Poésies (Desbordes-Valmore, 1822)/La Pastourelle

Théophile Grandin (p. 158-159).

LA PASTOURELLE.

Elle s’en va la douce pastourelle,
Elle retourne où l’attend le bonheur.
« Je ne vis plus, faut m’en aller, dit-elle ;
Faut m’en aller où j’ai laissé mon cœur.

» Un beau pasteur me le retint pour gage :
On veut un gage en perdant le bonheur.
M’en vas chercher le gardien et l’otage ;
Me faut mourir ou retrouver mon cour. »

« — Racontez-nous, pastourelle naïve,
Votre aventure et celle du pasteur. »
« — Non, non, dit-elle, avec sa voix plaintive ;
Ne parlerai qu’en retrouvant mon cœur.

» Sur cette rive, où je suis étrangère,
On m’obligeait à chanter le bonheur.
Bonheur perdu rend la voix moins légère ;
N’ai jamais su chanter qu’avec mon cœur.

» Tous les matins, ainsi que l’alouette,
Ne m’éveillais qu’en chantant le bonheur ;
Puis du pasteur j’écoutais la musette,
Et je trouvais un écho pour mon cœur.

» Nous faut rester où l’âme est asservie.
Tout est si bien avec mon beau pasteur !
Il me rendra mon bien, ma voix, ma vie,
Et sur son cœur retrouverai mon cœur. »

« — Espoir vous guide en ce pèlerinage !
Ne pleurez plus ; son terme est le bonheur.
L’Amour sourit, l’Amour est du voyage ;
Il ira vite, il cherche votre cœur. »