Poésies lyriquesAuguste Decq (p. 245-247).


SOUVENIR


1846.


 

À Mme D.


Ne reviendrez-vous plus, jours de bonheur paisible !





Adieu ! L’été s’envole, et l’hiver nous rappelle.
Adieu ! tout un grand mois s’est enfui comme un jour,
Mais nous en garderons le souvenir fidèle ;
Gardez-le, vous, à votre tour.

Que de fois, loin de vous, nous causerons encore
De ces instants charmants, trop vite disparus,
Fleurs d’automne, mon Dieu, qu’un matin vit éclore,
Et que le soir ne trouva plus !…


Que de fois, entre nous, nous redirons nos courses,
Nos champêtres festins à l’ombre d’un noyer,
Nos ébats dans les prés, nos visites aux sources,
Nos jeux auprès d’un doux foyer.

Mais que de fois, surtout, dans notre solitude,
Nous nous rappellerons avec un tendre orgueil,
La bonté sans apprêts, la grâce sans étude
De votre généreux accueil !

Peut-être, au même instant, si quelqu’écho s’éveille,
Par un retour subit vers un passé si doux,
Vous direz, à voix basse, en y prêtant l’oreille :
Écoutez ! ils parlent de nous.

Nous aussi nous croirons, par un retour semblable,
Entendre votre voix et distinguer vos pas,
Et votre esprit viendra s’asseoir à notre table,
Et causer avec nous tout bas.

Ah ! que le souvenir de ces douces journées
Plane sur nos hivers comme un songe enchanté ;
Que d’un reflet divin il dore les années
Dont le nombre nous est compté,

Et si quelque chagrin, quelque peine secrète
Qu’un chaste et noble cœur ne peut pas révéler,
Sous un fardeau trop lourd nous fait courber la tête,
Évoquons-le sans nous troubler ;


Quel qu’il soit, ange ou sylphe, il entend nos prières,
Et peut-être il viendra, prompt à nous consoler,
Arrêter, d’un sourire, aux bords de nos paupières,
Une larme prête à couler.