Peveril du Pic/Chapitre 25

Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 18p. 316-330).


CHAPITRE XXV.

L’ATTAQUE.


Le cours de la vie humaine est changeant comme les vents inconstants et le ruisseau vagabond, ou comme la danse légère des feuilles d’automne agitées par la brise dont le souffle impétueux les pousse çà et là, tantôt leur faisant raser la terre, tantôt les enlevant dans les airs : ainsi le destin se joue capricieusement de l’homme, son éphémère et faible vassal.
Anonyme.


Tandis que vaincu par la fatigue et tourmenté par l’inquiétude, Julien s’endormait prisonnier sous le toit de son ennemi héréditaire, la fortune préparait sa délivrance par un de ces caprices soudains qui trompent les espérances et déjouent les calculs de l’esprit humain, et, comme elle se sert souvent d’agents fort étranges pour l’accomplissement de ses desseins, il lui plut d’employer en cette circonstance le personnage important de mistress Deborah Debbitch.

Excitée sans doute par le souvenir du temps qui n’était plus, cette duègne prudente et réfléchie ne se sentit pas plus tôt dans le voisinage des lieux où elle avait passé les beaux jours de sa vie, qu’elle se mit en tête d’aller faire une visite à la vieille femme de charge du château de Martindale, dame Ellesmère, qui, retirée depuis long-temps de son service actif, demeurait avec son neveu, Lance-Outram, dans la maison du garde forestier, et vivait là des économies de sa jeunesse et d’une petite pension que lui avait accordée sir Geoffrey en considération de son âge et de ses fidèles services.

Il s’en fallait beaucoup que dame Ellesmère et mistress Deborah eussent jamais été amies aussi intimes que cette prompte visite aurait pu le faire croire ; mais le temps avait appris à Deborah à oublier et à pardonner : et d’ailleurs peut-être n’était-elle pas fâchée, sous prétexte d’aller voir mistress Ellesmère, d’examiner le changement que les années avaient produit sur son ancien admirateur le garde forestier. Ils étaient tous les deux dans leur petite maison, lorsque Deborah, parée de sa plus belle robe, après avoir traversé la prairie, franchi la haie, et pris le petit sentier, frappa à la porte et souleva le loquet, en entendant l’invitation hospitalière qui lui fut faite d’entrer.

La vue de dame Ellesmère était tellement affaiblie que, même à l’aide de ses lunettes, elle ne put reconnaître, dans la femme mûre et presque majestueuse qui entrait, la jeune fille leste et bien faite qui, fière de sa bonne mine et de sa langue bien déliée, l’avait si souvent irritée par son insubordination. Son ancien amant, le redoutable Lance, ne se doutant pas que le fréquent usage de l’ale avait donné de la rotondité à sa taille, jadis souple et dégagée, et que la vertu de l’eau-de-vie avait transporté sur son nez les couleurs vermeilles qui brillaient autrefois sur ses joues, fut incapable de découvrir, sous le bonnet à la française que portait Deborah et la dentelle de Bruxelles qui ombrageait son visage, cette physionomie agaçante et futée qui lui avait valu tant de mercuriales de la part du docteur Dummerar, lorsque, pendant la prière ou le service, il permettait à ses yeux de se diriger vers le banc où se plaçait Deborah.

Enfin elle fut obligée en rougissant de se nommer ; et, une fois reconnue, elle fut reçue par la tante et le neveu avec la plus sincère cordialité.

On lui offrit l’ale brassée à la maison ; et les tranches de venaison que l’on y ajouta pouvaient faire conjecturer que Lance-Outram, en sa qualité de garde forestier, n’oubliait pas, en fournissant le garde-manger du château, de garnir aussi celui de sa maisonnette. Un modeste verre de l’excellente ale du Derbyshire et un morceau de venaison fortement assaisonnée eurent bientôt mis Deborah parfaitement à l’aise avec ses anciens amis.

Après toutes les questions indispensables et toutes les réponses convenables sur l’état du voisinage et sur les connaissances qui y résidaient encore, la conversation, qui commençait à languir, prit tout-à-coup un nouvel intérêt, grâce à Deborah, qui avertit ses amis de ce qu’ils allaient bientôt apprendre de fâcheux sur les événements du château ; elle leur dit que le major Bridgenorth, son maître actuel, avait été sommé par certain grand personnage arrivé de Londres de lui prêter main-forte pour arrêter sir Geoffroy, son ancien maître ; et que tous les domestiques de monsieur Bridgenorth, ainsi que plusieurs autres personnes qu’elle nomma toutes du même parti, avaient formé une troupe nombreuse pour surprendre le chevalier dans sa demeure. « On ne pouvait craindre, ajoutait-elle, que sir Geoffroy, maintenant vieux et goutteux, fit une défense aussi ferme qu’il l’aurait faite autrefois ; mais, comme il était connu pour être courageux et intrépide, il n’était pas probable qu’il se rendît sans tirer l’épée ; et s’il venait à tomber sous les coups de ceux qui n’avaient jamais cherché à le ménager, et à la merci desquels il se trouvait maintenant, elle, dame Deborah, ne regardait lady Peveril ni plus ni moins que comme une femme morte. Il en résulterait sans doute un deuil général dans ce pays, où ils avaient une parenté si nombreuse ; et la soie, par cette raison, allait vraisemblablement renchérir de manière à remplir la bourse de maître Lutestring, le marchand mercier de Chesterfield. Quant à elle, que lui importait comment les choses tourneraient ? Mais si monsieur Julien devenait le maître du château, elle était dans le cas de dire mieux que personne qui pourrait fort bien devenir la maîtresse de Martindale.

La nouvelle que Bridgenorth était parti à la tête d’une troupe de gens pour attaquer sir Geoffroy Peveril dans son propre château parut si étrange aux anciens serviteurs de la famille, qu’ils furent incapables de faire aucune attention au reste du discours que miss Deborah débitait avec tant de volubilité ; et lorsqu’enfin elle s’arrêta pour respirer, tout ce que la pauvre dame Ellesmère put répliquer, fut ce peu de mots : « Quoi ! Bridgenorth braver Peveril du Pic ! Cette femme est-elle folle ? — Allons, allons, dit Deborah, ne me donnez pas le nom de femme plus que je ne vous le donne ; je n’ai pas occupé le haut bout de la table de mon maître pendant tant d’années, et je n’ai pas reçu le litre de mistress, pour que vous me traitiez ainsi de femme. Quant aux nouvelles que je vous apporte, elles sont aussi vraies qu’il est sûr que je vous vois assise là, avec une coiffe blanche, que vous changerez pour une noire avant peu. — Lance-Outram, s’écria la vieille femme, si tu es un homme, sors à l’instant, et cours t’informer de ce qui se passe au château. — Oui, répondit Outram, je ne suis resté ici que trop long-temps. » Et saisissant son arc et quelques flèches, il s’élança hors de la chaumière. — En voici bien d’une autre, dit mistress Deborah ; voyez un peu si ma nouvelle n’a pas fait fuir d’épouvante Lance-Outram, lui que rien ne pouvait effrayer, à ce qu’on disait. Mais ne vous alarmez pas tant, dame Ellesmère : si le château et les terres passent entre les mains du major Bridgenorth, ce qui est assez probable, car j’ai entendu dire qu’il lui est dû une somme considérable sur ce domaine, je vous promets ma recommandation auprès de lui. Je vous assure que ce n’est pas un méchant homme, quoiqu’il pousse un peu loin la manie de prêcher, de prier et de trouver à redire aux vêtements que l’on porte : ce qui, je dois l’avouer, ne convient guère à un gentilhomme, car certainement une femme doit savoir ce qui lui sied. Quant à vous, dame Ellesmère, qui portez à votre ceinture un livre de prières à côté de votre trousseau de clefs et qui n’avez jamais changé votre coiffe blanche, je puis vous assurer qu’il ne vous refusera pas le peu dont vous avez besoin et que vous n’êtes plus en état de gagner. — Sors d’ici, effrontée, » s’écria dame Ellesmère, dont tous les membres tremblaient de crainte et de colère ; « tais-toi à l’instant, ou je trouverai des gens qui te caresseront la peau avec les fouets de nos chiens. N’as-tu pas mangé le pain de notre noble maître ? N’est-ce pas assez d’avoir trahi sa confiance, et d’avoir abandonné son service ? Faut-il encore que tu viennes ici, comme un oiseau de mauvais augure, nous prédire sa ruine, et en triompher ?

— Oh ! non, dame Ellesmère, » dit Deborah, à qui la colère de la vieille femme imposait, « ce n’est pas moi qui dis tout cela, c’est le warrant de ces gens du parlement. — Je croyais que nous étions débarrassés de tous ces warrants depuis le bienheureux 29 de mai, reprit la vieille femme de charge ; mais je te le dis, la belle, j’ai vu de semblables warrants enfoncés à la pointe de l’épée dans la gorge de ceux qui en étaient chargés ; et c’est ce qui pourra bien arriver aujourd’hui, s’il reste au château un seul homme digne de ce nom. »

Comme elle parlait, Lance-Outram entra. « Hélas, » dit-il d’un air consterné, « je crains que ce qu’elle a dit ne soit que trop vrai. Le fanal de la tour est aussi noir que mon ceinturon. L’étoile polaire de Peveril ne brille plus. Qu’est-ce que cela signifie ? — Mort, ruine et captivité, s’écria la vieille Ellesmère ; retourne au château, misérable, et laisses-y ton grand corps, s’il le faut, va te battre pour la maison qui t’a nourri et élevé, et si tu es enseveli sous les ruines, tu mourras du moins de la mort d’un homme. — Ma tante, je saurai me battre comme il faut, soyez-en sûre ; mais voici des personnes qui, j’en réponds, nous en apprendront davantage. »

Deux servantes qui avaient fui du château pendant l’alarme entrèrent alors, et firent chacune un récit différent ; mais toutes deux s’accordèrent à dire qu’un corps d’hommes armés était en possession du château ; que le major Bridgenorth avait emmené le jeune monsieur Julien prisonnier à Moultrassie-House, lié et garrotté sur un cheval, spectacle désolant à voir, assuraient-elles, « lui un si beau jeune homme ! un jeune homme si bien né ! »

Lance-Outram se gratta la tête ; et, bien que s’avouant intérieurement le devoir qui lui était imposé comme fidèle serviteur, devoir dont le souvenir d’ailleurs n’aurait pas manqué d’être réveillé en lui par les exclamations et les cris de sa tante, il ne parut pas peu embarrassé sur la conduite qu’il avait à tenir. « Plût à Dieu, ma tante, dit-il enfin, que le vieux Wintaker vécût encore, avec ses éternelles histoires sur Marstonmoor et Edgehill, qui nous faisaient bâiller jusqu’à nous démonter les mâchoires, en dépit des tranches de lard et de la bière double ! On ne regrette bien un homme que lorsqu’on en a besoin ; et je voudrais pour une bonne pièce d’or qu’il fût ici, afin d’arranger cette affaire, qui est tout à fait hors de mes attributions de garde forestier. Je n’entends rien à la guerre ; cependant je veux que le diable m’emporte s’ils emmènent le vieux sir Geoffrey sans qu’une arbalète soit tirée. Voyons, Nell, » ajouta-t-il en parlant à l’une des deux fugitives « Mais non, tu n’as pas plus de cœur qu’un chat, et tu es effrayée de ton ombre au clair de la lune. Toi, Cisly, tu es une gaillarde résolue, et tu sais distinguer un daim d’un bouvreuil. Écoute-moi donc, Cisly : tu veux te marier, n’est-ce pas ? en bien, retourne au château, et rentres-y, tu sais par où ; car plus d’une fois tu es sortie furtivement par la poterne pour aller jouer ou danser, je le sais bien. Retourne donc au château, si tu veux te marier, je le répète. Rends-toi auprès de milady : ils ne sauraient t’en empêcher. Milady a une tête qui en vaut vingt comme les nôtres ; s’il est nécessaire que j’amène des secours, tu m’en donneras le signal, en allumant le fanal. Tu peux le faire aisément, je réponds que les têtes-rondes sont trop occupées à boire et à piller pour faire attention à toi. Encore un mot : dis à milady que je suis allé chercher les mineurs de Bonne-Aventure. Les coquins se mutinaient hier pour leur salaire : ils ne demanderont pas mieux de faire un bon ou un mauvais coup. Qu’elle m’envoie ses ordres, ou plutôt apporte-les toi-même, tu as les jambes assez longues. — Qu’elles soient longues ou non, monsieur Lance (ce que vous ne savez pas au surplus), elles sauront faire votre commission ce soir pour l’amour du vieux chevalier et de milady. » Et à l’instant Cisly Sellok, espèce de Camille du comté de Derby, qui avait gagné le prix à la course à pied d’Ashbourne, se mit à courir vers le château avec une vitesse que peu d’hommes auraient égalée.

« Voilà une courageuse fille, dit Lance-Outram. Maintenant, ma tante, donnez-moi mon grand sabre : il est sur le ciel du lit ; donnez-moi aussi mon couteau de chasse, et ne craignez rien. — Et que vais-je devenir, moi ? » demanda d’un ton plaintif mistress Deborah.

« Vous pouvez rester avec ma tante, mistress Deborah, et par égard pour l’ancienneté de notre connaissance, elle veillera à ce qu’il ne vous arrive rien de fâcheux ; mais prenez garde à vous si vous tentez de vous échapper. »

À ces mots et tout en songeant à la tâche qu’il avait entreprise, le brave forestier se mit en route au clair de la lune, écoutant à peine les bénédictions et les recommandations de prudence que dame Ellesmère faisait pleuvoir sur lui. Ses pensées, tandis qu’il cheminait, n’étaient pas exclusivement belliqueuses : « Quelle jambe fine a cette gaillarde ! se disait-il ; elle détale aussi vite qu’une biche sur la rosée pendant l’été. Mais voici les huttes des mineurs ; voyons un peu l’affaire, Holà ! hé ! habitants des demeures souterraines, sortez de vos terriers ! Savez-vous que votre maître sir Geoffrey est mort ou n’en vaut pas mieux ? Mais peut-être ne vous en souciez-vous guère. Ne voyez-vous pas que le fanal a cessé de luire sur la tour ? et vous voilà tranquilles comme autant d’ânes rassemblés ! — Vraiment, répondit un des mineurs qui commençaient à sortir de leurs huttes :


« S’il est vrai qu’il soit mort soudain,
Il ne mangera plus de pain. »


— Et vous n’en mangerez pas plus que lui, reprit Lance, car voilà ses travaux arrêtés, et vous serez tous renvoyés. — Eh bien ! où est le grand malheur ? maître Lance ; autant passer son temps à jouer que de travailler pour ne rien gagner. Il y a bien quatre semaines que nous n’avons vu la couleur de l’argent de sir Geoffrey, et vous voulez que nous nous inquiétions s’il est mort ou vivant ! Pour vous qui trottez sur votre cheval, et qui n’avez d’autre travail que l’occupation que la plupart des gens prennent pour leur plaisir, à la bonne heure, tout peut être bien ; mais il n’en est pas de même pour ceux qui sont forcés de renoncer à la lumière du ciel, de s’ensevelir le jour et la nuit dans l’obscurité ; comme les taupes dans leur trou : cela ne saurait se faire pour rien. Si sir Geoffrey est mort, son âme pourra bien en souffrir, j’ose le dire et s’il est vivant, nous ne tarderons pas à le citer devant la cour de Barmoot[1]. — Écoutez-moi, Gaffer, et vous tous, prêtez-moi quelque attention, mes camarades, » dit Lance-Outram à la population souterraine qui était assemblée autour de lui : « Croyez-vous que cette mine de Bonne-Aventure ait jamais fait entrer un sou dans la poche de sir Geoffrey ? — Je ne puis le dire, répondit le vieux Ditchley, celui qui avait parlé jusqu’alors.

« Répondez maintenant sur votre conscience, quoique ce soit une conscience de plomb. Ne savez-vous pas qu’il y a perdu des sommes considérables ? — La chose est possible, répondit Gaffer-Ditchley ; mais peu importe ; qui perd aujourd’hui, gagnera demain : le mineur n’en doit pas moins manger. — C’est vrai ; mais que mangerez-vous quand maître Bridgenorth sera le maître du domaine, et qu’il ne voudra entendre parler ni de mines ni de mineurs sur ses terres ? Pensez-vous qu’il vous ferait travailler, lui, pour ne rien gagner ? — Bridgenorth ? celui de Moultrassie-House, qui a fait cesser les travaux de la grande mine de Félicité, dans laquelle son père avait dépensé, à ce qu’on assure, dix mille livres sterling sans avoir jamais gagné un sou ? Qu’a-t-il à voir dans la propriété de sir Geoffrey, dans la mine de Bonne-Aventure ? Elle ne lui a jamais appartenu, je pense ? — Je ne sais trop, » répondit Lance, qui voyait qu’il avait fait sensation ; « j’ai peur que la loi et les dettes ne lui donnent la moitié du Derbyshire, si vous ne soutenez pas le vieux sir Geoffrey. — Et s’il est mort, » dit Ditchley malignement, « quel bien notre défense peut-elle lui faire ? — Je ne vous ai pas dit qu’il fût mort ; j’ai dit seulement qu’il n’en valait guère mieux, puisqu’il est entre les mains des têtes-rondes, qui le retiennent prisonnier dans son propre château, et qui lui feront couper la tête, comme au brave comte de Derby à Bolton-le-Moors. — Ma foi, camarades, dit Gaffer-Ditchley, si les choses sont telles que nous le dit maître Lance, je crois que nous devons donner un coup de main pour le vieux sir Geoffrey, contre un coquin lâche et mal né, comme ce Bridgenorth, qui a fait fermer une mine où l’on avait dépensé des millions. Ainsi donc, hourra pour sir Geoffrey, et à bas les croupions ! Mais attendez un moment ! » et d’un signe de la main il arrêta les acclamations qui commençaient à s’élever. « Écoutez-moi, Lance-Outram, j’ai peur qu’il ne soit trop tard ; regardez, l’étoile polaire ne brille pas, la tour du fanal est noire comme la nuit, et vous le savez vous-même, c’est le signe de la mort du seigneur. — Il se rallumera, je l’espère, » dit Lance (qui ajouta intérieurement : « Fasse le ciel que cela soit ! ») ; dans un instant il se rallumera, soyez-en sûrs, c’est le manque de combustible, sans doute, qui en est cause ; c’est le trouble qui règne au château. — Cela est possible, cela est assez probable, répondit Ditchley ; mais je ne bouge pas d’ici que je n’aie vu la flamme du fanal. — La voilà ! s’écria Lance, je te remercie, Cisly, je te remercie, ma bonne fille. Croyez-en donc vos yeux, mes camarades, si vous ne voulez pas me croire ; à présent hourra pour Peveril du Pic, le roi et ses amis, et à bas les croupions et les têtes-rondes ! »

La lumière soudaine du fanal produisit tout l’effet que Lance désirait sur l’esprit de ses grossiers et ignorants auditeurs, dont la superstition attachait à l’étoile polaire des Peveril la prospérité de cette maison. Une fois émus, ils furent bientôt poussés jusqu’à l’enthousiasme, ce qui s’accordait avec le caractère particulier de leur pays, et Lance-Outram se vit en un moment à la tête d’une trentaine de vigoureux gaillards, armés de pioches et de haches, et prêts à exécuter tout ce qu’il leur ordonnerait.

Croyant pouvoir entrer au château par la poterne, qui dans plus d’une circonstance lui avait servi ainsi qu’aux autres domestiques, sa seule préoccupation était de faire marcher sa troupe en silence, et il recommandait avec instance à ceux qui le suivaient de garder leurs acclamations pour le moment de l’attaque. Ils n’étaient pas très-éloignés du château, quand Cisly-Sellok parut devant eux, hors d’haleine ; la pauvre fille avait tellement couru, qu’elle fut obligée de se jeter dans les bras de Lance-Outram.

« Halte-là, ma brave fille, » dit-il, en lui donnant un baiser, « et apprends-nous ce qui se passe au château. — Milady vous ordonne, pour l’amour de Dieu et de votre maître, de ne pas venir au château, ce qui ne servirait qu’à faire répandre le sang. Elle dit que sir Geoffrey est légalement arrêté, et qu’il faut qu’il se soumette, qu’il est innocent de tout ce dont on l’accuse, qu’il va se défendre devant le roi et son conseil, et qu’elle part avec lui. D’ailleurs les coquins ont découvert la poterne, car deux d’entre eux m’ont aperçue comme j’en sortais, et ils m’ont donné la chasse ; mais je leur ai montré une bonne paire de talons. — Jamais meilleure coureuse n’a fait tomber la rosée des primevères, dit Lance. Mais qu’allons-nous faire ? s’ils se sont emparés de la poterne, je ne sais comment nous pourrons entrer. — Tout est fermé à clefs et à verroux dans le château, tout y est gardé au fusil et au pistolet, continua Cisly, et ils sont si attentifs, qu’ils ont manqué de m’attraper, comme je viens de vous le dire, lorsque je sortais pour vous apporter le message de milady. Mais ma maîtresse a dit encore que, si vous pouviez délivrer son fils, M. Julien, d’entre les mains de Bridgenorth, vous lui rendriez un grand service. — Quoi ! s’écria Lance, notre jeune maître est-il au château ? C’est moi qui lui ai montré à tirer sa première flèche. Mais, mon Dieu ! comment y entrer ? — Il est arrivé au château au milieu du tumulte ; mais le vieux Bridgenorth l’a emmené prisonnier à Moultrassie-House. Il n’y a ni foi ni ménagement à attendre d’un vieux puritain dans la maison duquel il n’est jamais entré ni flûte ni tambourin depuis qu’elle est bâtie. — Et qui a arrêté une mine qui promettait des merveilles, dit Ditchley, uniquement pour épargner quelques mille livres, quand il aurait pu devenir aussi riche que le lord de Chatsworth, et nourrir en même temps une centaine de bons garçons. — Eh bien ! donc, puisque vous êtes tous du même avis, dit Lance-Outram, nous irons relancer le vieux blaireau dans son terrier, et je vous garantis que Moultrassie-House n’est pas comme les châteaux des gens de qualité, dont les murailles sont aussi épaisses que celles d’une digue : vous n’y verrez que de misérables murs de briques, que vos pioches abattront aussi facilement que si vous frappiez sur un fromage. Hourra, encore une fois, pour Peveril du Pic ! À bas Bridgenorth et tous ces manants de têtes-rondes ! »

Après avoir laissé tous les gosiers de sa troupe se délecter par un bruyant hourra, Lance-Outram fit observer le silence, et les conduisit vers Moultrassie-House par des chemins détournés où ils risquaient moins que partout ailleurs d’être aperçus. La bande se grossit, chemin faisant, de plusieurs vigoureux fermiers, partisans de la famille Peveril ou attachés au parti des cavaliers et des épiscopaux, et qui, alarmés des nouvelles qui commençaient à se répandre dans les environs, avaient couru aux armes.

Lance-Outram fit faire halte à sa troupe à la distance d’un trait d’arbalète, et s’avança, seul et en silence, pour reconnaître la maison : ce qu’il ne fit pas sans avoir ordonné préalablement à Ditchley et à ses mineurs de venir à son secours lorsqu’il sifflerait. Il marcha donc avec précaution, et ne tarda pas à se convaincre que ceux qu’il venait surprendre étaient fidèles à la discipline qui avait valu à leur parti une supériorité si décidée pendant la guerre civile : une sentinelle placée dans la cour se promenait en chantant pieusement un psaume, tandis que ses bras croisés sur sa poitrine soutenaient un fusil d’une formidable grandeur. »

« Un vrai soldat, pensa Lance-Outram, mettrait bientôt fin à ta chanson larmoyante et nasillarde, en t’envoyant une bonne flèche dans le cœur, ce qui ne causerait pas une grande alarme ; mais du diable si j’ai le courage d’un soldat ! Je ne saurais combattre un homme quand le sang ne me bout pas de colère ; et quant à tirer sur lui de derrière un mur, ce serait le traiter comme un daim. Il vaut mieux le regarder en face, et voir ce que je pourrai faire de lui. »

Cette résolution une fois prise, et sans chercher à se cacher plus long-temps, il entra hardiment dans la cour, feignant de s’avancer vers la porte de la maison, quand le vieux soldat de Cromwell qui était de garde s’écria : « Qui est là ? Halte-là, l’ami, ou je te tue ! » Ces mots se succédèrent rapidement, et en prononçant le dernier, le factionnaire coucha Lance-Outram en joue, et lui présenta le bout de son énorme fusil.

« Quoi ! s’écria Lance-Outram, êtes-vous dans l’usage d’aller à la chasse à une telle heure de la nuit ? D’honneur, vous ne trouverez plus que des chauve-souris ! — Écoute, l’ami, » répondit la sentinelle expérimentée, « je ne suis pas de ceux qui font leur devoir avec négligence. Tes paroles rusées ne sauraient m’attraper, quoique tu t’efforces de leur donner un air naturel et de simplicité. Quel est ton nom ? quelle affaire t’amène ici ? Réponds, ou je fais feu. — Mon nom, répondit Lance, eh ! quel diantre de nom veux-tu que j’aie, si ce n’est celui de Robin-Round, l’honnête Robin de Redham ? Quant à l’affaire qui m’amène, puisqu’il faut que vous le sachiez, je suis chargé par un homme du parlement, qui est là-bas au château, de certaines lettres pour le digne monsieur Bridgenorth de Moultrassie-House. C’est ici la maison, je crois, bien que je ne comprenne guère pourquoi vous vous promenez ainsi en long et en large devant cette porte, comme l’enseigne de l’Homme-Rouge, une vieille escopette au bras. — Donne-moi les lettres, ami, » dit le factionnaire à qui cette réponse parut assez naturelle ; « je les ferai remettre à son Honneur. »

Lance-Outram, fouillant dans ses poches comme pour y chercher les lettres en question, s’approcha du factionnaire ; puis, avant que celui-ci eût pu concevoir le moindre soupçon, il le saisit subitement au collet, siffla d’une manière aiguë, et, rappelant toute cette adresse de lutteur qui lui avait acquis de la célébrité dans sa jeunesse, il renversa son homme et l’étendit sur le dos ; mais l’arme qu’il cherchait à lui arracher partit.

Au coup de sifflet, les mineurs s’avancèrent à la hâte, et se précipitèrent dans la cour ; Lance-Outram, n’espérant plus exécuter son projet en silence, ordonna à deux de ses gens de s’assurer du prisonnier, et aux autres d’enfoncer à grands cris la porte de la maison. À l’instant, la cour retentit de l’acclamation : « Vive Peveril du Pic ! » suivie de toutes les injures que les royalistes avaient prodiguées aux têtes-rondes pendant la guerre civile. Tandis que quelques-uns attaquaient la porte d’entrée avec leurs instruments de mineurs, les autres dirigeaient leurs coups contre une espèce de porche attenant à la façade principale de la maison. Ces derniers, protégés par l’avance de la muraille et d’un balcon qui était au-dessus du porche, travaillaient avec plus de sûreté et de succès que leurs compagnons, qui n’étaient pas aussi bien garantis, et auxquels les portes de chêne, garnies de clous, opposaient plus de résistance que des murs de brique.

Le tumulte qui avait lieu dans la cour ne tarda pas à jeter l’alarme dans l’intérieur de la maison. Des lumières parurent aux fenêtres, et des voix demandèrent la cause de tout ce désordre. Cette question n’obtint d’autre réponse qu’un redoublement de cris. Enfin, une fenêtre de l’escalier s’ouvrit, et Bridgenorth lui-même demanda d’un ton impératif ce que signifiait ce bruit, ordonnant aux tapageurs de se retirer à l’instant, et les menaçant de punition s’ils n’obéissaient point.

« Nous demandons notre jeune maître, vieux fanatique, vieux bandit, répondit une voix : et si vous ne le rendez pas à l’instant, la pierre la plus élevée de votre maison ira rouler avec celles des fondements. — C’est ce que nous allons voir dans un moment, dit Bridgenorth ; car, si l’on frappe un coup de plus contre les murs de ma paisible maison, je fais feu sur vous : et que votre sang retombe sur votre tête ! J’ai ici une vingtaine d’amis tous armés de fusils et de pistolets ; et, avec le secours du ciel, nous ne manquons ni de moyens ni de courage pour punir les actes de violence auxquels vous pourriez vous porter. — Maître Bridgenorth, » répondit Lance qui, bien qu’étranger au métier de la guerre, était assez intelligent pour comprendre l’avantage que devaient avoir sur son parti des gens bien armés et à couvert ; « maître Bridgenorth, accordez-nous une entrevue à des conditions raisonnables. Nous ne voulons pas vous faire de mal ; rendez-nous seulement notre jeune maître. C’est bien assez que vous nous ayez pris le vieux et sa femme : un chasseur ne peut tirer sans indignité le cerf, la biche et le faon. Si vous voulez, nous vous donnerons sur-le-champ quelques éclaircissements à ce sujet. »

Ce discours fut suivi d’un craquement terrible qui se fit aux croisées du rez-de-chaussée, et qui résultait d’un nouveau plan d’attaque suggéré par quelques-uns des assaillants.

« J’accepterais les conditions de cet honnête garçon, et je laisserais aller le jeune Peveril, » dit quelqu’un de la garnison qui, en bâillant avec nonchalance, s’était approché du poste où se trouvait placé le major.

« Êtes-vous fou ? répondit Bridgenorth, et me croyez-vous assez dépourvu d’énergie et de bon sens pour renoncer aux avantages que je possède actuellement sur la famille de Peveril ; et cela par la crainte d’un tas de vauriens que la première décharge dispersera comme la paille chassée par un tourbillon ? — Sans doute, » répondit son interlocuteur qui était le même individu qui avait frappé Julien par sa ressemblance avec Ganlesse, « j’aime la vengeance comme vous ; mais nous pourrions l’acheter trop cher, si ces coquins s’avisaient de mettre le feu à la maison, ce qu’ils paraissent avoir envie de faire, tandis que vous parlementez à la fenêtre. Ils ont jeté dans le vestibule des torches et des brandons allumés ; et tout ce que nos amis peuvent faire, c’est d’empêcher la flamme de se communiquer aux vieilles boiseries. — Que le ciel te juge pour ton insouciance et ta légèreté ! répondit Bridgenorth. On dirait que le mal est tellement ton élément, que peu t’importe que ce soit un ami ou un ennemi qui souffre. »

À ces mots, il descendit précipitamment l’escalier du vestibule, dans lequel les assaillants avaient jeté, à travers les barreaux de fer des fenêtres, une certaine quantité de paille allumée qui produisait beaucoup de fumée et assez de feu pour mettre la confusion parmi les défenseurs de la place. Quelques coups de feu tirés à la hâte par les fenêtres firent peu de mal aux assiégeants, qui, s’animant de plus en plus, répondirent à cette décharge par le cri de « Vive Peveril du Pic ! » Comme ils étaient déjà parvenus à faire une brèche au mur de brique, Lance-Outram, Ditchley et plusieurs des plus intrépides entrèrent dans le vestibule.

Il s’en fallait pourtant que la maison fût prise. Les assiégés joignaient au sang-froid et à l’habileté cet esprit d’enthousiasme qui compte la vie pour rien quand il s’agit d’accomplir un devoir réel ou supposé. Par les portes entr’ouvertes qui donnaient sur le vestibule ils entretenaient un feu qui commençait à devenir fatal : un mineur fut tué, trois ou quatre blessés, et Lance ne savait trop s’il devait battre en retraite et laisser la maison en proie aux flammes, ou faire une attaque désespérée sur les postes occupés par les défenseurs, et tenter de s’emparer de la place. Le parti qu’il prit en ce moment fut déterminé par une circonstance imprévue, dont il est nécessaire de rendre compte.

Julien Peveril, de même que les autres habitants de Moultrassie-House, avait été éveillé pendant cette nuit mémorable par le bruit du mousquet de la sentinelle et par les cris que poussaient les vassaux et les amis de son père. Il en conclut qu’on attaquait la maison de Bridgenorth, dans l’intention de le délivrer. Doutant beaucoup du succès de cette tentative, à peine sorti du sommeil dont il avait été tiré si brusquement, et troublé par la succession rapide des événements dont il avait été témoin depuis si peu de temps, il se vêtit à la hâte, et se mit à la fenêtre de sa chambre. Mais il lui fut impossible de rien voir qui pût calmer son inquiétude, car la fenêtre donnait du côté opposé à celui où l’attaque avait lieu. Il essaya d’ouvrir sa porte, mais elle était fermée à l’extérieur ; son embarras et son anxiété devenaient extrêmes, quand tout à coup il entendit tirer les verrous, et Alice Bridgenorth, les cheveux flottant sur les épaules, les vêtements en désordre, les yeux brillants de terreur et de résolution, se précipita dans la chambre, et lui saisit la main en s’écriant : « Julien, sauvez mon père ! »

La lumière qu’elle portait fit reconnaître à Julien des traits qu’il était impossible de voir sans intérêt, et qui avaient en ce moment une expression irrésistible pour un amant.

« Alice, que voulez-vous dire ? Quel est ce danger ? où est votre père ? — Ne me faites point de questions ; mais si vous voulez le sauver, suivez-moi. »

En même temps elle marcha devant lui à pas précipités, et descendit à moitié l’escalier de la tour : là, ouvrant une porte, elle traversa une galerie, qui la conduisit à un escalier plus grand et plus large, au pied duquel se trouvait son père, entouré de plusieurs de ses amis. À peine pouvait-on les apercevoir au milieu du nuage de fumée produit et par le feu qui commençait à gagner dans le vestibule, et par les coups de fusil que tiraient les assiégés.

Julien vit qu’il n’avait pas un moment à perdre s’il voulait que sa médiation servît à quelque chose. Il se fit jour à travers le parti de Bridgenorth, avant que ceux-ci eussent eu le temps de s’apercevoir de sa présence, et, se jetant au milieu des assaillants, dont un nombre considérable occupait le vestibule, il les assura qu’il était en sûreté, et les conjura de s’éloigner.

« Ce ne sera pas sans avoir quelques tranches de croupion, monsieur Julien, répondit Lance. Je suis content de vous voir sain et sauf ; mais voici Joë Rimegap qui vient d’être tué comme un daim ; plusieurs de nous sont blessés : nous voulons en tirer vengeance, et rôtir les puritains comme de la laine d’agneau. — Vous me rôtirez donc avec eux, dit Julien, car je jure par le ciel que je ne quitterai pas cette maison, ayant donné ma parole d’honneur au major Bridgenorth d’y rester jusqu’à ce que j’aie été remis en liberté par la loi. — Au diable donc ! fussiez-vous dix fois un Peveril, s’écria Ditchley. Voir tant de braves gens se donner tant de mal en votre faveur, et ne pas faire meilleure contenance ! Je le répète, attisez le feu, camarades, et brûlez-les tous ! — La paix, la paix, mes amis, et veuillez écouter la raison, dit Julien. Nous sommes tous ici dans une situation dangereuse, et votre opiniâtreté ne servira qu’à la rendre encore plus fâcheuse. Aidez à éteindre le feu que vous avez allumé, où il pourra nous en coûter cher. Restez sous les armes, et laissez monsieur Bridgenorth et moi régler les conditions de l’arrangement. J’ose croire que tout peut encore se terminer d’une manière favorable pour les deux partis. Si je me trompe, vous renouvellerez l’attaque, et je vous soutiendrai ; mais quoi qu’il arrive, je n’oublierai jamais le service que vous avez voulu me rendre cette nuit. »

Alors il prit à part Ditchley et Lance-Outram, tandis que les autres, frappés de ses paroles et de son aspect, se tenaient respectueusement immobiles. Il leur exprima sa gratitude pour tout ce qu’ils avaient fait, leur demandant comme le plus grand service qu’ils puissent lui rendre, ainsi qu’à la maison de son père, de lui permettre de négocier les conditions de sa liberté ; et il mit en même temps dans la main de Ditchley cinq ou six pièces d’or, afin que les braves mineurs de Bonne-Aventure pussent boire à sa santé ; puis il dit à Lance-Outram combien il était touché du zèle actif qu’il avait montré, lui déclarant toutefois qu’il ne lui en saurait véritablement gré qu’autant qu’il le laisserait arranger l’affaire comme il l’entendrait.

« Ma foi, monsieur Julien, dit Lance-Outram, vous en êtes bien le maître, car je fais ici une besogne qui est étrangère à mon métier : la seule chose à laquelle je prétende, c’est de vous voir sortir sain et sauf de Moultrassie-House ; autrement, notre vieille tante Ellesmère me fera un froid accueil quand je rentrerai à la maison. La vérité est que c’est à contre-cœur que j’ai commencé tout ceci ; mais quand j’ai vu le pauvre Joë tomber à côté de moi, j’ai pensé que nous devions exiger une réparation ; mais je remets le tout entre les mains de Votre Honneur. »

Pendant ce colloque, les deux partis s’étaient employés de concert à éteindre le feu, qui autrement serait devenu fatal à tous. Il fallut un effort général pour en venir à bout ; les uns et les autres se livrèrent aux travaux nécessaires avec autant de zèle et d’unanimité que si l’eau qu’on tirait du puits dans des paniers de cuir pour éteindre l’incendie avait eu également pour effet d’amortir leur animosité mutuelle.



  1. Mot saxon, qui veut dire assemblée sur une montagne. a. m.