PleureusesErnest Flammarion (p. 37-38).


NOUS NOUS SOMMES REVUS


Le silence est un pardon
Plus triste.


Nous avons eu le jour et le matin livide
Et le rêve éternel que nous rêvions en vain…
Nous avons eu la vie avec sa place vide
Et le large soleil sans parole et sans pain !

Nous avons eu la paix de toutes les journées ;
Les rêves de voix basse et les repos trop lourds.
Et nous nous en allons avec nos destinées
Et nos yeux désolés se chercheront toujours.

Oh ! que tu dois souffrir tandis que l'ombre rampe,
Que la chambre s’emplit de la pâleur des cieux,
Que le soir indolent en attendant la lampe
Fais toute attente grise auprès des rideaux vieux.


Que t’importe à présent l’espoir crépusculaire,
Assise avec le soir, douce sainte d’amour.
Oh ! tu ne songeais plus à lever ta paupière
Vers le côté divin d’où tombe un peu de jour.

Passons, passons toujours, errons où nous errâmes
Et regardons l’espace à nos yeux étendus,
Pauvres gens isolés dans le parc, pauvres âmes
Qui voulions retrouver le paradis perdu !

Tout est mort, tout est mort, l’azur et l’innocence,
Et ce que veille l’ombre et ce qui nous attend,
Et tout ce qu’on bénit quand on passe en silence
Et tout ce qu’on écoute et tout ce qu’on entend !

Parcourons le vieux parc qui jadis fut le nôtre,
Le parc de vieux étangs, de feuilles et d’amours,
Marchons désespérés et très doux l’un à l’autre…
Oh ! la vie, oh ! le mal de s’en aller toujours !…