Pour les autres éditions de ce texte, voir Au poète.

Pauvres fleursDumont éditeur Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 249-250).



AU POÈTE.


Quand chacun, tout fini, s’en alla de son bord,
Oh ! dites ! du cercueil de cette jeune femme
Ou du sentiment mort, abimé dans notre âme,
Lequel était plus mort ?

Sainte Beuve. —


Au-devant de cet hymne et si grave et si tendre,
Que les cœurs dévastés seuls ont le droit d’entendre,
Par mes enfans cachée aux dédains de mon sort,
Demandant à la vie un chant avant la mort,
Je venais me signer sur le seuil de votre âme ;
Elle est fermée ; et moi, mère, timide et femme,
Je n’appellerai pas deux fois : je frapperai,
Et si vous n’ouvrez pas, triste, je m’en irai.

Puis, seule comme vous, je fermerai ma porte :
Agenouillant mon cœur sur quelque amitié morte,
Je causerai tout bas avec votre âme encor,
Car, du plus malheureux votre âme est le trésor,
Et son livre est à moi, comme l’écho qui pleure.
Oui ! vous avez en vous, j’y rêvais tout à l’heure,
Ces mots inattendus que ne sait pas l’esprit,
Comme en ont les enfans, et que Dieu vous apprit !

Oui ! vous avez souffert de la même blessure,
Dont rien, rien, n’est-ce pas, ne ferme la morsure ?
Si bien, que je ne sais, si c’est par amitié
Pour vous, que je vous aime, ou bien, dans ma pitié
Pour moi, que j’ai tant lu ce livre empli de charmes,
Et le relis tout haut pour écouter mes larmes !