Phonétique d’un parler irlandais de Kerry/1-3

Première partie. Le système consonantique.
Chapitre III. — Les spirantes



Chapitre III
Les spirantes

§ 48. Les spirantes se divisent en labiales (ou labio-dentales, selon les sujets) et guttu­rales. Il n’existe pas de spirantes dentales, corres­pondant aux occlu­sives dentales. En revanche, on retrouve dans le système des spirantes les deux opposi­tions qui dominent le système des occlu­sives : oppo­sition entre palatales et vélaires, qui s’étend au reste à tout le système conso­nantique ; oppo­sition entre sourdes et sonores qui, comme on le verra, est spéciale aux occlu­sives et aux spirantes.

vélaires palatales
lab.

gutt.

lab.

gutt.

Sourdes. . . . .  f χ (χʺ) ç
Sonores. . . . .  v (w), () ǥ (ǥʺ) j

Le système des spirantes est en pleine évolution.

§ 49. Les spirantes labiales sont, chez les sujets âgés, des bila­biales mais ce type archaïque tend, dans notre parler comme dans la plupart des langues où il s’est rencontré, à s’éliminer, et l’on peut dire que tous les sujets de moins de cinquante ans ont des spirantes labio-dentales ; par ailleurs v (w) nasalisé est rare et tend à être supplanté par v (w) non nasalisé (quoique toujours avec nasa­lisation des voyelles environ­nantes).

En ce qui concerne les spirantes guttu­rales se fait sentir une tendance à l’ouverture.

On verra, à propos de chaque phonème, comment χ et h sont confondus dans certains mots, comment ç ne subsiste plus dans notre parler qu’à l’initiale, comment j, qui occupe dans le système de la langue la place d’une spirante, n’est à propre­ment parler qu’une demi-voyelle.

Le système des spirantes est, par l’effet de ces deux tendances, la seule partie du conso­nantisme du parler qui présente des flotte­ments indivi­duels assez généraux et prononcés.

Spirantes labiales

§ 50. Vélaires. — Dans le type bilabial ancien la position des lèvres est la même que pour l’articu­lation de p, b, avec cette diffé­rence que l’air ne cesse de s’échapper entre les lèvres légère­ment écartées ; les lèvres ne sont jamais arrondies pour la sourde f, mais, à côté de la sonore v, on peut voir appa­raître une labiale arrondie w.

La vélari­sation est très nette.

Devant voyelle d’avant ou mixte d’avant apparaît un glide vélaire ʷ.

Dans le type labio-dental, qui est celui des deux dernières généra­tions, le resserre­ment du passage de l’air est causé par le contact des dents du haut avec la lèvre infé­rieure, qui reste lâche. La position de la langue est la même. Les sujets qui ne possèdent plus les bila­biales non arrondies peuvent cependant avoir le w.

§ 51. f (écrit f, aussi, à l’initial, ph‑, à l’intérieur, ‑mhth‑, bhth).

f est une spirale bilabiale, ou labio-dentale, selon les sujets (voir plus haut), sourde et vélarisée. Le glide w, là où il apparaît après f, est sourd.

Je n’ai pas rencontré de forme nasalisée de f, quoiqu’on pût en attendre une dans les mots ɑ꞉fəχ (ámhthach) « cependant » ; lʹi꞉ᵊfə (líomhtha) « poli, souple », etc.

§ 52. f se trouve en contact avec des voyelles ou avec des consonnes vélaires, et ceci, en position initiale aussi bien que médiane. A la finale, seulement dans des emprunts récents.

fɑ꞉s (fás) « croître » ; fɑ꞉h (fáth) « raison » ; fɔkəl (focal) « mot » ; fo꞉d (fód) « motte de terre » ; fᴀᴜn (fonn) « désir » ; ɛr fõ꞉nəv (ar fóghnamh) « en bon état » ; fʷᴇ̈꞉r (faobhar) « tranchant (d’une lame) » ; fʷɪ꞉ʃtʹɩnʹɩ (faoistine) « confession » ; fʷɪ꞉ʃəv (faoiseamh) « répit » ; flahᴜ꞉ⁱlʹ (flaitheamhail) « généreux » ; frᴇ̈꞉ᵊχ (fraoch) « bruyère » ; fo꞉s ʃeꞏ (phós sé) « il épousa » ; ə fɑ꞉dᵊrɪgʹ (a Phádraig) « Patrick ! » ; do fɑ꞉ʃtʹi꞉ (do pháisti) « tes enfants ».

fɑ꞉kfər (fágfar) « on laissera » ; fɑ꞉kfʷɪ꞉ (fágfaí) « on laisserait » ; sgafʷɩrʹɩ fʹirʹ (scafaire fir) « un homme robuste et intrépide » ; dʹrʹïfᴜ꞉r, (dearbhshiúr) « sœur » ; lɔfə (lobhtha) « pourri » ; ʃαfo꞉ⁱdʹ (seafóid) « sottise » ; ᴜꞏəfɑ꞉s (uathbhás) « chose horrible » ; gə dʹαrəfə (go dearbhtha) « certainement » ; nᴇ̈꞉ᵊfə (naomhtha) « saint » ; tɑfənt (tafant) « insister ».

A la finale : sg̬ɑrf (scarf) « écharpe ».

§ 53. v, (écrit bh, mh, quelquefois non noté à l’initiale ou à la finale devant ou après ).

v bilabial ou labio-dental s’articule comme f, bilabial ou labio-dental, mais est sonore.

Là où v remplace un ancien m devenu spirant, il peut être nasalisé, et il l’est chez certains sujets âgés, quoique la prononciation non nasalisée soit aussi répandue, même chez la plus vieille génération. En revanche, les voyelles environnantes sont généralement nasalisées.

Nous ne notons pas d’ordinaire la nasalisation toujours capricieuse et dans certains cas non attestée de v.

§ 54. v apparaît en contact avec des voyelles et avec des consonnes vélaires, en position médiane ou finale et, à l’initiale, seulement comme alternance grammaticale de f, de b ou de m, ou, exceptionnellement, dans des emprunts récents.

ɛr ə vɑlə (ar an bhfalla) « sur le mur » ; ən vɑnfɑ꞉ tɑməl (an bhfanfá tamall ?) « est-ce que tu restes un instant ? » ; ɑnəvo̤χt (ana-bhocht) « très pauvre » ; ə vɑ꞉hɩrʹ ou ə ṽɑ̃꞉hɩrʹ, ou ə vɑ̃꞉hɩrʹ (a mháthair !) « maman ! »

ɑnəvᴜχ, ou ɑnəvᴜ̃χ, ou même ɑnəṽᴜ̃χ (anamhoch) « de très bonne heure » ; ə vʷɪ̃꞉nʹəχ (a mhaoin­each) « chéri » ; ɑnəvʷᴇ̈ᵊχ (ana­bhuidheach) « très recon­naissant ».

kɑt tɑ꞉ vᴜɛtʹ (cad tá uait), « qu’est-ce que tu veux ? », etc., cf. § 295.

A l’initiale : vo꞉tə (vóta) « vote ».

kʹiꞏəlvər (ciallmhar) « raisonnable » ; klʹiꞏvɑ꞉n (cliabhán) « berceau » ; kʲo꞉lvər (ceolmhar) « gai » etc. (tous les adjectifs de cette classe ont le v non nasalisé) ; dəvɑ̃꞉n (dubhán) « hameçon » ; en général aussi avərk (amharc) « champ visuel » ; mais, avec v suscep­tible d’être nasalisé : əvɑ̃꞉ⁱnʹ (amháin) « seul » ; ɑdvɑ̃꞉ⁱlʹtʹ (admháilt) « avouer », ou əṽɑ̃꞉ⁱnʹ, ɑdṽɑ̃꞉ⁱlʹtʹ, lɑ̃꞉vʷɪ꞉χt ou lɑ̃꞉ṽʷi꞉ᵊχt (lamh­uíocht) « coup de main, aide ».

dᴜv (dubh) « noir » ; ɩnʲλv (indiu) « aujourd’hui » ; ganʲəv (gaineamh) « sable » ou ganʲə̃ṽ ; lɑ̃꞉v ou lɑ̃꞉ṽ (lámh) « main » ; sɑ̃꞉v ou sɑ̃꞉ṽ (sámh) « tran­quille » klᴜ̃꞉ṽ ou klᴜ̃꞉v (clúmh) « duvet » ; knɑ̃꞉v ou knɑ̃꞉ṽ (cnámh) « os ».

§ 55.
w

Forme arrondie de v. Peut être nasalisé dans les mêmes condi­tions que v. Apparaît de façon assez capri­cieuse.

Parfois à l’initiale, comme forme aspirée de m, b, devant , ɑ, a brefs, au lieu de v (ou ) :

χowᴀᴜn (chomhbhonn) « qui a le même sens » à côté de χovᴀᴜn ; ə wɑk (a mhac) « son fils », à côté de ə vɑk ; də warʹɩvʹ ʃeꞏ eꞏ (do mhairbh sé é) « il le tua ».

Dans des emprunts récents : waɩrʹ (wire) « fil de fer ».

Quand un mot commence par ᴜꞏɛ, il peut arriver que, l’accent frappant la deuxième partie de la diph­tongue (cf. § 211), la première partie donne la demi-voyelle w : wɛnʹɩ (uaine) « gris ou vert ».

Enfin v intervocalique (suivi de glide vélaire) peut donner w, par exagé­ration de la tendance à l’arron­disse­ment que présente v, quoique normale­ment celui-ci ne soit pas nettement arrondi :

dʹi꞉wi꞉nʹ (díomhaoin) « oisif », à côté de dʹi꞉vʷɪ̃꞉nʹ ; sg̬ʹαw̃ɪ̃꞉ᵊl (sceamh­uíol) « aboyer » ; rɑ̃꞉w̃ɪ̃꞉ᵊχt (rámh­uíocht) « ramer ».

§ 56. Palatales.—Dans le type bilabial, la position des lèvres est la même que pour l’articu­lation de , , sauf que l’occlusion n’est pas complète. La partie anté­rieure de la langue est élevée dans la direction de la position i. Devant voyelles d’arrière ou mixtes d’arrière apparaît un glide palatal j.

Dans le type labio-dental, normal chez les plus jeunes généra­tions, le resserre­ment du passage de l’air est causé par le rapproche­ment des dents du haut et de la lèvre infé­rieure, qui est tendue, les coins de la bouche étant tirés en arrière. La position de la langue est la même.

§ 57. (écrit f, aussi ph- à l’initiale, ‑thbh- en position médiane).

est une spirante bilabiale ou labio-dentale, selon les sujets (voir plus haut), sourde et palata­lisée. Quand est suivi d’un glide j, ce dernier est sourd.

se rencontre en contact avec des voyelles ou avec des consonnes palatales, aussi bien en position initiale que médiane ; à la finale seulement dans des emprunts récents.

fʹi꞉ᵊr (fíor) « vrai » ; fʹïs (fios) « savoir » ; fʹiꞏɛnʹ (fiadhain) « sauvage » ; fʹe꞉nʹ (féin) « même » ; αr (fear) « homme » ; fʲo꞉ⁱlʹ (feóil) « viande » ; fʲᴜ꞉ (fiú) « digne (de) » ; fʹlʲλχ (fliuch) « humide » ; də fʲaᴜn (do pheann) « ta plume » ; ɩ fʹαtə vʹigʹ (a pheata bhig) « enfant gâté ! (terme d’amitié) ».

αfʹrʹən et αfʹⁱrʹən (aifreann) « messe » ; ɑ꞉ⁱfʹe꞉ʃ (áiféis) « exagé­ration » ; dʹᴇfʹɩrʹ (deithbhir) « hâte » ; ɛfʹɩgʹ (oífig) « bureau ».

stɪfʹ (stuif) « substance, matériel ».

§58
(écrit bh, mh et, à l’initiale, v‑, bhf‑).

s’articule comme , mais est sonore. Il existe, pour comme pour , une forme bilabiale ancienne et une forme labio-dentale récente.

se rencontre, comme en contact avec des voyelles ou avec des consonnes palatales ; ne se rencontre à l’initiale que comme alter­nance gramma­ticale de , , ou dans des emprunts récents.

Il existe une forme nasalisée ṽʹ qui apparaît lorsque repré­sente un ancien devenu spirant. Cette forme n’est au reste pas générale et n’apparaît que chez des sujets âgés.

Même chez les sujets où provenant de devenu spirant n’est pas nasal, la voyelle précé­dente et parfois la voyelle suivante sont plus ou moins fortement nasa­lisées (cf. § 127).

§ 59. vʹᴇʃtʹɩ (veiste) « veste » ; ɛr ɩ vʹì꞉ar (ar an bhféar) « sur l’herbe » ; de fʹì꞉ar (féar) « herbe » ; ɩ vʹì꞉atfɑ꞉ (an bféadfá ?) « est-ce que tu pourrais ? » ; do vʹẽ꞉rʹəntə (do mhéir­eanta) « tes doigts » ; ɑnəvʹä̃λⁱrʹ ou ɑnəṽʹä̃λⁱrʹ (ana-mheabhair) « vive intel­ligence » ; ɩ vʹikʲ o꞉ (a mhic ó !) « jeune homme ! » (en général non nasalisé) ; mavʹrʹo꞉ⁱtʹɩ (mabh­reóite) « maladif ».

i꞉vʹɩnʹ (aoibhin) « délicieux » ; i꞉vʹnʹəs (aoibhneas) « délice » ; lʹinʹɩvʹi꞉nʹ (leinbhín) « petit enfant » ; anʹɩvʹĩ꞉ ou anʹɩṽʹĩ꞉ (ainmhidhe) « animal » ; sɛvʹɩrʹ (saidhbhir) « riche ».

ganʹɩvʹ (gainimh), dat. de ganʲəv (gaineamh) « sable » ; nʹivʹ (nimh) « poison » ; oꞏ çiꞏɛnʹivʹ (ó chiainibh) « depuis un moment » ; nʹi꞉ rɛvʹ ʃeꞏ (ní raibh sé) « il n’était pas » ; ʃlʹe꞉vʹ (sleibh), dat. de ʃlʹiꞏəv (sliabh) « montagne » ; əgʷɩvʹ (agaibh) « à vous » ; lʹivʹ (libh) « avec vous ».

Spirantes gutturales

§ 60. Vélaires. — Arti­culées avec la partie posté­rieure du dos de la langue, rappro­chée du voile du palais ; les deux spirantes vélaires du parler corres­pondent assez bien respec­tive­ment au son ach et au ‑g- inter­vocalique de l’allemand. Cependant, dans notre parler, le canal par où passe l’air est plus large, la friction moindre, et la spirante se rapproche davantage d’un simple souffle.

Devant les voyelles d’avant ou mixtes d’avant se développe après les spirantes vélaires un glide vélaire w.

La position des lèvres se règle sur celle des phonèmes environ­nants, avec cependant tendance à avoir les lèvres lâches, et non collées sur les dents, par oppo­sition à ce qui se passe pour les spirantes palatales. Il n’y a pas d’arron­disse­ment. Il importe de souligner que ces spirantes ne sont pas des labio-vélaires.

§ 61. Il existe une variété de spirantes inter­médiaires entre les vélaires et les palatales quoique plus proches des vélaires, arti­culées avec le dos de la langue contre le palais dur ou contre la limite entre le palais dur et le voile du palais (cf. § 35). Ces phonèmes, qui appa­raissent seulement devant , , , n’étant pas caracté­ristiques, on ne les a pas distin­gués de χ, ǥ, dans le courant de la tran­scription ; on aurait pu le faire en les notant χʺ, ǥʺ.

§ 62.
χ (écrit ch, gh devant sourde, ‑dh à la finale des formes verbales).

χ est une spirante gutturale vélaire, sourde, compa­rable au son ach de l’allemand, mais plus ouverte, particu­lière­ment en position inter­vocalique ou finale. Le glide w qui la suit devant voyelles d’avant ou mixtes d’avant est assourdi.

χ se rencontre en contact avec des voyelles ou avec des consonnes vélaires, aussi devant , en position médiane ou finale, à l’initiale seulement comme alter­nance gramma­ticale de k ou dans quelques mots acces­soires.

Une variété avancée de χ, notée ici χʺ (voir plus haut) se rencontre devant , , .

χo꞉ (chomh) « aussi » ; χʷɪgʹ (chuigh) « vers » ; χu꞉m (chugham) « vers moi » ; χᴜ꞉ⁱg (cúig) « cinq » ; ə χɑrə (a chara) « cher ami ! » ; is trᴜꞏə lʲo̤m də χɑ꞉s (is truagh liom do chás) « je plains ton sort » ; χʷɪ꞉nʹɩgʹ ʃeꞏ (chuimh­nigh sé) « il se souvint » ; ɑnəχʷᴇ̈꞉ᵊl (anachaol) « très mince » ; ɑnəχlairʹɩ (ana­chladhaire) « fameux coquin » ; χrɑ꞉ eꞏ (mo chrádh é), excla­mation de chagrin, de krɑ꞉ (crádh) « contra­riété » ; bɑ꞉r ə χnɪkʹ (barr an chnuic) « sommet de la colline ».

ɑχʷɪnʹi꞉ (ath­chuinge) « prière » ; ɑχərnəχ (acharnach) « rocail­leux » ; gə bʹαχt (go beacht) « exacte­ment » ; dᴜ꞉χəs (dúthchas) « naissance » ; χə (lacha) « canard » ; faχ (faghta) « obtenu » ; ʃαχtɩnʹ (seacht­mhain) « semaine » ; səlaχər (salachar) « saleté ».

əmaχ (amach) « dehors » ; ɑχ (acht) « mais » ; brᴜꞏəχ (bruach) « rivage » ; et toute une série de noms et d’adjectifs en aχ ou ‑əχ, selon que l’accent porte ou non sur la finale (cf. pour plus d’exemples § 261).

§ 63.
Exemples où χ tend à passer à h.

χᴜ꞉hə (cúcha) « vers eux », à côté de χᴜ꞉χə (ici la tendance à la dissimi­lation a secondé la tendance à l’ouverture) : gɑh e꞉nʹɩ (gach éinne) « chacun » à côté de χ e꞉nʹɩ ; tʲɑ̃ŋgəhə (teangacha), plur. de tʲɑ̃ŋgə (teanga) « langue », à côté de tʲɑ̃ŋgəχə et, en général, divers pluriels en ‑əhə (‑acha) pour ‑əχə.

Inverse­ment on a parfois χ, concurrem­ment avec h, là où on atten­drait h. Ainsi dans gə brɑ꞉χ (go bráth), régulier pour gə brɑ꞉h, et dans kɑnəχᴇ̈꞉v (cad n‑a thaobh) « pourquoi ? » à côté de kɑnəhᴇ̈꞉v.

§ 64.
Exemples de χʺ.

χʺrʹᴇtʹ ʃeꞏ (do chreid sé) « il crut », de kʺrʹᴇdʹimʹ (creidim) « je crois » ; lɑ̃꞉v χʺlʹe꞉ (lámh chlé) « main gauche », de kʺlʹe꞉ (clé) « gauche » ; ɑnəχʺnʹαstə (ana­chneasta) « très poli », de kʺnʹαstə (cneasta) « poli ».

Tous mots que nous tran­scrivons régulière­ment avec χ : χrʹᴇtʹ ʃeꞏ, etc.

§ 65.
ǥ (écrit dh et gh).

S’articule comme χ, mais est sonore ; ǥ s’apparente à la spirante allemande dans tage. Le degré d’ouverture est approxima­tive­ment le même que pour initial, c’est-à-dire plus grand que pour la spirante corres­pondante allemande, sans que l’im­pression acous­tique cesse cependant d’être distincte de celle produite par un h sonore.

ǥ apparaît en contact avec des voyelles ou avec des consonnes vélaires, mais seulement en position initiale et, là même, seulement comme alter­nance gramma­ticale de d ou g.

Il existe une variété avancée de ǥ que l’on pourrait noter par ǥʺ, qui est la forme sonore de χʺ. Cette variété n’apparaît que comme alter­nance gramma­ticale de ou de , devant , , .

ɑnəǥɑrəv (ana-gharbh) « très rude », de gɑrəv (garbh) « rude » ; mo ǥʌrən (mo dhorn) « mon poing » ; is kᴜmə ǥötʹ (is cuma dhuit) « cela n’a aucune impor­tance pour toi », de dötʹ (duit) « à toi» ; ɑnəǥʷᴇ̈꞉ᵊh (anaghaoth) « vent violent », de gʷᴇ̈꞉h (gaoth) « vent » ; foǥʷɩnʹɩ (fo-dhuine) « quelques personnes », de dɪnʹi (duine) « personne » ; mə ǥrɑ꞉ (mo ghrádh) « mon amour » ; də ǥnɑ꞉h (de ghnáth) « d’habitude ».

§ 66.
Exemples de ǥʺ.

əŋ ǥʺrʹiꞏən (an ghrian) « le soleil », de gʺrʹiꞏən (grian) « soleil » ; ɑnəǥʺlʹikʹ (ana-ghlic) « très habile », de gʺlʹikʹ (glic) « habile » ; nə ǥʺnʹi꞉ᵊv (i n‑a ghníomh) « réalisé (en parlant d’une prédic­tion) ».

Tous mots que nous tran­scrivons régulière­ment avec ǥ : əŋ ǥrʹiꞏən, etc.

Il arrive qu’on entende ǥ, pour l’usuel g, dans des formes fléchies de la prépo­sition ɛg (ag) « à » ; əǥʷɪvʹ (agaibh) « à vous », etc.

Cette pronon­ciation paraît localisée dans certains hameaux.

§ 67. Palatales. — Arti­culées avec la partie anté­rieure du dos de la langue, rappro­chée du point le plus élevé de la voûte palatine. Le passage de l’air est plus resserré dans le cas de la sourde, qui est une véritable spirante, que dans le cas de la sonore (q. v.).

§ 68.
ç (écrit ch- et parfois sh‑).

ç est une spirante palatale sourde, prononcée plus en avant et avec une ouverture légère­ment plus consi­dérable que le son ich de l’allemand, sans que cependant le phonème cesse d’être nettement spirant et que la confusion avec soit possible.

ç se rencontre en contact avec des voyelles, ceci seulement en position initiale et, là même, seulement comme alter­nance gramma­ticale de ou de ʃ suivi de voyelles d’arrière ou mixtes d’arrière ;

dans ce dernier cas ʃ peut déve­lopper un glide palatal j qui, combiné avec le souffle sourd qui repré­sente l’alter­nance initiale de ʃ, donne ç ; là au contraire où ʃ ne développe pas de glide, la palata­lisation ne subsiste pas sous la forme « adoucie » et le résultat de l’aspi­ration est h (cf. § 89). Pour une évolution parallèle de « adouci », cf. Sommer­felt, Torr, § 197.

ᴀᴜnçαrt (anncheart) « injustice », de αrt (ceart) « droit » ; ɑnəço꞉ (anacheó) « brouil­lard épais », de kʲo꞉ (ceó) « brouil­lard » ; ɑnəçu꞉ⁱnʹ (anachiúin) « très tran­quille », de kʲu꞉ⁱnʹ (ciúin) « tran­quille » : αçαrt (neamh­cheart) « de travers » ; ən vʹαn çì꞉a (an bhean chéadhna) « la même femme ».

ɩ çɑ꞉ⁱnʹ (a Sheáin) « Jean ! », de ʃʲɑ̃꞉n (Seán) « Jean » ; ɩ ço꞉rʃɩ (a Sheóirse) « Georges ! », de ʃʲo꞉rʃɩ (Seóirse) « Georges » ; ɑnəçᴜ꞉l (ana­shiubhal) « longue marche », de ʃʲᴜ꞉l (siubhal) « marche » ; ço꞉ləmʷɩrʹ (sheól­amair) « nous nous mîmes en marche », de ʃʲo꞉lɩmʹ (seólaim) « je me mets en marche ».

J’ai entendu ç provenant du glide j combiné avec h dans anʹçᴜ (aith­niughadh) « recon­naître ».

§ 69.
j (écrit dh , gh- et quelque­fois non noté).

j est articulé sensible­ment au même point que ç, mais avec une ouverture plus consi­dérable. Ce n’est pas une spirante avec friction nette mais une demi-voyelle compa­rable au y d’anglais yes ou de français yeux.

j apparaît en contact avec des voyelles, en règle générale seulement à l’initiale, le plus souvent comme alter­nance gramma­ticale de ou  ; on peut noter aussi quelques cas de j appa­raissant à l’initiale devant un i, ou même, en position médiane, à la place d’un i deuxième élément de triph­tongue.

ɑnəjαs (anadheas) « très joli », de αs (deas) « joli » ; nʹiꞏ jinʹɩmʹ (ni dheinim) « je ne fais pas », de dʹᴇnʹɩmʹ (deinim) « je fais » ; mo ji꞉həl (mo dhícheall) « mon possible », de dʹi꞉həl (dícheall) « possible » ; ə χɑrə jilʹ (a chara dhil !) « mon cher ami ! », de dʹilʹ (dil) « cher » ; əm jiꞏɛgʹ (im dhiaidh) « après moi », de dʹiꞏɛgʹ (diaidh) « suite » ; jaᴜl ʃeꞏ (gheall sé) « il promit », de αlɩmʹ (geallaim) « je promets » ; jɑ꞉r ʃeꞏ (ghearr sé) « il coupa », de αrɩmʹ (gearraim) « je coupe ».

dɩ jimʹɩ ʃeꞏ (do imthigh sé) « il s’en alla », de ɩmʹi꞉mʹ (imthighim) « je m’en vais » ; et cf. § 295.

nʹiꞏ vajən (ní bhfaigh­eann) « il n’obtient pas » ; en face de nʹiꞏ vaimʹ (ní bhfaighim) « je n’obtiens pas », cf. § 196.