Traduction par Charles Héguin de Guerle.
Poésies de CatullePanckoucke (p. 37-39).

XXIII.

À FURIUS.


Furius, toi qui n’as ni feu, ni valet, ni cassette, ni punaises, faute de lit, ni araignées, faute de maison ; mais un père et une belle-mère dont les dents pourraient broyer des cailloux ; que ton sort est heureux avec un tel père, et avec le squelette qu’il a pour femme ! Faut-il s’en étonner ? Vous’vous portez bien tous les trois, vous vous digérez à merveille, vous ne redoutez rien, ni incendie, ni chute de maisons, ni meurtres, ni tentative d’empoisonnement, ni aucun des dangers auxquels les riches sont exposés. Quoi ! parce que le chaud, le froid et la famine ont rendu ton corps plus sec que la corne, plus transparent que l’écaillé, est-ce une raison pour ne pas te croire heureux et même fortuné ? Sueur, salive, catharre du cerveau, toutes ces infirmités te sont Inconnues. À tous ces motifs de propreté s’en joint un plus grand encore : tu as l’anus plus net qu’une salière, car tu ne vas pas dix fois par an à la garde-robe ; encore n’est-il pas de fève, de cailloux aussi durs que tes déjections ; et tu peux le passer de serviette, sans crainte de te salir les doigts. Garde-toi donc, Furius, de mépriser de si précieux avantages. Pourquoi demander sans cesse aux dieux cent mille sesterces ? n’es-tu pas assez, heureux ?