Pauvre petite !/Préambule

Paul Ollendorff (p. 9-12).



Ceci n’est point une actualité, quoi qu’on en puisse croire, mais un récit puisé dans un vieux manuscrit enseveli sous la poussière et oublié dans un coin de la bibliothèque du château de X… Inutile de dire que je ne nommerai jamais ce château.

Je ne suis pas une plagiaire ; je copie, et si je tais le nom de l’auteur, c’est que mon vieux manuscrit n’est point signé.

Çà et là, les souris ou quelque autre vermine ont bien effacé ou déchiré quelques lignes d’écriture, je tâcherai d’y suppléer, et je demande d’avance pardon au lecteur, si mon imagination n’est pas à la hauteur du reste.

Le commencement, surtout, est un peu vague ; l’auteur a craint sans doute de se désigner trop clairement ; car il faut avouer, pour être juste, que bien que ces souvenirs nous soient donnés comme ayant été écrits par une amie, ils ne sont pas précisément l’œuvre d’une amie !

Mais le silence de la mort qui s’est établi depuis si longtemps sur tous les personnages dont il va être question, m’autorise à mettre ce récit en lumière.

Il est toujours intéressant d’étudier la société du xviiie siècle (?), dans sa vie intime, et de pénétrer ces dehors brillants, qui cachaient si souvent des plaies effroyables !

Est-ce à dire que nous valons mieux à présent ? Il ne m’appartient pas de juger. Chacun s’en tire, comme il croit le mieux.

Les cœurs, autrefois, étaient les mêmes, les institutions seules ont changé, ainsi que les préjugés.

Est-ce donc parce qu’on n’ose regarder en face une statue antique libre de voiles, qu’on soit plus vertueux ? Allons donc ! Vous tous qui criez tant après Mme X…, ou Mme Z…, parce que son œil bleu en dit beaucoup, et que son sourire en demande davantage !… laissez là vos belles phrases, ne vous méfiez pas tant de la race humaine, sans quoi, elle se méfiera de vous, et pourriez-vous affirmer que vous ne le regretteriez pas ?

Il faut bien être quelque peu sceptique, pour ne pas tomber dans la naïveté.