Pauvres fleurs/Au Médecin de ma Mère

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AU MÉDECIN DE MA MÈRE,
M. Taranget de Douay


Toi dont l’âme à la fois lumineuse et sensible,
Sur nos pâles douleurs s’use comme un flambeau,
Duelliste sublime et vainqueur du tombeau,
Laisse chanter mon cœur sous ton laurier paisible :
Laisse-le se rouvrir au rayon qu’autrefois
Ton regard attacha sur un enfant débile,
Qui n’oublia jamais dans son destin mobile,
Que ton nom a tremblé dans sa fébrile voix ;

Que ta main de mon père entr’ouvrait la demeure,
Quand Dieu sous ta figure y désaffligeait l’heure,
Alors que maladive et lourde à mon berceau,
Comme l’oiseau blessé pèse sur un roseau,
L’heure traînait son vol au toit de ma famille,
Et menaçait d’éteindre une petite fille ;
Que c’est ta volonté qui ralluma mon sort ;
Qui me reprit deux fois dans l’aile de la mort ;
Et quand je vacillais, luciole éphémère,
Me rendit toute vive aux larmes de ma mère.

Oui, tu plains de nos maux la triste profondeur,
Toi ; tu comprends tout l’homme en t’écoutant toi-même ;
Car ton étoile veuve au sein de sa splendeur,
Sait que l’on meurt déjà quand on perd ce qu’on aime ;

Ne meurs pas ! souffre encore ; aide-nous à souffrir ;
Laisse à mon doux pays ta charité savante,
À quelque humble famille une mère vivante ;
Et quelque pauvre enfant qui ne veut pas mourir !