Poésies lyriquesAuguste Decq (p. 251-253).
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VŒU


1847.


 
À quoi bon ?




Oh ! dans ces tristes temps de luttes intestines,
Quand le doute et la honte accablent le plus fort,
Quand rien n’est vrai sur rien, quand tout tombe en ruines,
Frappé de vertige ou de mort ;

Quand les Rois éperdus chancellent sur leurs trônes,
Quand le Prêtre sous lui sent la chaire trembler,
Quand le Riche à genoux embrasse les colonnes
De son palais prêt à crouler ;


Quand partout l’Anarchie écrase en sa colère
Le germe à peine éclos d’un plus noble avenir ;
Qu’il ne reste plus rien à bénir sur la terre,
Plus rien dans les cieux à bénir ;

Que ne puis-je emporter au fond des solitudes,.
Loin du bruit des cités qui me poursuit toujours,
Mes austères loisirs et mes douces études,
Trop souvent troublés dans leur cours ;

Troublés par les clameurs d’un peuple de sauvages
Qui traîne, tour à tour, aux bords des grands chemins,
Les bustes mutilés et tout chargés d’outrages
Et des Brutus et des Tarquins ;

Troublés par les sanglots et les cris d’anathème
Qui, du nord au midi, se heurtent dans les airs,
Et qui feraient d’effroi pâlir Satan lui-même,
S’ils pénétraient jusqu’aux enfers ;

Et trouver un paisible et verdoyant asile
Entouré par des monts couronnés de grands bois,
Qui se réfléchiraient dans une onde tranquille
Avec leurs châteaux d’autrefois,

Et prêteraient, l’été, la fraîcheur de leur ombre
Et l’odorant velours de leurs sentiers fleuris,
Aux radieux ébats de mes rêves sans nombre,
Tantôt solennels et hardis,


Se posant au sommet d’un monde qui s’écroule
Pour méditer la loi d’un immuable sort,
Ou planant sur des flots soulevés par la houle
Pour guider un navire au port ;

Tantôt, vifs et légers, suivant le météore
Éclos dans les vallons sous l’haleine du soir,
Ou suspendant leur vol à la gaze du store
Qu’entrouvre une main douce à voir ;

Souvent dans l’avenir plongeant un œil avide,
Et, sous ses voiles noirs, cherchant un astre d’or,
Ou fouillant du Passé le sépulcre splendide
Pour en exhumer un trésor,

Et toujours rapportant de leur course infinie,
Sur les traits de la foudre ou sur l’aile des vents,
Quelque grande pensée étroitement unie,
Hélas ! à des vœux décevants !