joug, limite nos facultés, arrête nos élans vers le bien, nos aspirations vers l’idéal.

Aussi, pour discerner le pourquoi de la vie, pour entrevoir la loi suprême qui régit les âmes et les mondes, faut-il savoir s’affranchir de ces lourdes influences, se dégager des préoccupations d’ordre matériel, de toutes ces choses passagères et changeantes qui encombrent notre esprit, obscurcissant nos jugements. C’est en nous élevant par la pensée au-dessus des horizons de la vie, en faisant abstraction du temps et du lieu, en planant en quelque sorte au-dessus des détails de l’existence, que nous apercevrons la vérité.

Par un effort de volonté, abandonnons un instant la Terre, gravissons ces hauteurs imposantes. De leur sommet se déroulera pour nous l’immense panorama des âges sans nombre et des espaces sans limites. De même que le soldat, perdu dans la mêlée, ne voit que confusion autour de lui, tandis que le général, dont le regard embrasse toutes les péripéties de la bataille, en suppute et en prévoit les résultats ; de même que le voyageur, égaré dans les replis du terrain peut, en gravissant la montagne, les voir se fondre en un plan grandiose ; ainsi l’âme humaine, de ces cimes où elle plane, loin des bruits de la terre, loin des bas-fonds obscurs, découvre l’harmonie universelle. Ce qui d’en bas lui paraissait contradictoire, inexplicable et injuste, vu d’en haut, se relie, s’éclaire ; les sinuosités du chemin se redressent ; tout s’unit, s’enchaîne ; à l’esprit ébloui apparaît l’ordre majestueux qui règle le cours des existences et la marche des univers.

De ces hauteurs illuminées, la vie n’est plus à nos yeux, comme elle l’est à ceux de la foule, la poursuite vaine de satisfactions éphémères, mais un moyen de perfectionnement intellectuel, d’élévation morale ; une école où s’apprennent la douceur, la patience, le devoir. Et cette vie, pour être efficace, ne peut être isolée. Hors de ses limites, avant la naissance et après la mort, nous voyons, dans une sorte de pénombre, se dérouler une multitude d’existences à travers lesquelles, au prix du travail et de la souffrance, nous avons conquis pièce à pièce, lambeau par lambeau, le peu de savoir et de qualités que nous possédons ; par elles également nous conquerrons ce qui nous manque : une raison parfaite, une science sans lacunes, un amour infini pour tout ce qui vit.

L’immortalité, semblable à une chaîne sans fin, se déroule pour chacun de nous dans l’immensité des temps. Chaque existence est un chaînon qui se relie en arrière et en avant à un chaînon distinct, à une vie différente, mais solidaire des autres. L’avenir est la conséquence du passé. De degré en degré, l’être s’élève et grandit. Artisan de ses propres destinées, l’âme humaine, libre et responsable, choisit sa route ; et, si cette route est mauvaise, les chutes qu’elle y fera, les cailloux et les ronces qui la déchireront, auront pour effet de développer son expérience, d’éclairer sa raison naissante.


VI

JUSTICE ET PROGRÈS


La loi supérieure de l’univers, c’est le progrès incessant, l’ascension des êtres vers Dieu, foyer des perfections. Des profondeurs de l’abîme, des formes les plus rudimentaires de la vie, par une route infinie, à l’aide de transformations sans nombre, nous nous rapprochons de Lui. Au fond de chaque âme est déposé le germe de toutes les facultés, de toutes les puissances ; c’est à elle de les faire éclore par ses efforts et ses travaux. Envisagé sous cet aspect, notre avancement, notre bonheur à venir est notre œuvre. La grâce n’a plus raison d’être. La justice rayonne sur le monde ; car, si tous nous avons lutté et souffert, tous nous serons sauvés.

De même se révèle ici dans toute sa grandeur le rôle de la douleur, son utilité pour l’avancement des êtres. Chaque globe roulant dans l’espace est un vaste atelier où la substance spirituelle est incessamment travaillée. Ainsi qu’un minerai grossier, sous l’action du feu et des eaux, se change peu à peu en un pur métal, ainsi l’âme humaine, sous les lourds marteaux de la douleur, se transforme et se fortifie. C’est au milieu des épreuves que se trempent les grands caractères. La douleur est la purification suprême, la fournaise où fondent tous les éléments impurs qui nous souillent : l’orgueil, l’égoïsme, l’indifférence. C’est la seule école où s’affinent les sensations, où s’apprennent la pitié, la résignation stoïque. Les jouissances sensuelles, en nous attachant à la matière, retardent notre élévation, tandis que le sacrifice, l’abnégation, nous dégagent par anticipation de cette épaisse gangue, nous préparent à de nouvelles étapes à une ascension plus haute. L’âme, purifiée, sanctifiée par les épreuves, voit cesser des incarnations douloureuses. Elle quitte à jamais les globes matériels et s’élève sur l’échelle magnifique des mondes heureux. Elle parcourt le champ sans bornes des espaces et des âges. A chaque conquête sur ses passions, à chaque pas en avant, elle voit ses horizons s’élargir et sa sphère d’action s’accroître ; elle perçoit de plus en plus distinctement la grande harmonie des lois et des choses, y participe d’une manière plus étroite, plus effective. Alors le temps s’efface pour elle ; les siècles s’écoulent comme des secondes. Unie à ses sœurs, compagnes de l’éternel voyage, elle poursuit son ascension intellectuelle et morale au sein d’une lumière toujours grandissante.

De nos observations et de nos recherches se dégage ainsi une grande loi : la pluralité des existences de l’âme. Nous avons vécu avant la naissance, et nous revivrons après la mort. Cette loi donne la clé de problèmes jusqu’ici insolubles. Elle seule explique l’inégalité des conditions, la variété infinie des aptitudes et des caractères. Nous avons connu ou nous connaîtrons successivement toutes les phases de la vie terrestre, nous traverserons tous les milieux. Dans le passé, nous étions comme ces sauvages qui peuplent les continents attardés ; dans l’avenir, nous pourrons nous élever à la hauteur des génies immortels, des esprits géants qui, semblables à des phares lumineux, éclairent la marche de l’humanité. L’histoire de celle-ci est notre histoire. Avec elle, nous avons parcouru les voies ardues, subi les évolutions séculaires que relatent les annales des nations. Le temps et le travail : voilà les éléments de nos progrès.

Cette loi de la réincarnation montre d’une manière éclatante la souveraine justice régnant sur tous les êtres. Tour à tour nous forgeons et nous brisons nous-mêmes nos chaînes. Les épreuves effrayantes dont souffrent certains d’entre nous sont la conséquence de leur conduite passée. Le despote renaît esclave ; la femme altière, vaniteuse de sa beauté, reprendra un corps infirme, souffreteux ; l’oisif reviendra mercenaire, courbé sous une tâche ingrate. Celui qui a fait souffrir souffrira à son tour. Inutile de chercher l’enfer dans des régions inconnues et lointaines, l’enfer est en nous ; il se cache dans les replis ignorés de l’âme coupable, dont l’expiation seule peut faire cesser les douleurs. Il n’est pas de peines éternelles.

Mais, dira-t-on, si d’autres vies ont précédé la naissance, pourquoi en avons-nous perdu le souvenir ? Comment pourrions-nous expier avec fruit des fautes oubliées ?

Le souvenir ! ne serait-ce pas un lourd boulet attaché à nos pieds ? Sortant à peine des âges de fureur et de bestialité, qu’a dû être ce passé de chacun de nous ? À travers les étapes franchies, que de larmes versées, que de sang répandu par notre fait ! Nous avons connu la haine et pratiqué l’injustice. Quel fardeau moral que cette longue perspective de fautes pour un esprit encore débile et chancelant !

Et puis, le souvenir de notre propre passé ne serait-il pas lié d’une manière intime au souvenir du passé des autres ? Quelle situation pour le coupable, marqué au fer rouge pour l’éternité ! Par la même raison, les haines, les erreurs se perpétueraient, creusant des divisions profondes, ineffaçables au sein de cette humanité déjà si déchirée. Dieu a bien fait d’effacer de nos faibles cerveaux le souvenir d’un passé redoutable. Après avoir bu les eaux du Léthé, nous renaissons à une vie nouvelle. Une éducation différente, une civilisation plus large font évanouir les chimères qui hantèrent autrefois notre esprit. Allégés de ce bagage encombrant nous avançons d’un pas plus rapide dans les voies qui nous sont ouvertes.

Cependant, ce passé n’est pas tellement effacé que nous ne puissions en entrevoir quelques vestiges. Si, nous dégageant des influences extérieures, nous descendons au fond de notre être ; si nous analysons avec soin nos goûts, nos aspirations, nous découvrirons des choses que rien dans notre existence actuelle et avec l’éducation reçue ne peut expliquer. Partant de là, nous arrivons à reconstituer ce passé, sinon dans ses détails, au moins dans ses grandes lignes. Quant aux fautes entraînant dans cette vie une expiation nécessaire, quoiqu’elles soient effacées momentanément à nos yeux, leur cause première n’en subsiste pas moins, toujours visible, c’est-à-dire nos passions et notre caractère fougueux que de nouvelles incarnations ont pour but de dompter, d’assouplir.

Ainsi donc, si nous laissons sous les péristyles de la vie les plus dangereux souvenirs, nous apportons du moins avec nous les fruits et les conséquences des travaux accomplis, c’est-à-dire une conscience, un jugement, un caractère tels que nous les avons façonnés nous-mêmes. L’innéité n’est autre chose que l’héritage intellectuel et moral que nous lèguent les vies évanouies.

Et chaque fois que s’ouvrent pour nous les portes de la mort ; lorsque, affranchie du joug matériel, notre âme s’échappe de sa prison de chair pour rentrer dans l’empire des Esprits, alors le passé reparaît peu à peu tout entier devant elle. L’une après l’autre, sur la route suivie, elle revoit ses existences, les chutes, les haltes, les marches rapides. Elle se juge elle-même en mesurant le chemin parcouru. Dans le spectacle de ses hontes ou de ses mérites, étalés devant elle, elle trouve son châtiment ou sa récompense.

Le but de la vie étant le perfectionnement intellectuel et moral de l’être, quelle condition, quel milieu nous conviennent le mieux pour réaliser ce but ? L’homme peut travailler à ce perfectionnement dans toutes les conditions, tous les milieux sociaux ; cependant, il y réussira plus facilement dans certaines conditions déterminées.

La richesse procure à l’homme de puissants moyens d’étude ; elle lui permet de donner à son esprit une culture plus développée et plus parfaite ; elle met entre ses mains des facilités plus grandes de soulager ses frères malheureux, de participer, en vue de l’amélioration de leur sort à des fondations utiles. Mais ils sont rares ceux qui considèrent comme un devoir de travailler au soulagement de la misère, à l’instruction et à l’amélioration de leurs semblables.

La richesse dessèche trop souvent le cœur humain ; elle éteint cette flamme intérieure, cet amour du progrès et des améliorations sociales qui réchauffe toute âme généreuse ; elle élève une barrière entre les puissants et les humbles ; elle fait vivre dans une sphère que n’atteignent pas les déshérités de ce monde et où, par conséquent, les besoins, les maux de ceux-ci sont ignorés, méconnus.

La misère a aussi ses effroyables dangers : la dégradation des caractères, le désespoir, le suicide. Mais tandis que la richesse nous rend indifférents, égoïstes, la pauvreté, en nous rapprochant des humbles, nous fait compatir à leur douleur. Il faut avoir souffert soi-même pour apprécier les souffrances d’autrui. Alors que les puissants, au sein des honneurs, se jalousent entre eux et cherchent à rivaliser d’éclat, les petits, rapprochés par le besoin, vivent parfois dans une touchante confraternité.

Voyez les oiseaux de nos climats pendant les mois d’hiver, lorsque le ciel est sombre, que la terre est couverte d’un blanc manteau de neige ; serrés les uns contre les autres, au bord d’un toit, ils se réchauffent mutuellement en silence. La nécessité les unit. Mais viennent les beaux jours, le soleil resplendissant, la provende abondante ; ils piaillent à qui mieux mieux, se poursuivent, se battent, se déchirent. Ainsi est l’homme. Doux, affectueux pour ses semblables dans les jours de tristesse, la possession des biens matériels le rend trop souvent oublieux et dur.

Une condition modeste conviendra mieux à l’esprit désireux de progresser, d’acquérir les vertus nécessaires à son ascension morale. Loin du tourbillon des plaisirs menteurs, il jugera mieux la vie. Il demandera à la matière ce qui est nécessaire à la conservation de ses organes ; mais il évitera de tomber dans des habitudes pernicieuses, de devenir la proie des innombrables besoins factices qui sont les fléaux de l’humanité. Il sera sobre et laborieux, se contentant de peu, s’attachant par-dessus tout aux plaisirs de l’intelligence et aux joies du cœur.

Ainsi fortifié contre les assauts de la matière, le sage, sous la pure lumière de la raison, verra resplendir ses destinées. Éclairé sur le but de la vie et le pourquoi des choses, il restera ferme, résigné devant la douleur ; il saura la faire servir à son épuration, à son avancement. Il affrontera l’épreuve avec courage, sachant que l’épreuve est salutaire, qu’elle est le choc qui déchire nos âmes, et que, par cette déchirure seule, peut s’épancher le fiel qui est en nous. Et si les hommes se rient de lui, s’il est victime de l’injustice et de l’intrigue, il apprendra à supporter patiemment ses maux en reportant ses regards vers nos frères aînés, vers Socrate buvant la ciguë, vers Jésus en croix, vers Jeanne au bûcher. Il se consolera dans la pensée que les plus grands, les plus vertueux les plus dignes, ont souffert et sont morts pour l’humanité.

Et quand enfin, après une existence bien remplie, viendra l’heure solennelle, c’est avec calme, c’est sans regret qu’il accueillera la mort ; la mort, que les humains entourent d’un sinistre appareil ; la mort, épouvante des puissants et des sensuels, et qui, pour le penseur austère, n’est que la délivrance, l’heure de la transformation, la porte qui s’ouvre sur l’empire lumineux des Esprits.

Ce seuil des régions supra-terrestres, il le franchira avec sérénité. Sa conscience, dégagée des ombres matérielles, se dressera devant lui comme un juge, représentant de Dieu, lui demandant : Qu’as-tu fait de la vie ? Et il répondra : J’ai lutté, j’ai souffert, j’ai aimé ; j’ai enseigné le bien, la vérité, la justice ; j’ai donné à mes frères l’exemple de la droiture, de la douceur ; j’ai soulagé ceux qui souffrent, consolé ceux qui pleurent. Et maintenant, que L’Éternel me juge, me voici entre ses mains !…


VII

LE BUT SUPRÊME


Homme, mon frère, aie foi en ta destinée, car elle est grande. Tu es né avec des facultés incultes, des aspirations infinies, et l’éternité t’est donnée pour développer les unes et satisfaire les autres. Grandir de vie en vie, t’éclairer par l’étude, te purifier par la douleur, acquérir une science toujours plus vaste, des qualités toujours plus nobles : voilà ce qui t’est réservé. Dieu a fait plus encore pour toi. Il t’a donné les moyens de collaborer à son œuvre immense ; de participer à la loi du progrès sans bornes, en ouvrant des voies nouvelles à tes semblables, en élevant tes frères, en les attirant à toi, en les initiant aux splendeurs du vrai et du beau, aux sublimes harmonies de l’univers. N’est-ce pas là créer, transformer âmes et mondes ? Et ce travail gigantesque, fertile en jouissances, n’est-il pas préférable à un repos morne et stérile ? Collaborer avec Dieu ! réaliser en tout et partout le bien, la justice ! quoi de plus grand, de plus digne de ton esprit immortel !

Élève donc ton regard et embrasse les vastes perspectives de ton avenir sans fin. Puise dans ce spectacle l’énergie nécessaire pour affronter les vents et les orages du monde. Marche, vaillant lutteur, gravis la pente qui conduit à ces cimes qu’on appelle vertu, devoir, sacrifice. Ne t’arrête pas en chemin à cueillir les fleurettes du buisson, à jouer avec les cailloux dorés. En avant ! toujours en avant !

Vois-tu dans les cieux splendides ces astres flamboyants, ces soleils innombrables entraînant dans leurs évolutions prodigieuses de brillants cortèges de planètes. Que de siècles accumulés n’a-t-il pas fallu pour les former ! Que de siècles ne faudra-t-il pas pour les dissoudre ! Eh bien, un jour viendra où tous ces feux seront éteints, ou ces mondes gigantesques s’évanouiront pour faire place à des globes nouveaux, à d’autres familles d’astres émergeant des profondeurs. Rien de ce que tu vois aujourd’hui ne sera plus. Le vent des espaces aura à jamais balayé la poussière de ces mondes usés ; mais toi, tu vivras toujours, poursuivant ta marche éternelle au sein d’une création sans cesse renouvelée. Que seront alors pour ton âme épurée, agrandie, les ombres et les soucis du présent ? Accidents éphémères de notre course, ils ne laisseront plus au fond de notre mémoire que de tristes ou de doux souvenirs. Devant les horizons infinis de l’immortalité, les maux du présent, les épreuves subies seront comme un nuage fugitif au milieu d’un ciel serein.

Mesure donc à leur juste valeur les choses de la terre. Ne les dédaigne pas sans doute, car elles sont nécessaires à ton progrès, et ta mission est de contribuer à leur perfectionnement en te perfectionnant toi-même ; mais n’y attache pas exclusivement ton âme et recherche avant tout les enseignements qu’elles contiennent. Grâce à eux, tu comprendras que le but de la vie n’est ni la jouissance, ni le bonheur, mais le développement, au moyen du travail, de l’étude, et de l’accomplissement du devoir, de cette âme, de cette personnalité que tu retrouveras au-delà de la tombe telle que tu l’auras façonnée toi-même dans le cours de ton existence terrestre.


VIII

PREUVES EXPÉRIMENTALES


La solution que nous venons de donner des problèmes de la vie est basée sur la plus rigoureuse logique. Elle est conforme aux croyances des plus grands génies de l’Antiquité, aux enseignements de Socrate, de Platon, d’Origène ; à ceux des Druides, dont les profondes vues, aujourd’hui reconstituées par l’histoire, confondent l’esprit humain, à vingt siècles de distance. Elle forme le fond des philosophies de l’Orient et a inspiré des œuvres et des actes sublimes. C’est en elle que nos pères les Gaulois puisaient leur indomptable courage, leur mépris de la mort. Dans les temps modernes, elle a été professée par Jean Reynaud, Henri Martin, Esquiros, Pierre Leroux, Victor Hugo, etc.

Cependant, malgré leur caractère absolument rationnel, malgré l’autorité des traditions sur lesquelles elles reposent, ces conceptions seraient qualifiées de pures hypothèses et reléguées dans le domaine de l’imagination, si nous ne pouvions les asseoir sur une base inébranlable, sur des expériences directes, sensibles, à la portée de tous.

L’esprit humain, fatigué des théories et des systèmes, devant toute affirmation nouvelle, réclame aujourd’hui des preuves. Ces preuves de l’existence de l’âme, de son immortalité, le spiritualisme expérimental nous les apporte, matérielles, évidentes. Il suffit d’observer froidement, sérieusement, d’étudier avec persévérance les phénomènes dits spirites, pour se convaincre de leur réalité, de leur importance ; pour sentir quelles conséquences immenses ils auront, au point de vue des transformations sociales, en apportant une base positive, un solide point d’appui aux lois morales, à l’idéal de justice sans lesquels aucune civilisation ne peut s’accroître.

Les âmes des morts se révèlent aux humains. Elles manifestent leur présence, s’entretiennent avec nous, nous initient aux mystères des vies renaissantes, aux splendeurs de cet avenir qui sera le nôtre.

C’est là un fait réel, trop peu connu et trop souvent contesté. Les expériences du nouveau spiritualisme ont été accueillies par le sarcasme, et tous ceux qui s’en sont occupés au début ont été bafoués, ridiculisés, considérés comme des fous.

Tel a été de tout temps le sort des idées nouvelles, l’accueil réservé aux grandes découvertes. On a considéré comme trivial l’usage des tables tournantes ; mais les plus grandes lois de l’univers, les plus puissantes forces de la nature, ne se sont pas révélées d’une manière plus imposante. N’est-ce pas grâce aux expériences faites sur des grenouilles que l’électricité a été découverte ? La chute d’une pomme démontrait l’attraction universelle, et l’ébullition d’une marmite, l’action de la vapeur. Quant à être taxés de folie, les spirites partagent sur ce point le sort de Salomon de Caus, d’Harvey, et de tant d’autres hommes de génie.

Chose digne de remarque : la plupart de ceux qui critiquent passionnément ces phénomènes ne les ont ni observés ni étudiés, et, dans le nombre de ceux qui les connaissent et en affirment l’existence, on compte les plus grands savants de l’époque. Tels sont, parmi ces derniers, en Angleterre : W. Crookes, membre de la Société royale de Londres, chimiste éminent à qui on doit la découverte de la matière radiante ; Russel Wallace, l’émule de Darwin ; Warley, ingénieur en chef des télégraphes ; En Amérique, le jurisconsulte Edmonds, Président du Sénat ; le professeur Mapes, de l’Académie nationale ; en Allemagne : l’illustre astronome Zoellner ; les professeurs Ulrici, Weber, Fechner, de l’université de Lepzig ; en France : Camille Flammarion, le docteur Paul Gibier, élève de Pasteur, Vacquerie Eug. Nus, C. Fauvety, etc. En Italie le célèbre professeur Lombroso après avoir longtemps contesté la possibilité des faits spirites, vient, après étude, d’en reconnaître publiquement la réalité (septembre 1891). Que l’on dise de quel côté sont les garanties d’examen sérieux, de mûre réflexion ? Galilée, à ceux qui niaient le mouvement de la Terre répondait : « E pur si muove ! » Crookes se prononce ainsi au sujet des faits spirites : « Je ne dis pas que cela peut-être, je dis que cela est. » La vérité, qualifiée d’utopie au début, finit toujours par prévaloir.

Constatons cependant que l’attitude de la presse à l’égard de ces phénomènes s’est sensiblement modifiée. On ne raille, on ne ridiculise plus ; on entrevoit qu’il y a là quelque chose de grave. Les grands journaux parisiens, Le Rappel, le Figaro, le Gil Blas, etc., publient fréquemment de sérieux articles sur ces matières. La doctrine du spiritualisme expérimental se répand dans le monde avec une rapidité prodigieuse. Aux États-Unis, ses adeptes se comptent par millions ; l’Europe occidentale est entamée, et jusque dans les milieux les plus reculés, en Espagne, en Russie, des sociétés d’investigation se fondent, de nombreuses publications apparaissent. Une société de « Recherches psychiques » vient d’être fondée à Paris, par le professeur Ch. Richet, et le colonel de Rochas, administrateur de l’École polytechnique, pour l’étude expérimentale des faits spirites.

Le concours de sujets particulièrement doués est indispensable pour l’obtention des phénomènes psychiques. Les Esprits ne peuvent agir sur les corps matériels et frapper nos sens sans une provision de fluide vital qu’ils empruntent à ces sujets appelés médiums. Tout le monde possède des rudiments de médiumnité, qui se développe par le travail et l’exercice.

L’âme, dans son existence d’outre-tombe, n’est pas dépourvue de forme. Elle possède un corps fluidique, de matière vaporeuse, quintessenciée, qui revêt toutes les apparences du corps humain et que l’on nomme périsprit. Le périsprit est préexistant et survivant au corps matériel. C’est en lui que s’emmagasinent et s’accumulent toutes les acquisition intellectuelles et les souvenirs de l’être. Il constite un organisme subtil, et c’est par son action sur le fluide vital des médiums que l’Esprit se manifeste aux humains, fait entendre des coups, déplace des objets, correspond avec nous par des signes de convention. Dans certains cas, il peut même se rendre visible, tangible, produire de l’écriture directe, des messages. Tous ces faits ont été observés des milliers de fois par les savants que nous avons désignés, et par des personnes de tout rang, de tout âge et de tous pays. Ils prouvent expérimentalement l’existence, autour de nous, d’un monde invisible, peuplé des âmes qui ont quitté la Terre, parmi lesquelles se trouvent celles que nous avons connues, aimées et que nous rejoindrons un jour. Ce sont elles qui nous enseignent la philosophie consolante et grandiose dont nous avons esquissé plus haut les traits essentiels.

Et que l’on sache bien que ces manifestations, considérées, par tant d’hommes — sous l’empire des préjugés étroits — comme étranges, anormales, impossibles, ces manifestations ont toujours existé. Des rapports continus ont uni le monde des Esprits au monde des vivants. L’histoire en fait foi. L’apparition de Samuel à Saül, le génie familier de Socrate, ceux du Tasse, les voix de Jeanne d’Arc, tant d’autres faits analogues, procèdent des mêmes causes. Seulement, ce que l’on considérait autrefois comme surnaturel se présente aujourd’hui avec un caractère rationnel, comme un ensemble de faits régis par des lois rigoureuses, dont l’étude fait naître en nous une conviction profonde, éclairée. Ces faits, on le voit, loin d’être méprisables, constituent une des plus grandes révolutions intellectuelles et morales qui se soient produites dans l’histoire du globe. Ils sont le plus sérieux argument que l’on puisse opposer au matérialisme. La certitude de revivre au delà du tombeau, dans la plénitude de nos facultés et de notre conscience, fait perdre à la mort son épouvantail. La connaissance des situations heureuses ou pénibles faites aux Esprits par leurs bonnes ou leurs mauvaises actions est une puissante sanction morale. La perspective des progrès infinis, des conquêtes intellectuelles, qui attendent tous les êtres et les portent vers des destinées communes, peut seule rapprocher les hommes, les unir par des liens fraternels. La doctrine du spiritualisme expérimental est la seule philosophie positive qui réponde aux besoins moraux de l’humanité.


IX

RÉSUME ET CONCLUSION


En résumé, les principes qui découlent du Nouveau Spiritualisme, — principes enseignés par les Esprits désincarnés, beaucoup mieux placés que nous pour discerner la vérité — sont les suivants :

Existence de Dieu, intelligence directrice, loi vivante, âme de l’univers, unité suprême où viennent aboutir et s’harmoniser tous les rapports, foyer immense des perfections d’où rayonnent et se répandent dans l’infini toutes les puissances morales : Justice, Sagesse, Amour !

Immortalité de l’âme, essence spirituelle qui renferme à l’état de germe toutes les facultés toutes les puissances ; est destinée à les développer par ses travaux, en s’incarnant sur les mondes matériels, en s’élevant par des vies successives et innombrables, de degrés en degrés, depuis les formes inférieures et rudimentaires jusqu’à la perfection dans la plénitude de l’existence.

Communion des vivants et des morts ; action réciproque des uns sur les autres ; permanence des rapports entre les deux mondes ; solidarité de tous les êtres, identiques dans leur origine et dans leurs fins, différents seulement par leur situation transitoire ; les uns à l’état d’Esprits, libres dans l’espace, les autres revêtus d’une enveloppe périssable, mais passant alternativement d’un état à l’autre, la mort n’étant qu’un temps de repos entre deux existences terrestres.

Progrès infini, Justice Éternelle, Sanction morale ; l’âme, libre de ses actes et responsable, crée elle-même son avenir ; suivant son état moral, les fluides grossiers ou subtils qui composent son périsprit et qu’elle a attirés à elle par ses habitudes et ses tendances, ces fluides, soumis à la loi universelle d’attraction et de pesanteur, l’entraînent vers les globes inférieurs, vers les mondes de douleur où elle souffre, expie, rachète le passé, ou bien la portent vers les sphères heureuses où la matière a moins d’empire, où règnent l’harmonie, la félicité ; l’âme, dans sa vie supérieure et parfaite, collabore avec Dieu, forme les mondes, dirige leurs évolutions, veille au progrès des humanités, à l’accomplissement des lois éternelles.

Tels sont les enseignements que le Spiritualisme expérimental nous apporte. Ils ne sont autres que ceux du Christianisme primitif, dégagé des formes d’un culte matériel, dépouillé des dogmes, des fausses interprétations, des erreurs sous lesquels les hommes ont voilé, rendu méconnaissable la philosophie du Christ.

La nouvelle doctrine, en révélant l’existence d’un monde occulte, invisible, aussi réel, aussi vivant que le nôtre, ouvre à la pensée humaine des horizons devant lesquels celle-ci hésite encore, interdite, éblouie. Mais les rapports que cette révélation facilite entre les morts et nous, les consolations, les encouragements qui en découlent, la certitude de retrouver tous ceux que nous croyions à jamais perdus, de recevoir d’eux les suprêmes enseignements, tout cela constitue un ensemble de forces incalculables, de ressources morales que l’homme ne saurait méconnaître ou dédaigner sans danger pour lui.

Cependant, malgré la haute valeur de cette doctrine, l’homme du siècle, profondément sceptique, engourdi dans ses préjugés, n’y aurait guère pris garde si des faits n’étaient venus les appuyer. Pour frapper l’esprit humain, superficiel, indifférent, il fallait des manifestations matérielles, bruyantes. C’est pourquoi, vers 1850 et dans divers milieux, des meubles de toutes formes se mirent en branle, des murailles retentirent de coups sonores, des corps lourds se déplacèrent, contrairement aux lois physiques connues ; mais, après cette première phase grossière, les phénomènes spirites devinrent de plus en plus intelligents. Les faits d’ordre psychique (du grec psuché, âme) succédèrent aux manifestations physiques ; des médiums, écrivains, orateurs, somnambules, guérisseurs, se révélèrent, recevant mécaniquement ou intuitivement des inspirations dont la cause était en dehors d’eux ; des apparitions visibles et tangibles se produisirent, et l’existence des Esprits devint incontestable pour tous les observateurs que n’aveuglait pas le parti pris.

Ainsi apparut à l’humanité la nouvelle croyance, appuyée d’une part sur les traditions du passé, sur l’universalité de principes que l’on trouve à la source de toutes les religions et de la plupart des philosophies, de l’autre sur d’innombrables témoignages psychologiques, sur des faits observés en tous pays par des hommes de toutes conditions.

Chose remarquable, cette science, cette philosophie nouvelle, simple et accessible à tous, libre de tout appareil ou forme de culte, cette science arrive à l’heure précise où les croyances vieillies s’affaiblissent et s’écroulent ; où le sensualisme s’étend comme une plaie immense ; à l’heure où les mœurs se corrompent, où les liens sociaux se relâchent ; où le vieux monde erre à l’aventure, sans frein, sans idéal, sans loi morale, comme un navire privé de gouvernail flotte au gré des vents.

Tout homme qui observe et réfléchit ne peut se dissimuler que la société moderne traverse une crise redoutable. Une profonde décomposition la ronge sourdement. L’amour du lucre, le désir des jouissances, deviennent de jour en jour plus âpres, plus ardents. On veut posséder à tout prix. Tous moyens sont bons pour acquérir le bien-être, la fortune, seul but que l’on juge digne de la vie. De telles aspirations ne peuvent produire que deux conséquences : l’égoïsme impitoyable chez les heureux, la haine et le désespoir chez les infortunés. La situation des petits, des humbles est douloureuse ; et trop souvent ceux-ci, plongés dans une nuit morale où pas une consolation ne luit, cherchent dans le suicide la fin de leurs maux. Par une progression graduelle, le nombre de suicides, qui était de 1 500 en 1830 pour la France, s’est élevé annuellement à plus de 8 000.

Le spectacle des inégalités sociales, les souffrances des uns opposées aux apparentes joies, aux satisfactions sensuelles, à l’indifférence des autres, ce spectacle attise au cœur des déshérités un ardent foyer de haine. Déjà la revendication des biens matériels s’accentue. Que les masses profondes s’organisent, se lèvent, et le vieux monde peut être ébranlé par d’effrayantes convulsions.

La science est impuissante à conjurer le mal, à relever les caractères, à panser les blessures des combattants de la vie. En réalité, il n’y a guère à notre époque que des sciences spéciales à certains côtés de la nature, rassemblant des faits, apportant à l’esprit humain une somme de connaissances qui leur est propre. C’est ainsi que les sciences physiques se sont prodigieusement enrichies depuis un demi-siècle, mais ces constructions éparses manquent de lien, d’unité, d’harmonie. La science par excellence, celle qui de la série des faits, remontera à la cause qui les produit, celle qui doit relier, unir ces sciences diverses en une grande et magnifique synthèse, en faire jaillir une conception générale de la vie, fixer nos destinées, en dégager une loi morale, une base d’amélioration sociale, cette science universelle, indispensable, n’existe pas encore.

Si les religions agonisent, si la foi vieillie se meurt, si la science est impuissante à fournir à l’homme l’idéal nécessaire, à régler sa marche, à améliorer les sociétés, tout sera-t-il désespéré ?

Non ; car une doctrine de paix, de fraternité, de progrès se lève sur ce monde troublé, vient apaiser les haines sauvages, calmer les passions, enseigner à tous la solidarité, le pardon, la bonté.

Elle offre à la science cette synthèse attendue sans laquelle celle-ci resterait à jamais stérile. Elle triomphe de la mort et, par delà cette vie d’épreuves et de maux, ouvre à l’esprit les perspectives radieuses d’un progrès sans bornes dans l’immortalité.

Elle dit à tous : Venez à moi, je vous réchaufferai, je vous consolerai ; je vous rendrai la vie plus douce, le courage et la patience plus faciles, les épreuves plus supportables. J’éclairerai d’un puissant rayon votre obscur et tortueux chemin. À ceux qui souffrent, je donne l’espérance ; à ceux qui cherchent, la lumière ; à ceux qui doutent et désespèrent, la certitude et la foi.

Elle dit à tous : Soyez frères, aidez-vous, soutenez-vous dans votre marche collective. Votre but est plus loin que cette vie matérielle et transitoire ; il est dans cet avenir spirituel qui vous réunira tous comme membres d’une seule famille, à l’abri des soucis, des besoins et des maux sans nombre. Méritez-le donc par vos efforts et vos travaux !

L’humanité se relèvera grande et forte le jour où cette doctrine, source infinie de consolations, sera comprise et acceptée. Ce jour-là, l’envie et la haine s’éteindront au cœur des petits ; le puissant, sachant qu’il a été faible, et qu’il peut le redevenir, que sa richesse n’est qu’un prêt d’en haut, deviendra plus secourable, plus doux pour ses frères malheureux. La science, complétée, fécondée par la philosophie nouvelle, chassera devant elle les superstitions, les ténèbres. Plus d’athées, de sceptiques. Une foi simple, large, fraternelle, s’étendra sur les nations, fera cesser leurs ressentiments, leurs rivalités profondes. La Terre, débarrassée des fléaux qui la dévorent, poursuivant son ascension morale, s’élèvera d’un degré dans l’échelle des mondes.



Méthode recommandée aux Investigateurs sur la manière de communiquer avec les Esprits, d’après Stainton Moses (Oxon).
(Traduit du Ligth, de Londres.)


Pour savoir si la communication avec les Esprits est une vérité ou une erreur, le plus sûr est de faire des expériences personnelles.

Adressez-vous d’abord, si possible, à quelque spirite expérimenté, qui vous inspire toute confiance, demandez-lui conseil et, s’il tient des séances particulières, tâchez d’obtenir l’autorisation d’assister à l’une d’elles ; ayez alors soin de noter exactement la manière dont elle est dirigée et les résultats que vous pensez pouvoir en espérer.

Il n’est pas toujours facile de se faire admettre dans des groupes privés, mais, en tous cas, ne vous en rapportez qu’aux expériences faites dans votre propre famille ou avec vos amis, à l’exclusion absolue de personnes étrangères. C’est ainsi que la plupart des spirites ont assis leurs convictions.

Pour former un cercle, choisissez de quatre à huit personnes, dont la moitié, ou deux au moins, soient de tempérament négatif ou passif, du sexe féminin de préférence, et les autres d’un caractère plus positif.

Placez-vous autour d’une table ronde, de grandeur convenable, sans tapis ; les tempéraments positifs alternant avec les négatifs ; prenez vos mesures pour ne pas être dérangés et placez la paume des mains à plat sur la table. Que la chambre soit faiblement éclairée. Évitez les conversations frivoles et surtout les discussions et les altercations. Le scepticisme n’est pas un obstacle, mais un mauvais esprit d’opposition chez une personne douée d’une volonté forte peut nuire aux manifestations et les empêcher même complètement. Un peu de musique exerce une bonne influence, à condition qu’elle plaise à tous le monde et ne soit pas de nature à agacer des oreilles délicates.

Souvent il faut s’armer de patience ; dix à douze séances, à intervalles rapprochés, sont parfois nécessaires pour obtenir un résultat. Si au bout de ce temps, vous n’y êtes pas parvenus formez alors un autre groupe. Tâchez de découvrir la cause de votre échec ; évincez les éléments contraires et introduisez-en de nouveaux. Une séance infructueuse ne doit pas être prolongée au delà d’une heure.

Le prélude du succès est habituellement un courant fluidique qui passe sur les mains, de tressaillements involontaires dans les mains et les bras de quelques-uns des opérateurs et une sorte de tremblement de la table. Ces préliminaires, si faibles d’abord que l’on peut douter de leur réalité, s’accentuent ordinairement avec plus ou moins de rapidité.

Lorsque la table commence à s’agiter, laissez vos mains reposer délicatement à la surface, afin d’avoir la certitude que vous n’êtes pour rien dans ses mouvements. Avant peu, vous verrez probablement les mouvements se produire encore, lors même que vos mains resteraient au-dessus de la table, sans la toucher. Ne cherchez pas, cependant, à obtenir trop vite ce phénomène ; attendez que les mouvements soient bien accentués et ne soyez pas trop pressés de recevoir des messages.

Lorsque vous pensez avoir atteint un degré d’avancement suffisant, choisissez quelqu’un pour présider le groupe et diriger les expériences. Expliquez à l’Intelligence invisible qu’il est désirable de convenir de certains signaux et demandez-lui de frapper un coup chaque fois qu’en prononçant lentement les lettres de l’alphabet on arrivera à celle formant le mot que l’Intelligence veut dicter. On fera bien d’user d’un seul coup pour oui, de deux pour non, de trois lorsqu’il y a indécision.

Une fois les communications suffisamment établies, demandez si vous êtes bien placés, et, en cas contraire, dans quel ordre vous devez vous ranger. Demandez ensuite à l’Intelligence qui elle prétend être et quel est le médium du groupe ; posez les questions qui peuvent vous aider dans vos investigations. S’il se produit quelque confusion, attribuez-le simplement à la difficulté de diriger convenablement, dès le début, une conversation de ce genre. Avec de la patience vous en viendrez à bout, si l’Intelligence est vraiment désireuse de converser avec vous.

Il se peut que les signaux se produisent à l’aide d’autres moyens que la table. Laissez l’Intelligence agir à sa guise ; si elle attire votre attention par d’autres essais de communication, tels qui l’écriture médiumique, le somnambulisme, les coups frappés dans les meubles ou sur les murs, c’est probablement que ces procédés lui conviennent mieux ; elle sera contrariée si vous vous y opposez sans cause. Le genre de communications — élevées, frivoles ou même trompeuses — dépend le plus souvent des investigateurs eux-mêmes.

S’il venait à se faire une tentative d’endormir le médium, ou de produire des manifestations violentes, ou des matérialisations, demandez que ces essais soient différés jusqu’à ce que vous ayez pu vous assurer le concours d’un spirite expérimenté. Dans le cas où cette demande ne serait pas agréée, levez la séance. Le mode de développement d’un médium somnambule peut causer des difficultés à un investigateur novice.

Enfin, soumettez au contrôle de la raison les résultats obtenus. Ne vous départez ni de votre sang-froid, ni de votre bon sens. Ne croyez pas tout ce qui vous est dit ; car, si le monde invisible, dans son immensité, contient beaucoup d’Esprits sages et judicieux, il surabonde aussi en folie, en vanité et en erreurs humaines, qui se rencontrent encore à la surface du globe, bien plus que ce qui est bon et élevé. Méfiez-vous de l’emploi usuel des grands noms. Faites constamment usage de votre raison. N’entreprenez pas une investigation aussi sérieuse dans un esprit de frivolité ou de curiosité vaine. Recherchez ce qui est pur, bon et vrai. Votre récompense sera bien suffisante, si vous acquérez seulement la conviction positive qu’il y a une autre vie après la mort et que la meilleure préparation, en vue de cette existence future, c’est de mener une vie pure et bonne avant la mort.



TABLE



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