Pauvres fleurs/Deux Jeunes filles

Pour les autres éditions de ce texte, voir Les deux marinières (« Entends-tu le canon du fort, »).

Pauvres fleursDumont éditeur Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 315-317).
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DEUX JEUNES FILLES.


MARINA.

Entends-tu le canon du fort,
Pour un vaisseau qui rentre au port ?
Mais, mon enfant ! le capitaine
Tient l’équipage en quarantaine.
Viens voir de loin le bâtiment
Qui te ramène ton amant !

LALY.

Laisse-moi reprendre mon cœur
Qui s’en va de joie et de peur !
J’avais rêvé cette nouvelle :
Mais, vois ! je suis moins forte qu’elle.
C’est ma neuvaine au roi des cieux,
Qui met de tels pleurs dans mes yeux !

MARINA.

Tu me fais rire avec tes pleurs ;
Prends plutôt dentelles et fleurs,
Prends ! et puisque Dieu te l’envoie,
Folle ! ne pleure pas ta joie ;
Car je sais que les amoureux,
N’aiment pas qu’on pleure pour eux.

LALY.

Que veux-tu ! je suis faite ainsi !
Et des hommes pleurent aussi.

LALY.

Lui ! sa voix pleure dans moi-même ;
Marina ! c’est pourquoi je l’aime ?
Une larme sauve ; autrement
On mourrait de saisissement.

MARINA.

Allons, viens, tu n’en finis pas ;
Viens ! tout le monde court là-bas.
Au salut du canon qui roule
Ton amant te croit dans la foule.
C’est la lenteur qui fait mourir ;
Moi, mes pieds brûlent de courir !

LALY.

Marina ! laisse-moi m’asseoir ;
Je serai plus forte ce soir.
Il est là ! j’ai le temps d’attendre ;
On n’est plus trop loin pour s’entendre :
Comme l’oiseau qui suit le vent,
Mon âme est allée en avant !