Poésies (Éphraïm Mikhaël)/Les Fleurs vénéneuses

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LES FLEURS VÉNÉNEUSES





Les fleurs vénéneuses, dans la forêt, surgissent de toutes les branches. Elles sont farouches et tumultueuses ; elles ressemblent à des bêtes, elles ressemblent à des mains qui sont mortes, et aussi à de vieilles plaies et à des bouches infâmes. Elles allongent leurs tiges comme des cous de hideux oiseaux ; elles se penchent affreusement l’une vers l’autre, au-dessus des sentes étroites, et elles font gicler de leurs calices des pluies haineuses de venin.

Mais le cavalier, ayant clos selon les préceptes les grilles d’or de son casque, chevaucha paisiblement sous les ramures de poison.

Vers le soir, des molosses sortirent des halliers. Ils bondissaient, écumaient, hurlaient ; et quelques-uns déjà, la gueule sanglante, sautaient au poitrail nu du destrier. Le cavalier prit un fouet, un fouet d’ivoire aux cordes de lin. Il frappa les molosses brusquement apaisés. À travers les brumes crépusculaires, tous les chiens s’enfuirent silencieusement.

Des fossés larges comme des fleuves coupaient la route. Le cheval les franchit d’un saut paisible, et parce qu’il avait une émeraude sertie au centre du chanfrein, il évita aussi les pièges de fer cachés sous les feuilles mortes et les ramilles