Pauvres fleurs/Le Marinier

Pour les autres éditions de ce texte, voir Le marinier.

Pauvres fleursDumont éditeur Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 311-313).



LE MARINIER.


Je crains Dieu, ma mère !
J’ai l’amour au cœur ;
Point de haine amère,
Partant, point de peur :
Mais à l’ange, ou femme
Que je viens de voir,
J’ai donné mon âme
Pour bien peu d’espoir !


C’est une rose en deuil, une fleur orpheline,
Que tenait par la main Marina sa cousine.
Elles venaient chercher passage à l’autre bord ;
Dieu m’aimait ce jour-là, car j’étais seul au port !

L’autre enfant m’appelle,
Et dit : « Marinier !
Sais-tu la chapelle
Où l’on va prier ?
Cette ange, à la Vierge
Qui plaint son doux sort,
Va porter un cierge
Pour son père mort. »

Ma mère ! où je vous vois, c’est là qu’elle est venue ;
Là, comme une lumière aux marins inconnue !
Là, j’ai cru que la Vierge entrait dans mon bateau,
Et que mon humble barque allait brûler dans l’eau !

Et la jeune sainte
Aux cheveux tressés,

Tenait avec crainte
Ses longs yeux baissés.
Oh ! que je devienne
Capitaine ou roi,
Elle sera mienne
Et reine par moi !