Poésies de Marie de France (Roquefort)/Fable LXXXVI
Poésies de Marie de France, Texte établi par B. de Roquefort, Chasseriau, , tome II (p. 355-357).
FABLE LXXXVI.
Une Mouskes et uns Ez tencèrent[2]
Et ansamble se currecèrent.
La Mousque dist que mielz valeit
E qu’en tel leu aler poeit
U cele ne s’oseit véoir,
Deseur le Roi pooit seoir,
E qantkes li Es purchaceit[3]
Li ert tolus è si est tuée
E de se maisun fors-boutée[4].
Geo et mi cumpaignuns menguns
De tun miel tant cum nus vuluns.
Li Ez respunt, tu as dit veir
Mais il est légier[5] à saveir
Qui plus est vilz ke jeo ne sui ?
Qar en tuz lius faiz-tu anui.
Siez là ù siez, vas là ù vas,
Jà par tun fait honur n’aras.
Geo sui par le mien fait amée
E moult chièrement hunerée.
Einsi est du puvre félun
Qant il a le bien à-bandun[6],
Vers les meillours trop se derroie[7],
E de parole se nobloie ;
Par grant desduig mes contralie
E s’aucuns est ki bien li die
La vérité de sun affaire
En plaine curt le fera traire[8].
- ↑ La Fontaine, liv. IV, fab. iii. La Mouche et la Fourmi.
Idem, liv. VII, fab. ix. Le Coche et la Mouche.
Phædr., lib. IV, fab. xxiii. Formica et Musca.
Idem, lib. III, Musca et Multu.
Lockman, fab. xiii.
AEsop., fab. ccxvii.
Anon. Nilant., fab. xxvii.
Le Grand d’Aussy, Fabliaux in-8o, tom. IV, p. 169. - ↑ Une Mouche et une Abeille s’étant prises de querelle, se mirent à disputer.
- ↑ Et lorsque l’Abeille, avoit cherché, ramassé et travaillé son miel, on le lui enlevoit, puis on la tuoit et jetoit hors de sa ruche.
- ↑ Ce discours de la Mouche à l’Abeille prouve qu’on ne savoit extraire des ruches le miel et la cire qu’en y faisant périr, au moyen de la fumée, l’essaim tout entier. L’art de châtrer les ruches n’étoit pas encore inventé ; il fut trouvé dans le Gâtinois, et c’est de-là qu’il s’est répandu en France. Voyez sur les Abeilles les différents traités de Manuel, Lombard, Ducarne de Blangy, etc. ; mon édition de la Vie privée des François, tom. II. p. 205—207.
- ↑ Facile à croire.
- ↑ En abondance, avec profusion.
- ↑ S’égare sort des bornes.
- ↑ Sortir.