Poèmes incongrus/Le Banquet des Maires

Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Banquet des maires.

Poèmes Incongrus : suite aux Poèmes mobilesLéon Vanier, bibliopole (p. 22-24).

LE BANQUET DES MAIRES


Enfant gâté de mon canton,
Depuis quatorze ans je suis maire,
Bien que je me flatte, dit-on,
D’être un peu réactionnaire.
Un beau matin monsieur Floquet
Me dépêche une circulaire.

Il me convie au grand banquet
Que nous offre le Ministère !

bis.


« Je t’en prie, Hector, n’y va pas.
Me disait en pleurant ma femme ;
Ils ont inventé ce repas
Pour se faire de la réclame ! »
Mais je lui répondis : « Tais-toi,
Joséphine, c’est mon affaire,

Je ne suis pas fâché, ma foi,
De voir de près ce Ministère !

bis.


Je pars la veille du grand jour
Suivi de toute la fanfare,
Les pompiers viennent à leur tour,
M’accompagner jusqu’à la gare.
Mille gamins poussent des cris ;
Faut-il que je sois populaire !

Le voyage est à moitié prix ;
Un bon point pour le Ministère !

bis.


Nous étions quatre mille et plus
Entassés dans la grande salle.
Un vrai festin de Lucullus !
À sa place chacun s’installe.
Un grand laquais d’un air narquois
Sans cesse me remplit mon verre ;

C’est du bordeaux de premier choix,
Ne blaguons plus le Ministère.

bis.


« Monsieur, murmure près de moi
Un maire habitant des montagnes,
Vraiment je ne sais pas pourquoi
Ça va si mal dans nos campagnes ! »
— Oui, m’écriai-je tout à coup,
Chez nous non plus ça ne va guère !

En attendant buvons un coup
À la santé du Ministère ! »

bis.


On n’entendait plus d’autre bruit
Que le craquement des mâchoires ;
Floquet n’avait pas d’appétit,
Mais il calculait ses victoires !
Vrai Dieu ! sommes-nous bien traités !
On nous prend par la bonne chère.

Passez-moi les petits pâtés,
Vive à jamais le Ministère !

bis.


Neuf heures ! il faut s’en aller,
Tant pis, car la cuisine est bonne.
Je sens mes jambes flageoler,
À mes voisins je me cramponne !
Cahin, caha, chacun partait,
Trébuchant et roulant par terre :

Braves gens ! murmurait Floquet.
Ils soutiendront le Ministère !

bis.