Poésies (Quarré)/Mélancolie

Poésies d’Antoinette QuarréLamarche ; Ledoyen (p. 211-215).




MÉLANCOLIE.



Mélancolie.


« Des chants, des chants encor, dites-vous à ma lyre,
 « Des chants, des chants toujours. »
Et dans les pleurs, hélas ! ma faible voix expire,
Mon cœur n’a plus d’amours.

Naguère, il m’en souvient, j’ai rêvé d’espérance ;
Mais j’étais jeune alors,

Je n’avais de la coupe où je bois la souffrance
Effleuré que les bords.

Et mon souffle brûlant aspirait cette écume,
Et je disais : Au fond
Ma lèvre va trouver le miel sous l’amertume,
Car le vase est profond.

Mais plus épaisse encor j’ai vu monter la lie,
Et mon cœur, tout-à-coup,
Comme un poison funeste a rejeté la vie,
Vaincu par le dégoût.

Et vous voulez des chants ! mais au fantôme pâle,
Qui traverse à minuit le domaine des morts,
Allez-vous demander l’hymne lente et fatale
Dont son reste de voix fait gémir les accords ?

Eh bien ! je suis pareille à l’ombre inanimée
Errant d’un pas sans but aux sentiers d’ici-bas ;
De mon cœur désormais la tombe est seule aimée ;
Dans son repos sans fin l’ame ne souffre pas.

Et quelquefois encor, si ma lèvre murmure
Des vers entrecoupés, poétiques lambeaux,
Comme un parfum versé devant ma sépulture,
C’est un chant de la mort, c’est un hymne aux tombeaux.