Théophile Berquet, Libraire (p. 42-43).

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La même.

Errez, mes chers moutons, errez à l’aventure :
J’ai perdu mon berger, ma houlette et mon chien.
S’il plait aux dieux, je n’aimerai plus rien
Qui soit sujet aux lois de la nature.

Mon cœur, toujours brisé par de cruels ennuis,
Ne cherche plus que la retraite.
Paissez, mes chers moutons, sans chien et sans houlette,
Je ne puis vous garder dans l’état où je suis.

Contre mes tristes jours depuis que tout conspire,
Déjà plus d’une fois les brillantes saisons

Ont embelli nos champs de fleurs et de moissons.
À mes vives douleurs, hélas ! puis-je suffire ?
Partez, laissez-moi seule, innocens animaux,
Mêler encor mes pleurs à l’onde fugitive :
Non, n’attendez plus rien de ma raison captive ;
Elle succombe enfin sous le poids de mes maux.

Ne vous reposez plus sur l’amitié sincère
Qu’ont toujours eu pour moi les bergers d’alentour.
Je n’éprouve que trop qu’ils ont perdu le jour.
Qu’il en est peu de pareil caractère !

J’entends vos bêlemens ; ils ne sont que trop doux.
Que je vous plains ! que je vous aime !
Mais, quand je ne puis rien dans mes maux pour moi-même
Hélas ! que pourrais-je pour vous ?

Puissiez-vous chers moutons, dans les gras pâturages,
Vivre dans une heureuse et douce oisiveté !
Puisse Pan, attentif à votre sûreté,
Vous garantir des maux, des loups et des orages

Ainsi l’aimable Iris, sur les bords d’un ruisseau,
Livrée à sa douleur mortelle,
Éloignait à regret pour jamais d’auprès d’elle
Son triste et fidèle troupeau.