Poèmes (Canora, 1905)/Romance d’automne

(p. 151-152).


ROMANCE D’AUTOMNE


Par les coteaux baignés de brume matinale,
Par la plaine qui dort sous le long ciel bleu pâle,
Par la forêt profonde où meurt l’appel des cors,
Nous avons, en chantant la splendeur automnale,
Cueilli de frêles palmes d’or.


Repose, maintenant, sur ce lit de fougères,
Sous mes tièdes baisers referme tes paupières.
Silence. — On n’entend plus que battre nos deux cœurs.
Sens-tu ces parfums lourds qui montent de la terre,
L’âme des plantes et des fleurs ?


Il fait si doux t’aimer quand la rose se penche,
Lorsque le vent plus frais qui caresse les branches
Verse sur les gazons les feuillages palis ;
Si doux de respirer contre ta gorge blanche
Ton souffle odorant comme un lys !


Étreins-moi longuement, ma mie, et ne soupire ;
En vain le sol profond tressaille et nous attire
Où l’arbre et l’être humain ne seront qu’une chair !
L’automne est beau. Ce soir jette avec un sourire
Des roses mortes au feu clair !


Quand les pétales fins se tordront dans la flamme,
Alors je presserai ta bouche qui se pâme
Sous ma lèvre brûlante, et nous nous unirons,
Puis, tous deux enlacés, fiers de n’être qu’une âme
Jusqu’à l’aube nous chanterons !


Et quand viendra le soir de l’Automne suprême,
Quand la Mort, en passant, mordra notre front blême,
Quand notre corps sera cendre ou flamme à son tour,
Le vent qui m’entendit répétera : je t’aime
À ceux qui pleureront d’amour.