Pierrot et sa Conscience/II
II
Ils sortirent du caveau, dont Pierrot avait la clef dans sa poche, et, — sans suivre les rues des morts, glissant entre les monuments funéraires, heurtant les croix, effleurant les herbes, — ils s’en allèrent, bras dessus, bras dessous, voir s’il existait encore des viveurs parisiens de mi-carême. Pierrot avait aimé des femmes innombrables, ou, s’il ne les avait pas toutes aimées, il
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Elle s’appelait Pierrette, et, pour cette nuit, sans doute, Carêmette, quasi pareille, — exquisement, si délicatement androgyne, — quasi pareille, en femme, à son camarade, comme une goutte d’encre à une goutte d’eau, avec son costume fantaisiste, culotte courte de satin noir, collerette noire et corsage noir transparent, décolleté en pointe jusqu’à la ceinture, formant un cadre délicieux à la poitrine blanche et aux menus seins pointés en l’air ;
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Elle avait consenti aux amours passagères de son frère et elle se prêtait encore à cette curiosité posthume.
Après s’être fait peindre, par un rapin montmartrois, deux cartes extravagantes, attachées en bandoulière, l’une à un ruban blanc, l’autre à un ruban noir, ils traversèrent le boulevard des Batignolles et virent bientôt tourner des ailes de moulin,
des ailes de feu, pourpre et or :
et coiffé d’un chapeau pointu,
le moulin fait de la vertu
des filles la blanche farine.