Pensées (Pascal)/2e éd. Desprez/Approbations

Pensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets, qui ont esté trouvées après sa mort parmy ses papiers (1670)
Guillaume Desprez (p. lxiv-lxxiv).



Approbations de Nos seigneurs les Prélats
Approbation de Monseigneur de Comenge.

Ces pensées de Monsieur Pascal font voir la beauté de son génie, sa solide piété, et sa profonde érudition. Elles donnent une si excellente idée de la Religion, que l’on acquiesce sans peine à ce qu’elle contient de plus impénétrable. Elles touchent si bien les principaux points de la Morale, qu’elles découvrent d’abord la source et le progrès de nos désordres, et les moyens de nous en délivrer ; et elles effleurent les autres sciences avec tant de suffisance, que l’on s’aperçoit aisément, que M. Pascal ignorait peu de choses de ce que les hommes savent. Quoi que ces Pensées ne soient que le commencement des raisonnements qu’il méditait, elles ne laissent pas d’instruire profondément. Ce ne sont que des semences ; mais elles produisent leurs fruits en même temps qu’elles sont répandues. L’on achève naturellement ce que ce savant homme avait eu dessein de composer ; et les lecteurs deviennent eux-mêmes auteurs en un moment pour peu d’application qu’ils aient. Rien n’est donc plus capable de nourrir utilement et agréablement l’esprit que la lecture de ces essais quelques informes qu’ils paraissent, et il n’y a guère eu de production parfaite depuis longtemps qui ait mieux mérité selon mon jugement d’être imprimée que ce livre imparfait. À Paris, le 4 Septembre 1669.
Gilbert, E. de Comenge.
De Monseigneur l’Évêque d’Aulonne, Suffragant de Clermont.

Après avoir lu fort exactement et avec beaucoup de consolation les Pensées de M. Pascal touchant la Religion Chrétienne, il me semble que les vérités qu’elles contiennent peuvent être fort bien comparées aux essences dont on n’a point accoutumé de donner beaucoup à la fois, pour les rendre plus utiles aux corps malades : parce qu’étant toutes remplies d’esprits, on n’en saurait prendre si peu que toutes les parties du corps ne s’en ressentent. Ce sont les images des pensées de ce recueil. Une seule peut suffire à un homme pour en nourrir son âme tout un jour, s’il les lit à cette intention, tant elles sont remplies de lumière et de chaleur. Et bien loin qu’il y ait rien dans ce recueil qui soit contraire à la foi de l’Église Catholique, Apostolique et Romaine, qu’au contraire, tout y est entièrement conforme à la doctrine et à ses maximes dans les mœurs. Car l’auteur était trop bien informé de la doctrine des Pères et des Conciles pour penser ou parler un autre langage que le leur ; ainsi que tous les lecteurs le pourront facilement reconnaître par la lecture de cet ouvrage, et particulièrement par cette excellente pensée de la page 238 dont voici les propres termes : Le corps n’est non plus vivant sans le chef que le chef sans le corps. Quiconque se sépare de l’un ou de l’autre n’est plus du corps et n’appartient plus à Jésus-Christ. Toutes les vertus, le martyre, les austérités, et toutes les bonnes œuvres sont inutiles hors de l’Église et de la communion du Chef de l’Église qui est le Pape. Fait en l’Abbaye de Saint André les Clermont le 24 novembre 1669.
Jean, E. d’Aulone, Suffragant de Clermont
De Monseigneur l’Évêque d’Amiens.

Nous avons lu le livre posthume de M. Pascal, qui aurait eu besoin des derniers soins de son auteur. Quoi qu’il ne contienne que des fragments et des semences de discours, on ne laisse pas d’y remarquer des lumières très sublimes et des délicatesses très agréables. La force et la hardiesse des pensées surprennent quelquefois l’esprit : Mais plus on y fait d’attention, plus on les trouve saines et tirées de la Philosophie et de la Théologie des Pères. Un ouvrage si peu achevé nous remplit d’admiration et de douleur, de ce qu’il n’y a point d’autre main qui puisse donner la perfection à ces premiers traits, que celle qui en a su graver une idée si vive et si remarquable, ni nous consoler de la grande perte que nous avons faite par sa mort. Le public est obligé aux personnes qui lui ont conservé des pièces si précieuses, quoi qu’elles ne soient point limées : et telles qu’elles sont, nous ne doutons pas qu’elles ne soient très utiles à ceux qui aimeront la vérité et leur salut. Donnée à Paris, où nous nous sommes trouvé pour les affaires de notre Église, le premier jour de Novembre 1669.
François, E. d’Amiens
Approbation des Docteurs.

Nous soussignés Docteurs en Théologie de la Faculté de Paris, certifions avoir lu le Recueil des Pensées de M. Pascal, trouvées dans son Cabinet après sa mort, que nous avons jugées Catholiques et pleines de piété. Le public a beaucoup perdu de ce que l’auteur n’a pas eu le temps de donner à cet ouvrage toute sa perfection. Les Athées en eussent été encore plus pleinement convaincus : la Religion Catholique plus puissamment confirmée, et la piété des fidèles plus vivement excitée : C’est ce que nous croyons et attestons. À Paris, le 5 septembre 1669.
De Breda, Curé de Saint André des Arts
Le Vaillant, Curé de St Christophe
Grenet, Curé de St Benoît.
Marlin, Curé de St Eustache.
J. L’Abbé, Petitpied, L. Marais, T. Roulland, Ph. le Feron


Approbation particulière de Monsieur LeVaillant, Docteur de la Faculté de Paris, ancien Prédicateur, Curé de Saint Christophe, et ci-devant Théologal de l’Église de Reims.

Quelle apparence de prendre tant de plaisir à lire les pensées de M. Pascal, et de n’en dire pas et témoigner les siennes en particulier. Je savait assez avec toutes les honnêtes gens, ce que pouvait ce rare esprit en tant d’autres matières, et surtout dans les Lettres qui ont surpris et étonné tout le monde ; mais qu’il dût nous donner et laisser une méthode si naturelle, et néanmoins si extraordinaire pour montrer, défendre et appuyer l’excellence et la grandeur de notre Religion ; c’est ce que je n’eusse pas pensé, si je n’en eusse vu le preuves très évidentes dan cet ouvrage. Il est vrai qu’il n’est pas achevé, et que les raisonnements n’ont pas toujours leur étendu et leur perfection : ce ne sont souvent que des commencements, des essais, et comme des restes de Pensées d’une haute et merveilleuse élévation : mais telles que puissent être ces Pensées, elle méritent bien justement l’éloge du Prophète ; Reliquia cogitationis diem festum agent tibi. Restes précieuses certainement ! Disons hardiment reliques honorables d’un illustre mort, qui du jour auquel elles paraîtront en public en feront un jour de fête et de joie pour tous les fidèles, mais de honte aussi et de confusion pour tous les Impies, les Libertins et les Athées, pour tous ceux qui se piquant de fort esprit n’ont dans leurs forces imaginaires que de la faiblesse et de l’infirmité, Infirmus dicet ego fortis sum. Ces malheureux informes verront dans ce livre leur misère et leur vanité ; ils trouveront leur défaite et leur déroute dans la victoire et le triomphe de l’auteur de ces Pensées que j’ai lues avant tant d’admiration, que j’approuve avec tant de reconnaissance, et que je certifie dans la dernière sincérité être très conformes à la foi et très avantageuses aux bonnes mœurs. Fait à Paris le sixième Septembre 1669.
A. Le Vaillant.

De M. Fortin, Docteur en Théologie de la Faculté de Paris, Proviseur du Collège d’Harcourt.

L’étroite liaison que j’ai eu avec M. Pascal durant sa vie m’a fait prendre un singulier plaisir à lire ces Pensées, que j’avais autrefois entendus de sa propre bouche. Ce sont les entretiens qu’il avait d’ordinaire avec ses amis. Il leur parlait des choses de Dieu et de la Religion avec tant de science et de soumission qu’il est difficile de trouver un esprit plus élevé et plus humble tout ensemble. Ceux qui liront ce recueil, qui contient des discours tout divins, jugeront aisément de la grandeur de son âme et de la force de la grâce qui l’animait. Ils ne trouveront rien qui ne soit dans les règles de la Religion, et qui n’inspire des sentiments d’une véritable et sincère piété. C’est le témoignage que je me sens obligé d’en rendre au public. À Paris ce 9 août 1669.
T. Fortin
De M. le Camus, Docteur en Théologie de la Faculté de Paris, Conseiller et Aumônier ordinaire du Roi.

Il m’est arrivé en examinant cet ouvrage en l’état qu’il est, ce qui arrivera presque à tous ceux qui le liront, qui est de regretter plus que jamais la perte de l’Auteur, qui était seul capable d’achever ce qu’il avait si heureusement commencé. En effet, si ce livre tout imparfait qu’il est, ne laisse pas d’émouvoir puissamment les personnes raisonnables, et de faire connaître la vérité de la Religion Chrétienne à ceux qui la chercheront sincèrement, que n’eût-il pas fiat si l’auteur y eût mis la dernière main ? Et si ces Diamants bruts épars ça et là jettent tant d’éclat et de lumière, quel esprit n’aurait-il pas éblouï, si ce savant ouvrier avait eu le loisir de les polir et de les mettre en œuvre ? Au reste, s’il eût vécu plus longtemps, ses secondes pensées auraient été sans doute dans un meilleur ordre que ne sont les premières qu’on donne au public dans cet écrit, mais elles ne pouvaient être plus sages, elles auraient été plus polies et plus liées, mais elles ne pouvaient être ni plus solides ni plus lumineuses. C’est le témoignage que nous en rendons, et que nous n’y avons rien remarqué qui ne soit conforme à la créance et à la doctrine de l’Église. À Paris le 21 Septembre 1669.
E. Le Camus, Docteur de la Faculté de Théologie de Paris, Conseiller et Aumônier du Roi.

De Monsieur de Ribeyran, Archidiacre de Comenge.

J’ai lu avec admiration ce livre posthume de M. Pascal. Il semble que cet homme incomparable non seulement voit, comme les Anges, les conséquences dans leurs principes ; mais qu’il nous parle comme ces purs Esprits par la seule direction de ces pensées. Souvent un seul mot est un discours tout entier. Il fait comprendre tout d’un coup à ses lecteurs ce qu’un autre aurait bien de la peine d’expliquer par un raisonnement fort étendu. Et tant s’en faut que nous devions regretter qu’il n’ait pas achevé son ouvrage, que nous devons remercier au contraire la Providence divine de ce qu’elle l’a permis ainsi. Comme tout y est pressé, il en soit tant de lumières de toutes parts, qu’elles font voir à fond les plus hautes vérités en elles-mêmes, qui peut-être auraient été obscurcies par un plus long embarras de paroles. Mais si ces pensées sont des éclairs qui découvrent les vérités cachées aux esprits dociles et équitables, ce sont des foudres qui accablent les Libertins et les Athées ; et puisque nous devons désirer pour la gloire de Dieu l’instruction des uns et la confusion des autres, il n’y a rien qui ne doive porter les amis de M. Pascal à publier ces excellentes productions de ce rare esprt, qui ne contiennent rien, selon mon jugement, qui ne soit très Catholique et très édifiant. Fait à Paris le 7 Septembre 1669.
De Ribeyran, Archidiacre de Comenge.

De Monsieur de Drubec, Docteur de Sorbonne, Abbé de Boulancourt.


Un ancien[1] a dit assez élégamment que l’on doit considérer, eu égard à la postérité, tout ce que l’est auteurs n’achèvent pas, comme s’il n’avait jamais été commencé ; mais je ne puis faire ce jugement des Pensées de M. Pascal, il me semble que le ferait grand tort à la postérité aussi bien qu’à notre siècle, de supprimer ces admirables productions, encore qu’elles ne puissent non plus recevoir leur perfection, que ces anciennes figures que l’on aime mieux laisser imparfaites que de les faire retoucher. Et comme les plus excellents ouvriers se servent plus utilement de ces morceaux pour former les idées des ouvrages qu’ils méditent, qu’ils ne feraient de beaucoup d’autres pièces plus finies ; ces fragments de M. Pascal donnent des ouvertures sur toutes les matières dont ils traitent, qu’on ne trouverait point dans des volumes achevés. Ainsi, selon mon jugement, on ne doit pas envier au public le présent que lui font les amis de ce Philosophe Chrétien, des précieuses reliques de son esprit ; et non seulement, je ne trouve rien qui en puisse empêcher l’impression, mais je crois que nous leur devons beaucoup de reconnaissance du soin qu’ils ont pris de les ramasser. Donné à Paris le 5 Septembre 1669.

François Malet de Graville Drubec.
  1. Plin. jun. Ep. 8. l.5.