Peintures (Segalen)/Peintures dynastiques/Déification de Pei-Tcheou

Georges Crès et Cie (p. 174-176).


DÉIFICATION


DE PEI-TCHEOU

C’est plus — ou moins — qu’un homme que vous voyez, chevauchant sa bête favorite. Sous les espèces de ce Génie bienfaisant monté sur le Paon traditionnel, c’est un roi fou, divinisé par lui-même. La peinture est rouge-brun, rouge-ancien et noire, fumée par l’encens et la suie des lampes, beurrée de l’huile dévote des mains, telle que ces grandes fresques pieuses dont les temples sont habités, et qui pénètrent les murs de leurs attouchements gras.

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Symétriquement à sa gloire, le Roi Yu de Tcheou se manifeste : levant la main droite, baissant l’autre, il lance le geste éternel de tous les Génies sauveurs de tous les mondes, et qui désignent ainsi les Cieux d’où ils viennent et la terre qu’ils arrosent de compassion.

Aucune autre image n’est admise. L’arrière-plan des deux côtés, serait peut-être accessible aux vivants… Mais on l’a embu, par respect, d’un vernis obscur. Lui seul, — dieu — veut être apparent ; — et de son menton au bas-ventre il déploie sur la robe constellée le nom des hypostases qu’il s’attribue et des entités qu’il englobe. Mais quiconque paraît en sa face et ose contempler le divin, doit se préparer par trois jours et trois nuits d’abstinence, suivis d’un jour entier d’ablutions. —

L’avez-vous fait ?

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Alors, contentez vous de lever respectueusement les yeux sur la monture. L’oiseau porte-dieu, ce paon mâle, est planté tout droit de face comme Lui. La queue fait une auréole. Les pieds sont deux dignes colonnes. La tête aux petits yeux gris Lui cache justement le nombril.