Pensées d’août/Heureux loin de Paris

Pensée d’aoûtMichel Lévy frères. (p. 190-191).


SONNET


À MADAME P.


Heureux, loin de Paris, d’errer en ce doux lieu,
Je venais de quitter le petit Bois des Dames,
Et m’écartant de l’Oise, où lavaient quelques femmes,
J’allais, gai villageois, léger, en sarrau bleu,

Chapeau de paille au front, du côté de Saint-Leu,
Quand soudain, me tournant vers le couchant en flammes,
Je vis par tout le pré des millions de trames,
Blancs fils de bonne Vierge aux longs réseaux de feu.


Des nappes du fin lin la terre était couverte,
Et les chaumes restants et les brins d’herbe verte
Semblaient un champ de lis subitement levé ;

— Des brebis, tout au loin, bondissaient, blonde écume ;
Et moi, dont l’œil se mouille et dont le front s’allume,
Tête nue, adorant, je récitai l’Ave.


Précy, 9 octobre.