Petit Dictionnaire libéral/Texte entier/A

Ulfrand Ponthieu Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 1-9).
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PETIT

DICTIONNAIRE

LIBÉRAL.



A.

ABAISSEMENT. — Humiliation volontaire. Elle n’a pas de suites fâcheuses, à en juger par la situation brillante des esclaves de l’empire.

ABANDON. — Mesure de prudence dont il est très-important de savoir faire usage à propos. En poussant les imprudens à la révolte, on les conduit quelquefois à la mort ; mais il faut avoir le courage de les abandonner au pied de l’échafaud.

ABATTOIR. — Terme qui sert à désigner le lieu où les bouchers assomment les bœufs.

En 1815 le général D… fit placarder sur les murs de Paris qu’il passerait la revue des fédérés dans les différens abattoirs de la capitale… Une femme qui venait de lire cette affiche dit en soupirant : Encore des hommes qu’on envoie à la boucherie !

ABATTRE. — Verbe actif, dont les révolutionnaires ont fait un usage fréquent. À certaine époque l’impératif abattons, faisait fureur. Ce verbe a passé de mode ; il a fait place au verbe reconstruire, dont la conjugaison est beaucoup plus difficile.

ABÎME. — Temple du néant où aboutissent toutes les routes de la révolution.

ABUS. — Les révolutionnaires comprennent sous cette dénomination l’éducation chrétienne, les passeports, les réverbères et la gendarmerie.

ACADÉMIE. — Assemblée d’hommes distingués dans les lettres, les sciences et les beaux-arts ; d’où l’on voudrait exclure le prêtre qui sert son Dieu, l’écrivain qui loue son roi, le savant qui honore son pays.

ADHÉSION. — Signature de confiance qui n’engage à rien. Lettre de change tirée à vue sur la puissance qui arrive, mais qui n’a cours qu’autant que celle-ci consent à l’acquitter. On traduit assez ordinairement ces sortes de signatures par : j’adhère à la conservation de mes places ; une de moins, mon adhésion est moralement nulle.

ALARME. — Manœuvre adroite à l’aide de laquelle on ébranle la confiance et l’on fait naître l’inquiétude.

Il ne faut pas craindre de prodiguer l’alarme : quelle que soit son invraisemblance, elle manque rarement son effet sur les esprits faibles, qui ont ordinairement la crédulité de l’ignorance et l’entêtement de la sottise.

ALLÉGORIE. — Figure de rhétorique qui peut au besoin remplacer l’injure et la calomnie : elle a le grand avantage de n’épargner ni le trône ni l’autel ; ce qui en double l’attrait pour ceux qui l’emploient.

ALLIANCE. — Union entre les gens qui ont les mêmes vœux et les mêmes projets.

Les révolutionnaires ne sont pas difficiles en fait d’alliance ; ils ne s’informent pas de ce que vous voulez, il leur suffit de savoir ce que vous ne voulez pas.

AMBITION. — Maladie dont les libéraux se prétendent guéris depuis qu’on a déclaré que les emplois ne seraient accordés qu’aux véritables amis du Roi et de la Charte.

Il serait cependant possible qu’une majorité nouvelle qui donnerait à gauche, réveillât en eux cette maladie, et l’on sent combien une rechute deviendrait alors dangereuse.

ÂME. — Elle est toujours immortelle en France, en vertu d’un décret de la Convention nationale, du 7 mai 1794, rendu sur le rapport de M. Robespierre, dont les dispositions n’ont pas été abrogées.

AMENDEMENT. — Changement en mieux.

Un libéral ne s’amende pas, quelles que soient les faveurs dont il est l’objet, ou les grâces dont le souverain a daigné le combler. (Voir à ce sujet la lettre de M. le comte B…, pair de France.)

Un amendement est aussi le nom d’une mauvaise plaisanterie qu’un député de l’opposition fait à la Chambre pour lasser sa patience ; à cette fin on amende, on sous-amende dix fois le même article d’une loi dont on veut retarder l’adoption :

Et cela fait toujours passer une heure ou deux…!

AMNISTIE. — Pardon politique qui dispense de toute espèce de reconnaissance.

AMORCE. — Appât. Les mots gloire, honneur, liberté, patrie, sont des amorces avec lesquelles on prenait autrefois autant de peuple qu’on voulait. Depuis quelque temps il ne mord plus à l’amorce, parce qu’il a aperçu l’hameçon.

AMOUR FILIAL. — Bonaparte avait débarrassé les enfans de ce vieux préjugé. L’éducation soldatesque qu’ils recevaient, pour ainsi dire, au sortir du berceau, tournait toutes leurs pensées vers la carrière militaire ; ils avaient tant d’amour pour la patrie et pour les épaulettes, qu’il ne leur en restait plus pour leurs familles.

ANARCHIE. — Paradis des Jacobins, carnaval des doctrinaires, enfer des honnêtes gens.

ARBITRAIRE. — On désigne ainsi toute mesure politique qui tend à assurer la paix, à protéger les citoyens, à garantir l’état des troubles des factieux. Exemple : N*, accusé de rébellion et pris les armes à la main, a été arrêté, jugé et condamné arbitrairement.

On ne comprend pas sous cette dénomination le décret impérial du 15 mars 1815, qui condamnait à mort le vicomte de la Rochefoucault, le maréchal Marmont, l’abbé de Montesquiou, etc., et ordonnait la confiscation de leurs biens ; ni le décret qui exilait les gardes du corps du Roi à trente lieues de Paris ; ni mille autres décrets rendus sous l’empire ou pendant les cent jours.

ARMÉE. — Réunion d’hommes disciplinés, qui ne reconnaissent pour chefs que ceux qui leur plaisent, et ne leur obéissent encore que selon leur bon plaisir.

Un grand orateur l’a dit, long-temps après le 13 vendémiaire : « L’obéissance militaire est conditionnelle quand le visage du soldat est tourné vers la figure du citoyen ; il n’en est pas de même quand ce dernier lui tourne le dos. »

Sous Napoléon, et lorsque l’armée se composait de Belges, d’Italiens, de Hollandais, de Badois, de Wurtembergeois, de Bavarois, et même de Mamelucks, elle était grande, patriotique, nationale. Elle a perdu tous ces avantages depuis qu’elle n’est composée que de Français, et qu’elle est destinée à défendre le trône et la patrie.

Aux yeux des royalistes, l’armée française est la gloire du passé et l’honneur de l’avenir.

ASSASSINAT. — Action qui change de nom suivant les personnages qui la commettent. On dit, dans la langue révolutionnaire : le crime de Charlotte Corday, l’étourderie de Gravier, le dévouement de Louvel, et l’erreur de Sand.