Librairie des sciences psychologiques (p. 19-24).


IV

HARMONIE DE L’UNIVERS


Étant donnée l’existence en nous d’un principe intelligent et raisonnable, l’enchaînement des causes et des effets nous fait remonter, pour en expliquer l’origine, jusqu’à la source d’où il découle. Cette source, dans leur pauvre et insuffisant langage, les hommes l’appellent Dieu.

Dieu est le centre vers lequel convergent et viennent aboutir toutes les puissances de l’univers. Il est le foyer d’où émane toute idée de justice, de solidarité et d’amour ; le but commun vers lequel tous les êtres s’acheminent, consciemment ou inconsciemment. C’est de nos rapports avec le grand Architecte des mondes que découlent l’harmonie universelle, la communauté, la fraternité. Pour être frères, en effet, il faut avoir un père commun, et ce père ne peut être que Dieu.

Dieu, dira-t-on, a été présenté sous des aspects si étranges, parfois si odieux par les hommes de secte, que l’esprit moderne s’est détourné de lui. Mais qu’importent les divagations des sectaires ! Prétendre que Dieu peut être amoindri par les propos des hommes équivaut à dire que le mont Blanc et l’Himalaya peuvent être souillés par le souffle d’un moucheron. La vérité plane radieuse, éblouissante, bien au-dessus des obscurités théologiques.

Pour l’entrevoir, cette vérité, la pensée doit se dégager des préceptes étroits, des pratiques vulgaires ; rejeter les formes grossières dont les religions ont enveloppé le suprême idéal. Elle doit étudier Dieu dans la majesté de ses œuvres.

À l’heure où tout repose dans nos cités, quand la nuit est transparente et que le silence se fait sur la terre assoupie ; alors, ô homme ! mon frère, élève tes regards et contemple l’infini des cieux.

Observe la marche rythmée des astres, évoluant dans les profondeurs. Ces feux innombrables sont des mondes auprès desquels la Terre n’est qu’un atome, des soleils prodigieux qu’entourent des cortèges de sphères et dont la course rapide se mesure à chaque minute par millions de lieues. Des distances effrayantes nous en séparent. C’est pourquoi ils nous paraissent comme de simples points lumineux. Mais dirige vers eux cet œil colossal de la science, le télescope. Yu distingueras leurs surfaces semblables à des océans de flamme. Tu chercheras en vain à les compter ; ils se multiplient jusque dans les régions les plus reculées ; ils se confondent dans l’éloignement, comme une poussière lumineuse. Vois aussi sur les mondes voisins de la Terre se dessiner les vallées et les montagnes, se creuser les mers, se mouvoir les nuages. Reconnais que les manifestations de la vie se produisent partout, et qu’un ordre admirable unit, sous des lois uniformes et par des destinées communes la Terre et ses sœurs, les planètes errant dans l’infini. Sache que tous ces mondes, habités par d’autres sociétés humaines, s’agitent, s’éloignent, se rapprochent ébranlés par des vitesses diverses, parcourant des orbes immenses ; que partout le mouvement, l’activité, la vie, se montrent en un spectacle grandiose. Observe notre globe lui-même, cette Terre, notre mère, laquelle semble nous dire : Votre chair est la mienne ; vous êtes mes enfants. Observe-là, cette grande nourrice de l’humanité ; vois l’harmonie de ses contours, ses continents, au sein desquels les nations ont germe et grandi, ses vastes océans toujours mobiles ; suis le renouvellement des saisons la revêtant tour à tour de vertes parures ou de blondes moissons ; contemple les végétaux, les êtres vivants qui la peuplent : oiseaux, insectes, plantes et fleurs ; chacune de ces choses est une ciselure merveilleuse, un bijou de l’écrin divin. Observe-toi toi-même ; vois le jeu admirable de tes organes, le mécanisme merveilleux et compliqué de tes sens. Quel génie humain pourrait imiter ces chefs-d’œuvre délicats : l’œil et l’oreille ?

Considère toutes ces choses et demande à ta raison, à ton jugement, si tant de beauté, de splendeur, d’harmonie, peuvent résulter du hasard, ou si ce n’est pas plutôt une cause intelligente qui préside à l’ordre du monde et à l’évolution de la vie. Et si tu m’objectes les fléaux, les catastrophes, tout ce qui vient troubler cet ordre admirable, je te répondrai : Scrute les problèmes de la nature ; ne t’arrête pas à la surface, descends au fond des choses et tu découvriras avec étonnement que des apparentes contradictions ne font que confirmer l’harmonie générale, qu’elles sont utiles au progrès des êtres, qui est l’unique but de l’existence.

Si Dieu a fait le monde, ripostent triomphalement certains matérialistes, qui donc a fait Dieu ? Cette objection n’a pas de sens. Dieu n’est pas un être s’ajoutant à la série des êtres. Il est l’Être universel, sans limites dans le temps et dans l’espace, par conséquent infini, éternel. Il ne peut y avoir aucun être au-dessus ni à côté de lui. Dieu est la source et le principe de toute vie. C’est par lui que se relient, s’unissent, s’harmonisent toutes les forces individuelles, sans lui isolées et divergentes. Abandonnées à elles-mêmes, n’étant pas régies par une loi, une volonté supérieure, ces forces n’auraient produit que confusion et chaos. L’existence d’un plan général, d’un but commun, auxquels participent toutes les puissances de l’univers prouve l’existence d’une cause, d’une intelligence suprême, qui est Dieu.