Poésies de Marie de France (Roquefort)/Fable I

FABLE I.

D’un Coc qui truva une Gemme sor un Fomeroi[1]

Du Coc racunte ki munta
Sour un fémier, è si grata
Selunc nature purchaceit,
[a]Sa viande cum il soleit[2] :
Une chière Jame truva[3],
Clère la vit, si l’esgarda ;
Je cuidai, feit-il purchacier[4]
Ma viande sor cest fémier,
[b]Or ai ici Jame truvée,
Par Moi ne serez remuée.10
S’uns rices Hum ci vus truvast[5],

Bien sai ke d’or vus énurast ;
Si en créust vustre clartei,
Pur l’or ki a mult grant biautei.
Qant ma vulentei n’ai de Tei[6]
Jà nul hénor n’auraz par Mei.

MORALITÉ.

Autresi est de meinte gent[7],
[c]Se tut ne vient à lur talent[8],
Cume dou Coc è de la Jame ;
[d]Véu l’avuns d’Ome è de Fame :
Bien, ne henor, noient ne prisent[9],
Le pis prendent, le mielx despisent.


  1. La Fontaine, liv. I, fable XX, Le Coq et la Perle. Phæd., lib. III, fab. XII, Pullus ad Margaritam. Romulus, lib. I, fab. I, idem. Anonym. Nilantius, fab. I. Vincent. Bellovacens. in Specul. histor. Contra Calumniosos.
  2. Suivant son besoin, selon son habitude.
  3. Jame, pierre précieuse, gemma.
  4. Je pensois, dit-il trouver, chercher.
  5. Si vous étiez trouvée par un homme riche, il vous donneroit une monture en or et votre clarté en seroit plus grande.
  6. Comme vous ne pouvez m’être d’aucun secours, ne comptez pas que je fasse le moindre cas de vous.
  7. Il en est ainsi de plusieurs personnes.
  8. Desir, volonté.
  9. Ils estiment peu les biens, les honneurs, ils choisissent le mauvais, et abandonnent ce qui est bon.
Variantes.
  1.  

    Sa viande que il manjoit ;
    Une clère gemme trova.

  2.  

    Or t’ai insinc gemme trovée,

  3. Se le refusent meintenant.

  4. Véu l’avons de mainte femme.
    ou
    C’est dit por l’ome et por la fame.