Polyphème/II
ACTE DEUXIÈME
Oh ! qui m’enlèvera mon éternel ennui !
Je n’ai pas pu marcher plus avant aujourd’hui.
J’espérais la trouver ; sans oser me le dire,
J’ai comme le besoin de revoir son sourire.
Nous nous sommes tantôt si froidement quittés
Que je voulais, confus de mes brutalités,
Me rapprocher avec une bonne parole ;
C’est une enfant, en somme, un petit cœur frivole,
Qui n’est pas même heureux de faire tant souffrir !
Puis cette idée aussi m’obsède… Découvrir
Quelque chose !… savoir !… Car son berger la hante
Avec ses yeux fendus, sa démarche traînante,
Ses cheveux partagés et sa houlette à fleurs.
Elle l’aime… Je sais qu’elle l’aime ! Ô douleurs !
Tout, son front et ses yeux, sa voix, tout ment en elle ;
Aussitôt qu’elle en parle, elle devient plus belle !
Muré dans ma laideur comme dans un tombeau !…
Être laid ! N’avoir vu jamais sur son visage
Une femme arrêter son regard au passage,
N’avoir jamais senti, douce comme un soupir,
Passer sur soi l’haleine ardente d’un désir,
Et déborder pourtant d’amour et de tendresses !
Humblement, pauvrement, mendier des caresses,
Sans recevoir jamais, d’un geste de dédain,
Qu’une aumône qu’on donne en retirant sa main !…
Pourtant j’aime ! et je suis ardent et mon sang brûle.
Mais je n’ai qu’un grand cœur tendre jusqu’au scrupule…
Pour mon nom prononcé par elle doucement,
Je sens s’ouvrir en moi l’azur d’un firmament,
Un mystère pour moi persiste et se dérobe
Dans chaque coin d’espace occupé par sa robe.
Elle était tout à l’heure ici : je sens dans l’air
Flotter encore un peu du parfum de sa chair.
C’est ici qu’elle était assise…
et, par degrés, s’exalte.
D’herbe au poids de son corps fut foulée… Ah ! j’étouffe !
Sa tête a posé là… c’est là qu’elle a dormi…
Galatée !… Oh ! je sens la souffrance me tordre !
Jaloux ! je suis jaloux !… Oh ! rien que d’y penser,
Les voir tous les deux là rire et se caresser,
Lui béat et stupide, elle chaude et câline
Et des roucoulements d’amour plein la poitrine !…
J’ai beau lutter… Toujours ces images de feu !…
Je les sens s’imprégner dans mes os peu à peu !…
Oh ! bondir… les surprendre… et m’élancer sur elle…
Et lui tordre le cou, son cou de tourterelle…
Et la jeter sanglante !!…
avec abattement.
Quoi donc ?
Un peu d’eau… va, petit.
Qu’as-tu ?
J’ai de la peine.
Oui, ton front est sévère et tes yeux sont méchants.
la cruche que celui-ci vide abondamment.
Je suis las.
N’est-ce pas ?
Oui, pourquoi ?
Que faisaient-ils ?… réponds…
Rien.
Rien ?… que disaient-ils ?
Je ne sais.
Ah ! voyons !
Galatée a trouvé tes fruits… Mais ta main tremble !…
Ce n’est rien.
Galatée en mettait à la bouche d’Acis.
C’était drôle !… ils riaient… tu comprends…
Oui, mon fils.
Moi, je ne l’aime pas, Acis ; son air m’agace.
Pourquoi ?
Je suis grondé ! Jamais je n’ai part à leurs jeux,
Jamais je n’ai le droit de rien faire avec eux.
Vient-il souvent ici ?
Tous les jours.
Qui te l’a dit ?… Tu sais ?… À travers le jardin
Elle court, elle rit, elle chante et soudain
Me couvre de baisers, ou bien me prend sur elle
Et me câline… Elle est si bonne et puis si belle !…
Acis ne t’aime pas, lui.
Tu crois ?
Même il a fait de toi des portraits sur un mur…
Oh ! mais comme ton front tout à coup devient sombre !
et d’une voix étranglée.
S’embrassent-ils… parfois ?
S’embrasser ?
Le soir… N’as-tu pas vu ?… Parle, petit enfant,
Parle !
Mais… je ne sais… puis ma sœur me défend…
Parle, te dis-je !… Allons !
Parle ! S’embrassent-ils ?… Ah ! la rage me monte…
Oh ! mais tu me fais mal !
Réponds !… S’embrassent-ils ?
comprenant d’instinct qu’il cause une grande souffrance, il se jette spontanément
dans les bras de Polyphème.
Ah ! dieux !
un moment ; Polyphème se reprend par degrés.
J’ai mieux aimé vider d’un seul trait la douleur ;
C’est bien cela : le grand coup de hache en plein cœur !
Cent fois j’ai dit qu’ainsi je viendrais à l’apprendre…
Laisse-moi… par pitié.
Je m’en vais… au revoir !
Viens là… Je t’ai fait mal… mais c’est sans le vouloir.
Tu le sais… mon petit.
J’entends venir.
Va voir.
C’est ma sœur sur la route…
Et seule ?
Seule…
À Galatée !
Allons !
Elle ne pensait pas te faire de la peine…
Va-t’en là !…
Je n’ai plus au cœur que de la haine !
à celui qu’occupe le lit de Galatée.
Silence.
On entend les rires de Galatée et d’Acis, qui se rapprochent.
Ils viennent ; ils sont loin de croire à mon retour.
Pour eux je suis là-haut…
Mes cheveux sont défaits… Que je reprenne haleine
Un moment… Tu m’as fait trop courir dans la plaine ;
Puis, ce méchant taureau qui nous a poursuivis…
C’est ta faute ! Toujours tu ris de mes avis.
Je t’avais prévenue…
Et mes oiseaux ?
Des enfants les ont pris.
J’en étais sûre.
Je t’en retrouverai d’autres.
Quoi donc ?
En t’aidant à cueillir au mur les églantines,
Tu m’as comme à plaisir déchirée aux épines.
As-tu poussé des cris pour franchir le torrent !
Ce n’est pas vrai !… D’ailleurs tu n’étais pas très franc
Toi-même… et je t’ai vu reculer… Quelle course !…
Et cette idée aussi de descendre à la source !
Tous ces affreux sentiers de gros cailloux remplis…
Mais tes pieds nus dans l’eau claire sont si jolis !
Asseyons-nous : j’ai ri, vois-tu, comme une folle ;
Je suis lasse.
et où elle va s’étendre peu à peu avec Acis. Appelant Acis
et lui désignant une place auprès d’elle :
Veux-tu que je t’évente ?
Oui, l’air est étouffant.
Veux-tu que je te berce aussi comme une enfant ?
Que regardes-tu là ?
Dis-moi, n’est-ce pas l’heure où ton maître farouche
Revient ?
Là-haut, et bien souvent ne rentre que la nuit.
Et seul, toujours seul… Dieux ! Que son humeur est noire !
Des jours entiers, il rêve en haut du promontoire,
Les yeux fixes. Cent fois ainsi je l’ai trouvé…
Même, un jour, ignorant qu’il était observé,
Je l’ai vu se traîner à genoux dans les ronces,
Imitant comme un fou ta voix et tes réponses,
Et poussant des sanglots si terribles, vois-tu,
Et si tristes qu’au cœur un frisson m’a couru !…
Il est très malheureux.
Tu ne vas pourtant pas demander que je l’aime !
S’il nous voyait !…
Tombe ; n’entends-tu pas les feuilles s’émouvoir,
N’entends-tu pas flotter en rumeurs incertaines
Le chœur aux voix d’argent des eaux et des fontaines ?
Les troupeaux rassemblés descendent des hauteurs :
N’entends-tu pas sonner la corne des pasteurs ?…
Taisons-nous.
Nymphes des bois, nymphes des eaux,
Naïades ceintes de roseaux,
Petites nymphes des ruisseaux,
Qui courez tout le jour à travers les étangs
Sur les grands nénuphars flottants,
Un vent frais s’est levé sur les routes poudreuses :
Quittez vos retraites ombreuses
Et livrez vos bras nus aux brises amoureuses.
Les feux du jour sont apaisés…
La brise apporte ses baisers
Aux grands calices épuisés.
Sur la mer aux rumeurs lointaines
Des voiles s’en vont vers Athènes…
Penchez vos longs cheveux au marbre des fontaines.
La mer rose palpite au couchant enflammé :
Vers le soleil qui meurt que notre hymne s’élève !
Chantons, mes sœurs, voici qu’un jour encor s’achève…
Chantons, mes sœurs, le soir limpide et parfumé !
Et saluons la nuit, la nuit grave aux longs voiles
Qui pose ses pieds bleus sur les nuages d’or
Et porte doucement, sous son manteau d’étoiles,
Le crépuscule qui s’endort.
Nymphes des sources, des rivières,
Nymphes des bois et des clairières,
Enlacez-vous… Tournez sous le feuillage obscur,
Tournez, robes d’argent, d’hyacinthe et d’azur…
La mer murmure, solitaire,
Des fleurs se ferment sur la terre,
La lune monte avec mystère…
Le calme est si profond ! Tout s’endort ; plus un bruit.
Un dernier rayon meurt sur le temple d’Hercule.
C’est étrange, quand vient ainsi le crépuscule,
Toujours je sens mon cœur malgré moi se serrer,
Et mes yeux, pour un mot, se mettraient à pleurer.
Même ainsi, près de moi, cette heure te pénètre ?
Oui, ce soir, près de toi plus que jamais peut-être.
C’est que nous éprouvons la présence des dieux :
À cette heure le bois devient mystérieux ;
D’eux-mêmes, sur le bord des eaux, les roseaux sonnent :
La broussaille s’anime et les feuilles frissonnent ;
Jusqu’à l’aube, entr’ouvrant les arbres, les Sylvains
Avec les chèvres-pieds mènent leurs jeux divins ;
Les rochers sont vivants ; de grands éclats de rires
Sortent des antres noirs où dansent les Satyres,
Et la Sirène bleue, en nageant sur le bord,
Laisse traîner sa voix comme un grand filet d’or !…
Même on entend parfois un bruit de meute en chasse
Là-haut, les nuits d’hiver… Et c’est Diane qui passe.
T’arriva-t-il jamais de voir les dieux de près ?
Oui, j’ai vu Pan, un soir… j’étais seul, dans les prés ;
On eût dit un grand bouc. Sa poitrine était brune ;
Les cornes découpaient leurs pointes sur la lune.
Des bêtes l’entouraient en cercle. Un jet de feu
Sortait de sa prunelle, et je tremblais un peu.
Moi, je mourrais de peur d’une telle aventure…
Que fais-tu ?
Je dénoue un peu ta chevelure ;
Tes cheveux d’une soie égalent la douceur…
Ah ! laisse-moi poser la tête sur ton cœur.
Tiens, mon amour, respire aussi mes belles roses ;
Elles sont, ce soir même, à mon corsage écloses.
J’entends battre ton cœur.
Ils sont plus grands dans l’ombre et me caressent mieux.
Pour un simple berger comme ta main est douce !
Tu sais que sur ta joue un léger duvet pousse ?
Galatée seule l’a entendu.
Pourquoi tressailles-tu ?
Dieux ! Que la solitude alentour est profonde !
On dirait qu’il n’est plus que toi et moi au monde.
Montre tes yeux…
Les tiens ont la couleur du ciel.
Les tiens ont la douceur du vin d’or et du miel,
De l’eau fraîche du puits quand la soif vous altère,
De tout ce que je sais de plus doux sur la terre.
Oh ! que mon cœur est lourd !… Je ne sais pas pourquoi,
Jamais je n’ai senti tant de douceur en moi.
Je te trouve si beau !… Ce soir, je voudrais même
Me fondre sous tes dents comme un fruit, tant je t’aime !
Et toi, dis, m’aimes-tu ?
Tu sais bien que l’amour dit tout bas ses secrets…
Ta chevelure est comme une eau dorée… Encore !…
Je t’adore !
il s’arrête et, lentement, lentement, il abaisse ses poings.
Quel sentiment étrange arrête ainsi mes bras ?
J’ai beau vouloir… je sens que je ne pourrai pas.
Tant d’amour devant moi !… dérision vivante !…
N’as-tu pas entendu ce bruit dans le buisson ?
Oui, souvent la nuit donne aux feuilles ce frisson.
le rejette en avant ; puis il s’arrête, raidi de souffrance.
Oh ! ces larges baisers qui tombent goutte à goutte !…
Entends-tu ces pêcheurs qui passent sur la route ?
Vois-tu, mêlés ainsi dans un même soupir,
Cela ne me ferait presque rien de mourir…
s’enfonce dans la forêt…
N’as-tu pas cette fois vu se mouvoir une ombre ?…
Non, je n’aperçois rien… C’est quelque branche sombre.
N’importe, j’aime mieux que nous nous séparions.
De la lune, la mer est à peine argentée ?
Oui, va-t’en : malgré moi mon âme est agitée.
Cette nuit est, vois-tu, si douce que j’ai peur.
Comme un vase trop plein de répandre mon cœur.
Va-t’en… Je te verrai demain soir à l’orée
Du bois… Adieu !… Je t’aime !
Adieu… mon adorée !
Prends le sentier qui va de la vigne aux étangs :
Mes yeux pourront ainsi te suivre plus longtemps.
Elle redescend, pensive.
De se quitter ainsi l’âme encor toute vive ?…
Demain… Demain !… Un jour est si long à finir !
Mais je veux jusqu’à l’aube avec mon souvenir
M’endormir sous le ciel les deux mains enlacées,
En serrant sur mon cœur mes plus douces pensées.
Tout un scintillement fait palpiter l’azur.
Le silence est sonore et ressemble, ô merveille !
Au bruit d’un coquillage appuyé sur l’oreille…
Même je suis saisie en entendant ma voix.
Tout dort… et seuls des feux de bergers, par endroits,
Font au sommet des monts une petite flamme.
Soudain on entend un grand cri terrible, suivi d’un grand silence.
Sa chanson… Mon cœur bat à rompre sous ma main.
Quelque monstre blessé que Polyphème égorge.
Rien… plus rien que le bruit des vagues sous les cieux…
Dieux, que le doux sommeil descende sur ma couche !
Je veux le croire encore auprès de moi… Je veux
L’entendre encor parler… tout bas… dans mes cheveux…
Et sous la nuit sereine, où s’apaisent les fièvres,
M’endormir… l’âme heureuse… et son nom sur mes lèvres…
Soudain de rauques gémissements s’élèvent
Lycas !… Lycas !…
C’est toi ?…
Approche-toi.
Qu’as-tu ?
Prends mes doigts dans les tiens.
Tes mains tremblent… J’ai peur !… Ta démarche chancelle.
Oh ! c’est affreux… Du sang sur ta barbe ruisselle !
Réponds-moi… Quels malheurs te sont donc arrivés ?
Je ne vois plus.
Aveugle ?
Conduis-moi, mon enfant.
Horreur !… Est-ce possible !…
N’as-tu pas entendu comme un grand cri terrible,
Dans la nuit, tout à l’heure ?
Oui.
C’était moi.
Grands dieux !
Oui, j’ai crevé mes yeux ! Oui, j’ai crevé mes yeux !…
Mes yeux, mes pauvres yeux, si joyeux à l’aurore…
Après ce que j’ai vu, pouvaient-ils voir encore ?
J’ai couru dans les champs devant moi comme un fou…
J’allais… J’aurais voulu m’enfoncer dans un trou,
J’aurais voulu sur moi qu’on entassât des pierres !
Mais je les avais là, tous deux, sous les paupières,
Enlacés et buvant leur amour à pleine âme !…
Oh ! cette vision de caresse et de flamme,
La sentir implacable à mon front s’attacher !…
Comme une robe en feu j’ai voulu l’arracher !
Et maintenant, levant mes prunelles funèbres,
Je suis le malheureux qui tâtonne aux ténèbres…
C’est bien ainsi, d’ailleurs. J’absous la trahison :
Les dieux avec l’amour leur ont donné raison…
Mais livrer en jouet son âme pantelante,
Avoir à chaque fibre une goutte sanglante,
Ne plus garder un coin qui ne souffre en son cœur…
J’ai mieux aimé d’un coup dépasser mon malheur !
Oui.
Galatée ?
Elle dort.
Sa robe seulement… Mène-moi vers sa couche.
Pas encore.
Ici ?
Non.
Là ?
Plus près.
Ah ! j’ai senti frémir la mer et les forêts :
Laisse-moi respirer un peu le vent qui passe ;
C’est comme la pitié de la nuit sur ma face…
J’ai peur… Que vas-tu donc lui faire ?
C’est bien elle !… Voici sa couche de feuillage,
Ici sont ses bras nus… et voici son visage…
Petit oiseau d’amour, ô tout ce que j’aimais !
Mon rayon de soleil !… disparu pour jamais !…
T’en vouloir ?… À quoi bon ?… Petite âme imprudente,
Tu jouais. Tu riais de ma détresse ardente…
Tu riais… Tu riras… sans doute, encor demain.
Quelques pleurs essuyés du revers de la main,
Et ce sera fini… Tu riras… pour lui plaire !…
C’est terrible… Et je dis tout cela sans colère.
Tout à l’heure un désir effrayant m’a mordu :
Fou d’amour et d’horreur, un instant, j’ai voulu,
Oui, j’ai voulu bondir sur toi comme un sauvage,
Et t’écraser la tête aux rochers du rivage !
Mais un éclair étrange a frappé mes pensers,
Mes poings levés se sont d’eux-mêmes abaissés
Et j’ai senti soudain ma fureur et ma rage
Crever et ruisseler à flots comme un orage,
Ne laissant à leur place, ayant tout emporté,
Qu’une grande souffrance où naissait la bonté.
Va, dors bien doucement… Ne crains pas ma justice,
Dors sans comprendre même un peu mon sacrifice,
Dors…
Pour sentir sur mon front ton haleine passer.
On dirait que ta bouche entr’ouverte murmure…
Est toujours là ! J’ai peur !…
Qu’une dernière fois je baise ses cheveux.
Vents de la mer !… Parfum des bois !… Souffles nocturnes !…
Petites fleurs dont la rosée emplit les urnes,
Grands arbres doucement par la brise agités,
Plaines, coteaux, vallons des nymphes habités,
Bonne terre et toi, nuit, dont la majesté veille,
Protégez à jamais cette enfant qui sommeille…
Ayez pour elle, ayez un peu de ma pitié !
Et puisqu’il n’est ici nul regard que je blesse,
Puisque nul ne peut voir ma honte et ma faiblesse,
Ah ! laissez-moi pleurer un peu comme un enfant.
puis il se redresse lentement.
Je sens en moi descendre une paix inconnue ;
Mon cœur se calme et rend à présent sous ma main
Un beau son grave et fort, comme une urne d’airain.
Lycas ! c’est toi… je sens ta douce chevelure…
Toi seul as su m’aimer, petite créature :
Laisse-moi t’embrasser.
jusqu’à la fin.
Des yeux d’enfant sont si profonds pour qui sait voir !
Toi seul as su parfois sur ta petite bouche
Trouver naïvement la parole qui touche…
Aime bien Galatée : elle est ta grande sœur ;
Aime-la de toute la force de ton cœur !
Obéis-lui, sois doux pour elle… Galatée !
Oh ! ce nom où la fleur de sa chair est restée…
Adieu, jardins feuillus, pleins d’ombre et de soleil,
Jardins étincelants de son rire au réveil,
Vergers, bois familiers, frais ruisseaux, lits de mousse,
Adieu, tout ce qui fait que la terre est si douce…
Adieu, ma vie… adieu tout ce qui me fut cher !
Où faut-il te mener, grand ami ?
Vers la mer.