Pleureuses/09
Laissons l’âpre reflux monter de toutes parts.
Laissons l’orage et les cités, — laissons la terre,
Laissons les pays forts au vol traînant des chars.
Quittons les palais d’or et les tombes de marbre,
Allons dans le pays mélancolique et bleu
Où les grands luths d’airain sont suspendus aux arbres.
Là, nous verrons des cieux paisibles et des lacs,
Des collines avec de grands lis aux fleurs droites,
L’eau grise où descend l’ombre immobile des bacs.
Nous verrons des dieux forts et des déesses nues
Troubler dans les bosquets sombres des grands lauriers
Le sommeil nuptial des forêts inconnues.
Dans ce pays divin pâle comme le ciel,
Nous verrons s’attendrir le soleil pacifique
Que nous voulions jeter dans l’azur du réel.
Quand nous aurons marché très longtemps sur ces grèves
Près de l’océan calme et des horizons bleus,
Nous n’aurons pas cessé de regarder nos rêves.
Dans l’extase, l’amour et le recueillement,
Dans la conception d’un idéal unique,
Nos âmes se seront jointes exactement.