Poésies (1820)/Élégies/Les deux Amours

PoésiesFrançois Louis (p. 58).


LES DEUX AMOURS.


Je m’ignorais encor, je n’avais pas aimé…
Ô Dieu ! si ce n’est toi, qui pouvait me l’apprendre ?
À quinze ans, j’entrevis un enfant désarmé ;
C’était l’Amour ; plus folâtre que tendre,
D’un trait sans force il effleura mon cœur ;
Il fut léger comme un riant mensonge ;
Il offrait le plaisir, sans parler de bonheur ;
Il s’envola… Je ne perdis qu’un songe.

C’est dans tes yeux que j’ai vu l’autre Amour,
Dont le premier regard trouble, saisit, enflamme,
Qui commande à nos sens, qui s’attache à notre âme,
Et qui l’asservit sans retour.
Cette félicité suprême,
Cet entier oubli de soi-même,
Ce besoin d’aimer pour aimer,
Et que le mot amour semble à peine exprimer ;
Ton cœur seul le renferme, et le mien le devine ;
Je sens à tes transports, à ma fidélité,
Qu’il veut dire à la fois, bonheur, éternité !…
Et que sa puissance est divine.