Poèmes (Canora, 1905)/Chant de lyre au dernier crépuscule

(p. 57-58).

CHANT DE LYRE AU DERNIER CRÉPUSCULE


Lyres pleureuses
Au loin !
Soupirs qui montez des forêts mystérieuses,
Bercez les âmes douloureuses,
Lyres pleureuses,
Au loin !



Sur le sable fin des rivages,
La lune a répandu des ruisselets d’argent,
Des flots de vapeur au reflet changeant
Pour la dernière fois, s’envolent des nuages…
Pour la dernière fois, les jardins pleins de lys
Exhalent des senteurs, suprêmes, languissantes
Sous les voûtes resplendissantes
De topazes et de rubis !


Un lourd sommeil s’étend sur les plaines immenses,
Au fond des cœurs brisés meurent les espérances,
Ne plus vouloir, ne plus souffrir,
Échapper au poignant désir
De voir une nouvelle aurore…
Oublier tout et s’endormir
En l’infini dormir encore !
Tomber au flamboiement des cieux
Et reposer sous les étoiles,
Les étoiles aux regards bleus
Qui tremblent dans les cieux sans voiles !
Ne plus vouloir, ne plus souffrir.
Au loin la lyre
Expire.
Dormir.
Dormir !