L’Homme astral

Comment et pourquoi l’homme doit être le même que sur la Terre dans tous les astres.

Tous les jours, étant donnés mes travaux spéciaux sur cette grave question, l’on me demande si dans tous les astres habités, l’homme est identique à lui-même, c’est-à-dire au modèle que nous connaissons sur la Terre et dont nous sommes les vivants échantillons ; ce à quoi je réponds sans la moindre hésitation : — mais certainement.

En effet, depuis le commencement du monde il tombe des aérolithes ou météorites comme l’on dit aujourd’hui à tort, car ce mot n’indique pas la chose comme aérolithe et toujours, vous entendez bien toujours, on les a trouvés composés exactement des mêmes éléments que ceux que l’on connait et trouve sur la Terre. C’est ainsi qu’hier encore, le 14 novembre 1904 pour préciser, M. Moissan a informé l’Académie des sciences qu’en étudiant un bloc de cent cinquante-trois kilos provenant d’un météorite tombé à Cannon-Diablo, dans l’Arizona, Amérique du Nord, il a découvert des fragments de diamant noir et de diamant transparent.

Naturellement il en a poursuivi l’étude et l’analyse chimique et il a rencontré dans ce météorite du soufre, du silicium et du phosphore qui lui furent d’utiles indications pour ses travaux.

— J’ai repris, nous disait-il hier, l’étude de l’action de ces différents corps simples sur la fonte saturée de carbone. J’ai chauffé 150 grammes de fonte de fer au four électrique ; j’y ai introduit ensuite soit du sulfure de fer, soit du siliciure de fer et, en refroidissant ensuite brusquement dans l’eau, j’ai obtenu de petits lingots métalliques desquels, après un long traitement chimique, j’ai pu séparer de petits cristaux de véritable diamant, pareils à ceux du météorite.

Je pense qu’il est inutile de multiplier ces exemples ; je pourrais citer des faits aussi concluants les uns que les autres, mais ab uno disce omnes. D’un autre côté Lux, avec peut-être un peu trop d’imagination, écrit dans le Journal de Charleroi :

« Quant aux satellites, ils sont engendrés de la même manière, les planètes à l’état fluide projetant des anneaux à leur tour, jusqu’à ce que l’accroissement de leur densité mette fin à cette projection de matière cosmique. La Terre, dont le volume est médiocre et qui, par conséquent, s’est solidifiée avec une rapidité relative, n’a pu engendrer qu’un seul satellite qui est la lune. Saturne, planète 734 fois plus grande que la terre, a huit satellites, plus un anneau entourant sa zone équatoriale, phénomène admirable qui nous a livré le secret de la naissance des mondes. Cet anneau, en effet, n’a pu se transformer en satellites isolés, la force de projection de la planète s’étant épuisée, et il s’est lentement solidifié, nous laissant ainsi un témoignage irrécusable du système de génération des planètes et des satellites dont nous avons essayé de donner un aperçu. »

En affirmant que l’anneau s’est solidifié, il oublie sans doute qu’il est transparent ! mais passons sans chercher de mauvaises chicanes à autrui. De ce qui précède, de l’identité de la matière dans les astres et sur la Terre, grâce aux échantillons des bolides, aérolithes et autres météorites, nous pouvons conclure à l’unité de la matière dans l’univers et comme en somme il n’y a que des opérations chimiques dans le monde, nous pouvons conclure également que, les mêmes causes engendrant les mêmes effets, il doit y avoir également et forcément unité et identité des êtres et à plus forte raison de l’homme dans tous les astres habités, ce qu’il fallait démontrer, comme l’on dit en géométrie.

De là, à conclure comme certains astronomes américains ultra-fantaisistes qu’il y a peut-être des chevaux de bois dans l’anneau de Saturne qui ne forme qu’un vaste manège autour de sa planète, il n’y a peut-être qu’un pas, mais je suis, quant à moi, bien décidé à ne pas le franchir !

À peine est-il nécessaire de rappeler ici, ce que tout le monde sait parfaitement d’ailleurs, que depuis les admirables travaux de M. Janssen, on connait exactement la composition du soleil et que cette composition est absolument identique à celle de la Terre.

Est-il davantage besoin de rappeler les deux admirables et si fécondes formules de Lavoisier qui a le premier émis cette loi : rien ne se perd, tout se transforme, et de Raspail, le grand méconnu parce que républicain, qui a énoncé cette autre loi : La création est sans limite.

Rien n’est plus vrai, plus juste, plus lumineux : et j’ajouterai plus nécessairement indispensable et c’est ce qui nous autorise à penser que les corps simples étant les mêmes et les mêmes causes engendrant les mêmes effets, fatalement les hommes doivent être les mêmes dans tous les astres habités, avec à peine peut-être différentes variantes que l’on retrouve même sur la Terre dans l’échelle des êtres, suivant le degré de température, c’est-à-dire suivant l’épaisseur et la densité de la couche atmosphérique ; c’est même là ce qui m’a permis de formuler la loi féconde des altitudes !

Ceci est tellement évident qu’il n’y a pas même besoin de le démontrer.

Cependant ce sont ces déductions, aujourd’hui raisonnées et scientifiques, qui, depuis le commencement du monde, à peine entrevues et soupçonnées, ont toqué de braves gens qui avaient le toupet de s’intituler philosophes.

C’est ainsi que le doux Pythagore enseigna le premier, après les Indiens, la métempsycose et les migrations des âmes, après une série d’épreuves, d’un corps dans un autre, jusqu’à plus soif, si j’ose m’exprimer ainsi.

C’est ainsi que plus tard Swendenborg reprit ces idées dans les brumes scandinaves et étendit la métempsycose à tous les astres, les âmes communiquant entre elles et que Colins, n’y allant pas par quatre chemins, indiqua la réincarnation instantanée d’une âme, d’une immatérialité, dans un autre corps, dans une autre planète, où l’on ne pourra parvenir qu’en vingt-cinq mille ans, à trois cents kilomètres à la seconde ! c’est aussi épatant qu’incompréhensible !

Du reste, Bernardin Le Bovier de Fontenelle, l’aimable centenaire qui vécut de 1657 à 1757, paraît du moins avoir inspiré Swendenborg dont il était approximativement le contemporain, en publiant son très curieux volume intitulé : Entretiens sur la pluralité des mondes.

Il est évident que pour l’époque, C’était relativement fort audacieux, mais depuis…

Au fond, ces doux rêveurs, Fontenelle à part qui était un bon vivant, ces doux rêveurs ne font de mal à personne, et, étant profondément ignorants des découvertes modernes, ils retardent d’un siècle sur la science contemporaine, sans s’en douter !

Cependant, je ne voudrais pas leur faire de la peine et c’est pourquoi je suis prêt à leur concéder qu’ils ont été les inventeurs de la télégraphie sans fil… sans le savoir !

C’est amusant la vie et c’est ainsi que les grotesques sont trop souvent comme l’ombre, sans doute involontaire, mais désagréable, des vrais savants !

En attendant, il semble résulter des dernières découvertes scientifiques que l’homme est partout identique à lui-même dans l’univers et, après tout, si vous ne voulez pas me croire, c’est bien simple, allez-y voir !

Je comptais en rester là, lorsque le 2 février de la présente année 1905, le Petit Journal est venu me relancer par la petite note suivante :

« Les phénomènes dans le genre de celui qui vient de se produire à Montreuil-sous-Bois, les pierres tombant du ciel, sont assez rares, mais il y a quelques précédents intéressants qui valent d’être rappelés. »

Il s’agit toujours de l’arrivée, dans notre atmosphère, d’un corps pierreux ou métallique sillonnant l’espace avec une vitesse énorme pouvant être évaluée à une quarantaine de kilomètres à la seconde ! Aussi, la résistance offerte par l’air dans ces conditions et le frottement qui s’ensuit sont suffisants pour provoquer l’incandescence superficielle du fragment en question, et son éclatement dans certains cas. Alors on entend un bruit terrible, perceptible parfois jusqu’à des centaines de kilomètres.

Suivant la direction du bolide donnant naissance aux météorites, et suivant son importance, il y a apparition seulement d’un globe de feu traversant le ciel, ou bien chute du corps, entier ou fragmenté. Dans ce dernier cas, qui est celui de Montreuil, ce bombardement d’une mitraille céleste est parfois considérable.

Parmi les chutes les plus célèbres ; il faut citer surtout celles de Knyahinya, Hongrie, en 1866, où il est tombé un millier de pierrailles ; celle de Laigle (Orne), en 1803, où 3 000 morceaux environ ont criblé la ville : celle de Pultusk (Pologne), en 1868, et de diverses localités d’Amérique, où la quantité des fragments était bien plus considérable encore. Récemment encore, le le 19 février 1896, un bolide éclata au-dessus de Madrid, en plein jour, et le bruit de l’explosion fut tel qu’une panique s’ensuivit dans la ville, causant de nombreux accidents.

Cette panique peut se trouver justifiée par la menace d’un tel danger perpétuellement suspendu sur nos têtes, car les chutes ont lieu à n’importe quel moment et en n’importe quel point de la surface de la terre. D’où accidents, hommes ou animaux tués, immeubles endommagés, incendies.

L’échauffement et l’incandescence des météorites sont purement superficiels, tellement le phénomène est rapide, et lorsqu’on ramasse le ou les morceaux après la chute, on trouve que ce qui formait l’intérieur du bloc est à une température glaciale : celle de l’espace céleste d’où provient le bolide. Souvent aussi ces chutes sont accompagnées d’une odeur de soufre persistante, ce qui a contribué à attribuer une origine mystérieuse au phénomène dont, à vrai dire, on a ignoré la nature pendant très longtemps.

C’est seulement après la chute de Laigle (1803), que la science a vu clair sur ce phénomène légendaire.

On sait maintenant que ces corps, fragments d’un astre détruit, sillonnent l’espace sidéral en tous sens et rencontrent ainsi la Terre de temps à autre.

Leur étude offre un très grand intérêt, car ce sont des liens nous rattachant directement avec d’autres mondes que le nôtre, et peut-être nous apporteront-ils, un jour, la clef de plus d’une énigme. »

Ils nous apportent déjà la clef, par simple raisonnement, qu’étant composés des mêmes corps que la Terre, il y a tout lieu de penser que les autres astres sont habités par des êtres à peu près comme nous, les mêmes causes engendrant les mèmes effets, et les mêmes ambiances les mêmes individus.

Mais ce n’est pas tout, j’ai toujours écrit, dit et démontré depuis plus d’un tiers de siècle, qu’en dehors de notre atmosphère, à seulement 40 kilomètres de la Terre, il devait faire environ 283 degrés au-dessous de zéro ; depuis longtemps les ballons-sondes sont venus me donner raison.

Or donc, un bolide tombant à 40 kilomètres à la seconde, met juste une seconde pour traverser notre atmosphère et comme il ne s’enflamme que dans la dernière partie de cette seconde, là où la densité de l’air le permet, si l’on pouvait en relever à l’instant la température intérieure avec des instruments spéciaux, il est certain que l’on constaterait les 283 degrés de froid, et peut-être même encore moins, ce qui veut dire un nombre de degrés encore plus bas, comme 300 ou 400 degrés au-dessous de zéro, ce qui paraît très vraisemblable.

Mais en attendant ces nouvelles constatations officielles, je vous promets bien de vous prévenir, lors de ma prochaine communication avec les habitants de Mars qui doivent avoir à peu près la même binette que nous ou le même ciboulot, comme dit un membre de l’Institut de mes amis !