Pauvres fleurs/La Fontaine

Pour les autres éditions de ce texte, voir La fontaine (« L’amour, encor enfant descendait dans nos fleurs »).

Pauvres fleursDumont éditeur Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 241-242).



LA FONTAINE.
de Thomas Moore.


L’amour, encor enfant descendait dans nos fleurs,
Travailler aux filets des jeunes oiseleurs ;
Un jour, las des oiseaux qui chantaient dans leur cage,
Ce nouveau-né tout nu s’envola du boccage.

Là-bas, une guirlande appendait aux ormeaux ;
Une eau lente et troublée en mouillait les rameaux ;
Amour dit : « Je connais cette belle couronne :
Le plaisir l’a perdue, et moi je me la donne ! »


Jamais il n’a rien vu qu’il n’ait voulu l’avoir.
Mais un Dieu si nouveau ne pouvait pas savoir,
Que la douleur pleurant sur des fleurs éphémères,
Avait fait le ruisseau de ses larmes amères.

Il saisit la guirlande en tremblant de désir,
Comme un jeune garçon quand il veut le plaisir.
Elle tomba dans l’eau, par le choc effeuillée,
Et l’enfant l’en tira toute froide et mouillée.

Pourtant, ce frais larcin qu’il porte nuit et jour,
Parce qu’il fut volé, reste cher à l’amour.
Mais le bandeau trempé de lumière et de charmes,
Retient le goût amer de la fontaine aux larmes !