PleureusesErnest Flammarion (p. 153-156).


LA RESSEMBLANTE


Hier, sur le mail sombre et doux
J’ai cru vous voir, Évangéline,
Errant dans le soir qui décline…
Mais hélas ! ce n’était pas vous.

À chaque pas de la montée
L’illusion m’allait quittant.
Ce n’était pas vous, et pourtant
Votre caresse m’est restée.


Et bien que mes pauvres yeux fous
Aient laissé la passante grise,
Dans le soir comme en une église
Ce fut le miracle de vous.

Votre nom remplit ma pensée,
Parfum séparé de sa fleur,
Et l’espace devint meilleur
Comme si vous étiez passée.

Votre souvenir éternel
A mieux chanté dans mon silence
Et j’ai béni la ressemblance,
Cet humble fantôme réel.

J’ai béni l’étrangère, l’autre,
L’ange furtif qui ne sut rien.
Son cœur obscur était le sien
Mais sa lumière fut la vôtre !


Et tout frissonnant de vous voir,
J’ai repris ma marche sans trêve
Et j’ai rêvé notre grand rêve,
Comme de la nuit dans le soir !