Petit Dictionnaire libéral/Texte entier/B

Ulfrand Ponthieu Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 10-15).
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B.

BARBARIE. — Expression dont on se sert pour désigner le temps qui s’est écoulé depuis Pharamond jusqu’à l’établissement de la République française.

Quelques grands politiques prétendent que la civilisation n’a commencé en France qu’avec la guillotine. Les libéraux eux-mêmes trouvent un peu d’exagération dans cette manière de voir.

BASSESSE. — Qualité encore plus essentielle que l’audace pour parvenir, attendu qu’elle expose à moins de danger.

BATAILLE. — Jeu que la France a joué avec un succès inouï pendant quelques années, mais auquel elle a perdu ensuite tout ce qu’elle avait gagné, son fondé de pouvoirs ayant imprudemment exposé dans une seule partie tout ce que la France lui avait confié.

Un pareil jeu n’était pas du goût des hommes sensés, qui prévoyaient l’issue funeste qu’il devait avoir ; mais certaines gens le regrettent beaucoup. Il ne coûtait guère que quatre à cinq cent mille hommes par an, et rapportait près de trois mille épaulettes.

BERCEAU. — Petit meuble contre lequel sont venues se briser toutes les espérances révolutionnaires.

BIEN-BIENS. — Il y a une grande différence dans la signification de ces deux mots, quoique au premier coup d’œil l’un semble être le pluriel de l’autre. Les révolutionnaires ont autant d’horreur pour le bien que d’amour pour les biens.

BIENS NATIONAUX. — Texte admirable sur lequel on peut broder toutes sortes de déclamations. Il n’y a point de discussion politique dans laquelle un homme adroit ne puisse faire intervenir les biens nationaux.

Rappelle-t-on à l’ordre un député libéral, on attaque les biens nationaux.

Se moque-t-on de l’éloquence cavalière d’un orateur gaucher, on attaque les biens nationaux.

Rétablir la censure, écarter un candidat libéral, voter dans le sens du gouvernement, saisir le Constitutionnel, protéger la religion, encourager la fidélité, récompenser le dévouement, punir la trahison, c’est toujours attaquer les biens nationaux.

On voudrait se procurer l’attestation d’un acquéreur qui aurait été tourmenté, afin d’appuyer par un petit exemple ces déclamations qui commencent à s’user et qui finiront par perdre tout leur crédit faute d’une preuve qu’il devrait être facile de faire ou de donner.

BIOGRAPHIE DES HOMMES VIVANS. — Assassinat littéraire, exécuté par livraisons. — Appât offert à la méchanceté publique. — Piédestal sur lequel on pose les coryphées de son parti. — Un des moyens les plus efficaces d’outrager les hommes qui ne partagent pas notre opinion. — Grâce à d’adroites équivoques, on peut calomnier en paix les nobles adversaires dont on redoute le courage, le talent et la loyauté.

BLANCHIR. — Rendre blanc.

Il se dit des choses et des personnes, comme dans cette phrase : on a long-temps fait des efforts inutiles pour blanchir le côté gauche de la Chambre.

La restauration a blanchi le drapeau tricolore.

BONNET. — Coiffure qui a long-temps orné le front des révolutionnaires. On l’avait empruntée aux galériens, à qui on défendit de la porter ; elle était couleur de sang pour mettre en harmonie la tête et le cœur. Lorsqu’il s’agissait de condamner à mort un honnête homme, les révolutionnaires opinaient du bonnet.

BONS HOMMES (Assemblée des). — Sobriquet donné à une réunion dangereuse de savans et de gens de lettres, qui combattent avec talent les doctrines révolutionnaires.

BOUE. — Lieu d’où nous avons vu sortir beaucoup de spéculateurs en habits brodés.

BRAILLARD. — Adjectif qu’on emploie pour peindre un homme qui parle souvent, beaucoup, et presque toujours mal à propos. (Voyez les interruptions des séances de la Chambre des députés.)

BRAVOURE. — Vertu indigène, selon les royalistes. Ils admirent les soldats de Fontenoy et ceux de Marengo, les batailles de Bouvines et d’Austerlitz, et se glorifient d’être les compatriotes de Catinat et de Kléber, de Turenne et de Macdonald.

Le dictionnaire révolutionnaire est plus réservé ; il ne voit point de braves là où il ne trouve que de fidèles serviteurs de la monarchie : ce titre n’appartient, selon lui, qu’à ceux qui attaquent le trône ; on le perd en le défendant.

On dit dans cette langue le brave Riego, le brave Pepé ; on ne dit plus le brave Cambronne.

BRUTUS. — Les héros de ce nom sont l’exemple des pères et le modèle des fils.