La future disparition de l’Angleterre

Nombreuses preuves à l’appui. — Horribles détails. — Les inquiétudes d’Édouard.
II

Les journaux ont publiés dernièrement une petite note qui n’a l’air de rien et qui est cependant de la plus haute gravité, car elle ne fait qu’exposer partiellement, la situation tragique dans laquelle se trouve le Royaume-Uni de la grande Bretagne tout entier. Du reste voici la note :

« La ville de Motherwell, située au milieu de la région minière dans le Lancashire, est en train, de s’enfoncer complètement. On dirait que partout le sol se dérobe sous les fondements des maisons.

« Les constructions et même la voie du chemin de fer, à la gare, ont baissé d’environ 0,30 m.

« Malheureusement, ce mouvement des bâtiments vers le centre de la terre ne se fait pas d’une manière égale.

« Au grand hôpital, par exemple, des crevasses se sont produites dans les murs, de sorte qu’on a dû transporter ailleurs les malades. »

Ce n’est là qu’un signe tangible et isolé de l’épouvantable catastrophe finale, mais c’en est un dont il faut tenir compte, car tout anglais qu’il est, il est aussi redoutable qu’un signe allemand !

C’est toujours la même histoire ; lorsque le mont Pelé couvrait la ville de cendres, on ne bougeait pas, on attendait, et cependant huit jours plus tard, Saint Pierre était englouti. Tout fait supposer, la science, l’expérience et le passé, qu’il va malheureusement en être de même de l’Angleterre et si elle ne périt pas par le feu, elle périra par immersion, ce qui ne vaut pas mieux. En effet, voilà des siècles, des milliers d’années plus tôt, depuis les Romains, que toutes les mines de houille, de charbon, de fer, etc, de la Grande-Bretagne sont en exploitation ; ce n’est plus un archipel, c’est une écumoire ! On sait qu’il y a même de nombreuses mines exploitées sous la mer elle-même, le long des côtes.

Lorsque le jour inévitable des tassements et des fissures se sera produit, ça ne sera pas long, la grande Bretagne toute entière disparaîtra submergée sous les flots implacables de la mer, ensevelie tout entière dans les profondeurs mystérieuses du vaste Océan…

Brrr… ça vous fait froid dans le dos !

Les savants de l’autre côté de la Manche commencent à se rendre compte du péril ; beaucoup sont pour l’évacuation immédiate de l’archipel tout entier, ce qui n’est pas facile. Cependant, avec la flotte immense de nos voisins, ils ont déjà calculé que l’on pourrait procéder à l’évacuation totale et méthodique en sept ans, neuf mois, onze jours et dix-sept heures, sans tenir compte des minutes, suivant le plus ou moins grand nombre de femmes dans une situation intéressante…

On dit que Chamberlain se souvenant d’un monologue célèbre de mon ami Leroy sur le fromage de gruyère ce serait écrié :

— C’est bien simple, que l’on bouche les trous !

Et pour le faire, il serait sur le point d’entrer en rapport avec nous pour nous acheter dix-huit milliards de mètres cubes de sable du Sahara, ce qui nous permettrait du coup, de réaliser la mer intérieure, sans bourse délier. Il est évident que l’idée est ingénieuse et qu’en tout cas, elle est à creuser, c’est bien le cas de le dire.

Mais voilà le hic, le transport serait long et coûteux et ce ne serait pas une opération commode que de combler ainsi toutes les mines de la Grande-Bretagne, sans compter que l’on en oublîrait beaucoup, surtout parmi celles qui ne sont plus exploitées depuis des siècles.

Cependant ça urge, comme disait ce bon Rochefort, au temps déjà lointain où il avait encore de l’esprit et il est évident qu’il faut bien se décider, sans plus tarder, à prendre une résolution héroïque.

Si encore nous avions des montagnes élevées, comme en Savoie, disaient avec désespoir, les Anglais qui ont l’habitude de venir se balader à Chamounix et autres lieux incomparables de nos beaux départements montagnards. Mais hélas la noblesse anglaise peut bien protester et gémir, on ne tient aucun compte de sa voix !

C’est fort bien d’être un peuple de mineurs, de faire de sa patrie une éponge, une écumoire et un bloc de gruyère tout à la fois, mais un jour il faut payer tout cela et, malheureusement, il semble que l’heure tragique, aussi fatale que fatidique, va bientôt, pour la Grande-Bretagne, sonner au cadran géologique de la Terre !

C’est épatant et c’est triste, mais c’est comme cela et il n’y a pas à dire : mon bel ami ! il faut en prendre son parti.

On affirme de source sûre et même sulfureuse, qu’Édouard s’en rend un compte exact et que son yacht est toujours sous pression, afin de pouvoir se tirer des flûtes, lui et son auguste famille, à la première alerte un peu sérieuse, après celle du Lancashire.

Il a bien raison, seulement, il devrait fournir à tout son peuple les moyens d’en faire autant en allant s’établir dans les colonies de la grande-Bretagne.

Il serait puéril maintenant de se le dissimuler, après ces signes avant-coureurs de craquement, de la dislocation et de l’effondrement finals — puisque la grammaire m’interdit d’écrire finaux — le temps n’est pas loin maintenant où le Royaume-Uni de la Grande-Bretagne aura disparu et où il ne restera plus que le royaume des îles Orcades et peut-être même seulement le tout petit royaume septentrional des îles Shetland !

Après avoir été les maîtres du monde par la mer, périr par la mer ! quelle déconfiture, mon empereur… des Indes !

Et l’on assistera à ce spectacle étrange, de voir les plus grandes colonies du monde, sans mère-patrie ! Pauvres orphelines !

Comme certaines grandes maisons de commerce, ce jour-là l’Angleterre sera sauvée par ses succursales !

Allons, Messieurs, la main à la poche, pour les inondés de l’autre côté de la Manche ! c’est le moment de montrer la puissance de l’entente cordiale. Je n’inscris pour 1 fr. 45 en faveur de la taupinière en danger !