Poésies (Amélie Gex)/La Voix du Vent

Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 79-81).

LA VOIX DU VENT



Quelles voix passent plaintives
Dans les créneaux du manoir ?…
Les grands vitraux des ogives,
Pourquoi tremblent-ils le soir ?…
Sous le pignon des tourelles
Qui vient sanglotter souvent ?…
— Fridda, ces plaintes sont celles,
      Sont celles du vent ! —

Qui fait grincer les lanternes
À la cime des donjons ?
Qui gémit sous les poternes ?…
Qui pleure dans les ajoncs ?…
Pourquoi les vieilles poutrelles
Craquent-elles si souvent ?…
— Fridda, ces plaintes sont celles,
      Sont celles du vent. —


Dans la haute cathédrale,
Quand a sonné l’Angélus,
Une note musicale
Vient allonger l’Orémus…
Ou bien un bruit de crécelles
Aux chantres répond souvent…
— Fridda, ces notes sont celles,
      Sont celles du vent. —

Sur la grève, où l’on s’embarque
Dans les beaux soirs enchantés,
Sœur, qui vient bercer la barque
Sous les saules argentés ?…
Aux fragiles balancelles
Qui prête une aile souvent ?…
— Fridda, ces ailes sont celles,
      Sont celles du vent. —

De la forêt, quand j’écoute
Tous les bruits mystérieux,
Sœur, dis-moi qui sous la voûte
Murmure un refrain pieux ?
Harpes ou violoncelles
Qui me font pleurer souvent…
— Fridda, ces rumeurs sont celles,
      Sont celles du vent. —


Je croyais que la tempête
Sur les sombres océans,
Sœur, était la seule fête
Que Dieu permit aux autans…
Ici-bas, à ces rebelles
Il pardonne donc souvent,
Puisqu’aux choses les plus belles
      Il mêle le vent !…