Poésies (Amélie Gex)/Au fond des Bois

Claude-Paul Ménard Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 74-76).

AU FOND DES BOIS


J’écoute le bruit qui tombe
Avec le jour dans les bois.

Eugénie de Guérin.


Quand le soleil va cachant,
Sous la pourpre du couchant,
              Sa pompe ;
Le lac, limpide miroir,
Des brunes ombres du soir
              S’estompe.

Comme au feu reluit l’acier,
Le front pâle du glacier
              S’irise
De quelques rayons encor
Que le beau nuage d’or
              Tamise.

Voilà l’heure où bien souvent,
Comme un amoureux fervent
              Qui rêve,
Je vais écouter les voix
Qui chantent au fond des bois
              Sans trêve !…


Je vais comptant les soupirs
Qu’adressent les blonds zéphirs
              Aux nues,
Et j’entends rire l’ondin,
Quand les nymphes vont au bain
              Trop nues…

Des romances des grillons,
Bruyants ténors des sillons,
              J’écoute
Les refrains fastidieux,
Que l’écho capricieux
              Redoute.

De tout murmure imprudent
Je me fais le confident :
              J’accueille,
En ami sûr et discret,
Ce que dit au vent distrait
              La feuille…

Je sais le chant du roseau
              Quand l’arbre dit à l’oiseau :
               — Je t’aime ! —
Et je traduis des buissons
Tous les amoureux frissons,
              De même.


Chacun me traite en ami :
La fauvette et la fourmi,
              Sans crainte,
Me font part de leurs chagrins,
Et je reçois des tarins
              La plainte…

Car, hélas ! j’ai tant souffert,
Que mon cœur, à livre ouvert,
              Sait lire
Ce mot que dans la douleur
Homme, oiseau, zéphir ou fleur
              Soupire !…