Poèmes incongrus/Le Clysopompe

Poèmes Incongrus : suite aux Poèmes mobilesLéon Vanier, bibliopole (p. 36-37).

LE CLYSOPOMPE


N’auriez-vous pu, madame, à mes regards cacher
L’objet dont vous ornez votre chambre à coucher.
Je suis observateur, et, si je ne me trompe,
Le bijou dont je parle était un clysopompe !

Jamais on n’avait vu pareil irrigateur !
Orné d’un élégant tuyau jaculatoire,
Vers le ciel il tendait sa canule d’ivoire.
Spectacle sans égal pour l’œil d’un amateur !

Sur la table de nuit dans l’ombre et le mystère,
Sans doute il attendait votre prochain clystère…
Mais qu’importe si j’ai d’un regard indiscret
De vos ablutions pénétré le secret !

Ce qu’il faut vous conter, c’est que la nuit suivante
Un cauchemar affreux me remplit d’épouvante :
J’ai rêvé… que j’étais clysopompe à mon tour,
De vos soins assidus entouré nuit et jour.


Vous me plongiez soudain au fond d’une cuvette,
Vous pressiez mon ressort d’une main inquiète,
Sans vous douter, hélas ! que votre individu
Contre mes yeux n’était nullement défendu.

Et moi je savourais l’horizon grandiose
Que je devais, madame, à ma métamorphose.
Si bien qu’en m’éveillant j’étais convaincu
D’avoir toute la nuit contemplé votre.....