Poésies (Desbordes-Valmore, 1822)/La Pèlerine

Théophile Grandin (p. 173-174).

LA PÈLERINE.

Pèlerine, où vas-tu si tard ?
Le temps est à l’orage.
Peux-tu confier au hasard
Tes charmes et ton âge ? »
« — Ermite, n’ayez point de peur.
Du ciel je ne crains plus la foudre ;
Que ne peut-il réduire en poudre
L’image qui brûle mon cœur ! »

« — Ô ma fille ! donne un moment
À l’ami qui t’appelle ;
Viens calmer ton égarement
À la sainte chapelle. »
« — Ermite, mon âme est à Dieu ;
Partout il me suit, il me guide ;
Il m’a dit de fuir un perfide :
Je fuis l’Amour, Ermite, adieu. »

« — Pèlerine, en fuyant l’Amour,
Que la pitié t’enchaîne.
Un malheureux, depuis un jour,
Pleure ici sur sa chaîne. »

« — Un malheureux ! c’est un amant,
Mon père, donnez-lui vos larmes.
Blessée au cœur des mêmes armes,
Je mourrai du même tourment. »

« — Ma fille, lève au moins les yeux
La pitié te l’ordonne.
Cet amant n’est plus malheureux
Si ton cœur lui pardonne. »
Le coupable alors se montra ;
L’Amour pria pour le parjure ;
L’Ermite effaça son injure,
Et la pèlerine… pleura.