Poésies et Œuvres morales (Leopardi)/Poésies/XII


Pour les autres éditions de ce texte, voir L'Infini.

Traduction par F. A. Aulard.
Alphonse Lemerre, éditeur (Tome premierp. 270).

XII

L’INFINI.

(1819.)


Toujours chères me furent cette colline déserte et cette haie qui, sur un long espace, cache au regard l’extrême horizon. Mais, m’asseyant et regardant, au delà de la haie j’imagine d’interminables espaces, des silences surhumains, un profond repos où peu s’en faut que le cœur ne s’effraie. Et comme j’entends bruire le vent à travers le feuillage, je vais comparant le silence infini à cette voix : et je me souviens de l’éternité, des siècles morts, du siècle présent et vivant et du bruit qu’il fait. Ainsi dans cette immensité s’anéantit ma pensée et il m’est doux de faire naufrage dans cette mer.